Marisol Touraine organise aujourd’hui une grande conférence de la santé, boycottée par les médecins généralistes. C’est bien dommage, puisque les tables rondes qui sont organisées toute la journée traitent essentiellement de leurs problèmes de carrière. L’opération de Marisol ne manquera pas d’amuser les mauvais esprits, puisque cette grande conférence est l’occasion d’annoncer une revalorisation de la consultation.
Mais les médecins sont fâchés par la généralisation du tiers payant et l’évidente surdité de la ministre face à leurs revendications.
On notera au passage que, pendant que Marisol se préoccupe du statut des médecins à l’ancienne, ceux-ci, dans l’indifférence de la ministre, s’intéressent à l’ubérisation de la santé. Voici l’avis que l’Ordre des Médecins vient de rendre sur le sujet, en synthèse du rapport qu’il publie:
- L’Ordre demande à la fois une simplification de la réglementation de la télémédecine dans les pratiques des médecins et l’instauration d’une régulation des autres offres numériques en santé dans le respect de principes éthiques et déontologiques dans le champ sanitaire.
- L’Ordre demande la mise en oeuvre concrète et appliquée aux territoires de santé de moyens télé-médicaux, afin de répondre aux besoins des patients et aux attentes des médecins qui les prennent en charge.
- La télémédecine étant, comme l’écrit la loi, une forme de pratique médicale, un régime particulier de contractualisation avec l’ARS, lorsqu’elle est pratiquée par les médecins de premier et de second recours dans le cadre du parcours de soins ou de la prise en charge coordonnée du patient, n’est plus justifié.
- La révision de l’écriture du décret télémédecine devra être menée de façon conjointe et concomitante avec une proposition de l’Ordre sur la réécriture de l’article R.4127-53 du code de la santé relatif à la déontologie médicale afin que « téléconseil personnalisé » devienne une forme particulière de téléconsultation, lorsque cette activité est clairement intégrée et tracée dans la prise en charge ou le suivi du patient.
- Au même titre que les actes médicaux dont la prise en charge financière est garantie par l’Assurance maladie, les activités réalisées par télémédecine doivent être inscrites dans CCAM. Cependant, la seule rémunération à l’acte ne s’accorde pas toujours avec toutes les activités de télémédecine. Une part de forfaitisation, par exemple dans le suivi d’une pathologie au long cours ou d’un dispositif médical connecté, devrait être explorée dans le cadre des négociations entre les partenaires conventionnels. De même, il est nécessaire que les dotations financières aux établissements de santé intègrent l’activité télé médicale qui y est pratiquée.
- Une contractualisation obligatoire avec l’ARS devrait être maintenue, dans le décret, pour les activités de télémédecine qui seraient de nature expérimentale ou qui se placeraient hors parcours de soins et/ou qui seraient proposées par des assureurs complémentaires, ou autres prestataires privés de services.
- Lors de cette contractualisation avec l’ARS, tel qu’indiqué ci-dessus, le visa de l’avis ordinal sur les contrats signés devrait être mentionné au regard du respect des règles déontologiques telles qu’établies dans le code de la santé publique.
- Lorsque des sociétés intermédiaires interviennent comme conciergeries numériques entre la demande d’une personne et le médecin qui y répond, l’Ordre doit viser les contrats passés entre le médecin et la société intermédiaire avant leur mise en oeuvre, dans le respect de clauses déontologiques essentielles publiées par le CNOM.
- Les responsabilités encourues par ces sociétés tierces ayant une vocation commerciale devraient être exactement précisées au sujet, notamment, de la protection de l’usager vis-à-vis des pratiques commerciales et de leur qualité en matière de santé, en fonction du droit national et de l’état du droit européen.
- L’impact majeur que va avoir la « disruption numérique » par l’usage des applis, des objets connectés et des algorithmes sur le système de santé, l’organisation de soins et des prises en charge, l’exercice médical et la sécurité des patients impose l’accélération des travaux auxquels le CNOM participe avec les autorités sanitaires, régulatrices et de protection sociale en France et en Europe afin que la régulation du marché se réalise sur des bases éthiques consolidées.
Que la vie serait différente si le gouvernement se penchait sur les vrais problèmes de la médecine.