Travail détaché : la CFTC fait le point sur le dispositif

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFTC.

Juin 2018 : l’Europe adopte une directive sur le travail détaché, visant à mettre fin aux abus. Elle est aujourd’hui transposée dans la loi française. 

Le travail détaché, c’est quoi ?

Il a été établi par la directive européenne du 16 décembre 1996, au nom de la libre circulation des personnes et des services. Il autorise un employeur d’un État membre de l’Union européenne à envoyer l’un de ses salariés exécuter temporairement un travail dans un autre État membre*. Pour ce travailleur détaché, conditions de travail et rémunération sont celles du pays d’accueil. En revanche, il continue à s’acquitter de ses cotisations sociales auprès de son pays d’origine, tout comme son employeur. 

En France, le travailleur détaché bénéficie de la sécurité sociale (les soins qui lui sont dispensés sont pris en charge), tout en restant assuré dans son État d’origine. 

Ce qui fâche :

Le versement des cotisations sociales au pays d’origine du travailleur engendre deux sources de difficulté : 

  • le travailleur détaché bénéficie de la protection sociale de base française, sans y contribuer directement ;
  • la différence de taux des cotisations sociales patronales entre les pays favorise l’attractivité des pays d’envoi au détriment des entreprises et salariés locaux, car ils peuvent pratiquer des prix plus bas. Le risque, c’est celui du dumping social.

Ce débat est à distinguer de celui de la fraude à proprement parler. Il en existe principalement deux. La première est d’utiliser une société dite « boîte aux lettres », c’est-à-dire une coquille vide dénuée de véritable activité, pour envoyer des salariés dans d’autres États. La seconde est de contourner la loi en ce qui concerne les congés payés ou encore le salaire minimum (en amputant de ce salaire des frais d’hébergement et de transport par exemple). 

Peut-on agir ?

La CFTC plaide en ce sens depuis des années, en proposant plusieurs leviers d’action. 

  • Définir au niveau européen ce qui entre dans le salaire minimum (quid des primes et indemnités ?) et distinguer celui-ci des frais liés au détachement (logement, nourriture, transport). Pour lever certaines fraudes, il est possible d’aller plus loin et d’imaginer de créer un compte spécifique pour le travailleur détaché, sur lequel l’entreprise d’accueil lui verserait directement son salaire. Dès lors, impossible pour l’entreprise d’origine d’effectuer à sa guise les prélèvements.
  • Contrôler et sanctionner toujours davantage. L’une des entraves aux recours étant la disparité des procédures au sein des pays membres et, par conséquent, le manque de coordination entre leurs instances respectives, la CFTC imagine un organisme européen de contrôle du travail détaché.
La CFTC a-t-elle été entendue ?

Sur ces deux points, la transposition de la directive européenne en droit français apporte un progrès certain, car elle redéfinit la rémunération (incluant primes et indemnités) et fixe une durée maximale pour le détachement. En outre, l’Europe est en train de créer une Autorité européenne du travail, notamment dévolue au travail détaché. Enfin, les sanctions financières en cas de manquement ont été considérablement alourdies. 

Est-ce que cela suffira ?

Coordination des États, clarification de la législation, renforcement des contrôles… Ces mesures anti-fraudes vont dans le bon sens, mais restent à concrétiser. 

À noter, cette nouveauté : dès lors que le travailleur détaché intègre un secteur couvert par une convention collective étendue, il bénéficie de l’ensemble des règles qui y sont prévues. L’étape suivante serait de doter les États d’un mécanisme comparable… C’est pourquoi la CFTC continue, au-delà de la lutte contre la fraude, de plaider pour une harmonisation des législations des différents États membres, surtout en matière de sécurité sociale. 

Grand oublié en revanche, le secteur des transports routiers, exclu du champ d’application des nouvelles dispositions. Il demeure pour l’instant régi par la directive de 1996… 

 

*À ne pas confondre avec un salarié « expatrié » dont la durée de travail n’est pas déterminée. 

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