Cet article provient du site du syndicat de salariés CFE-CGC.
Une étude de l’Agence pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) passe au peigne fin une cinquantaine d’accords télétravail signés en 2020, livrant plusieurs enseignements instructifs.
Mesure de prévention face au Covid-19, la généralisation du télétravail depuis le début de la crise sanitaire s’est traduite par un intérêt plus poussé des entreprises pour cette forme de travail. En attestent les quelques 1 000 accords télétravail (ou avenants à un accord préexistant) déposés entre janvier et novembre 2020 sur la base de données « D@ccord » gérée par le ministère du Travail.
DES ENTREPRISES ENCORE TIMIDES FACE AU DISPOSITIF
Fin 2021, l’Agence pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) a publié une étude (consultable ici) retraçant l’analyse approfondie d’une cinquantaine de ces accords. Il en ressort notamment que, bien que cette forme d’organisation du travail se soit largement développée, beaucoup d’entreprises restent encore prudentes voire réticentes dans sa mise en œuvre concrète.
En effet, le classement des textes en quatre grandes catégories révèle une plus grande proportion d’accords « réticents » » ou a minima « prudents ». La première catégorie cherche, par l’accord, à contenir au maximum le nombre de demandes de télétravail (peu de jours, annualisés ou mensualisés, jours fixes, critères cumulatifs d’éligibilité…) ; la seconde à instaurer de lourds processus encadrant cette organisation du travail, notamment via la formalisation de nombreux points par avenant au contrat de travail ou par la mise en place de délais de prévenance pour le télétravail occasionnel.
Les accords « convaincus » (grande souplesse laissée au management dans l’appréciation des demandes) et « expérimentateurs » semblent, eux, moins développés à ce stade. Il n’y a qu’à voir le nombre de jours de télétravail négocié en moyenne : selon l’étude, la moitié des accords permet un maximum de deux jours par semaine et un autre tiers fixe un plafond à un jour par semaine voire moins.
DES SUJETS IMPORTANTS INÉGALEMENT TRAITÉS
Par ailleurs, l’analyse du contenu des accords révèle l’absence ou la diversité de prise en compte de certains sujets qui constituent pourtant des enjeux importants dans la bonne mise en place du télétravail.
On observe en particulier un accompagnement très relatif du management dans l’évolution et la réalisation des nouvelles pratiques managériales qu’induisent le dispositif. Le risque de surcharge ou de mise en difficulté (technique notamment) est pourtant présent : augmentation du temps nécessaire à la coordination des équipes et au suivi individualisé pour diagnostiquer les situations problématiques, apprentissage de l’utilisation des outils numériques nécessaires au travail à distance et hybride, etc. Si les accords mentionnent parfois des formations ou des ateliers d’accompagnement, le sujet est rarement développé plus outre mesure.
La question du maintien du lien social est par ailleurs souvent abordée mais, en pratique, peu de mesures concrètes sont prises sur le maintien du collectif à distance. La problématique de la charge de travail est, elle, très peu abordée, malgré une estimation et une régulation de la charge plus compliquées à distance. Quant au sujet de la déconnexion des télétravailleurs, il est pris en compte mais souvent sous la forme de sensibilisations à l’usage des mails ou de mesures relevant davantage de la gestion des flux de communication (de type coupure des mails sur certaines plages horaires) que de réelles réflexions sur les causes de l’hyper-connexion, dont la charge de travail.
LA QUESTION DE LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS LIÉS AU TÉLÉTRAVAIL
L’étude de l’ANACT met en exergue une grande diversité dans la prise en charge des frais liés au télétravail (sur le sujet, voir le Guide CFE-CGC dédié), allant d’une totale absence de prise à charge à une indemnisation de 300 euros par an. Par ailleurs, l’indemnisation du télétravail exceptionnel, tel qu’on l’a vécu pendant cette crise, semble absente des accords malgré la corrélation temporelle entre un certain nombre de ces accords et la crise sanitaire.
Sur ce sujet, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail, signé en novembre 2020 par les partenaires sociaux, est venu préciser que l’indemnité prévue pour un télétravail « classique » devait s’étendre au télétravail exceptionnel. L’interdiction d’opérer une différence de traitement entre les télétravailleurs « classiques » et ceux relevant du télétravail exceptionnel a d’ailleurs été récemment confirmée par la jurisprudence (tribunal judiciaire de Paris, 28 septembre 2021).
UN CADRE PLUS SOUPLE POUR CERTAINES POPULATIONS
Enfin, on peut relever dans la majorité des accords analysés une plus grande souplesse du cadre de télétravail accordée à certaines populations : personnes en situation de handicap, seniors ou encore femmes enceintes. Nombre d’accords semblent donc déjà en règle avec la nouvelle disposition introduite par la loi Rixain (promulguée le 24 décembre 2021 et visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle), selon laquelle un accord ou une charte existant sur le télétravail doit prévoir les modalités d’accès pour les femmes enceintes à une organisation en télétravail. Cette disposition fait d’ailleurs écho à une demande portée par la CFE-CGC lors d’une audition au Sénat, peu avant l’examen de cette loi par la chambre haute.