Auditionné mardi dernier au Sénat dans le cadre de l’examen parlementaire des textes budgétaires, Jean-Pierre Farandou, le ministre du Travail et des Solidarités, est notamment revenu sur l’enjeu du financement de la suspension de la réforme des retraites.

S’il a insisté sur le fait que c’était à la politique des retraites de financer la mesure, il ne s’est néanmoins pas montré tout à fait rassurant pour les complémentaires santé, enrôlées de force dans cette opération.
Le coût réel de la mesure en débat
Invité en cela par les membres de la commission sénatoriale des affaires sociales, qui ont souligné que l’exécutif avait successivement fait circuler plusieurs estimations très différentes du coût de la suspension de la dernière réforme des retraites – estimations allant de 1,5 milliard d’euros à échéance 2027 à 3 milliards d’euros – le ministre du Travail a dû préciser ce coût. “L’effort de financement” pour la Sécurité sociale, a-t-il expliqué, correspond à l’estimation contenue dans la lettre rectificative au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, soit 1,5 milliard d’euros au total d’ici 2027 – 100 millions pour l’an prochain de 1,4 milliard pour 2027. S’agissant de l’estimation haute avancée par le Premier ministre Sébastien Lecornu, Jean-Pierre Farandou a affirmé qu’elle correspondait au coût global de la mesure pour l’économie française, avec prise en compte de la moindre activité économique qu’elle implique.
“Les retraites payent les retraites” (mais ça se discute)
Interrogé, ensuite, sur les modalités de financement de cette enveloppe sociale de 1,5 milliard d’euros, le ministre du Travail a défendu le “principe” selon lequel “les retraites payent les retraites” – autrement dit selon lequel c’est à la politique des retraites de prendre à sa charge le financement de la suspension de la dernière réforme. Toutefois il a émis deux réserves non négligeables à ce principe. Il a d’une part estimé que “le principe, on peut en débattre”. C’est déjà un peu moins un principe. Surtout, il a déclaré que le moyen retenu par l’exécutif afin de décliner ce “principe” – soit : la moindre revalorisation des pensions de retraite en 2027 – pouvait, lui aussi, être débattu. “C’est une proposition. Elle peut être amendée, discutée, transformée” a-t-il annoncé devant les sénateurs. Le ministre est décidément très ouvert sur le “principe” selon lequel la politique des retraites doit payer la suspension de la dernière réforme.
Une mise à contribution “pas illogique” des OCAM
A l’inverse, il n’a guère laissé de place à la discussion en ce qui concerne la légitimité et les modalités de la mise à contribution des organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM), par le moyen d’un supplément de taxation exceptionnelle. “Leurs primes ont été augmentées alors que la dépense n’est pas arrivée” a-t-il développé, poursuivant : “donc il n’est pas illogique qu’on appelle à un effort un peu complémentaire”. Si d’aventure – et ce n’est pas l’aventure qui manque dans la configuration politique et institutionnelle actuelle – la politique des retraites en venait à être moins mobilisée afin de financer la suspension de la réforme des retraites, et puisqu’il n’est “pas illogique” que le gouvernement tape à la porte des OCAM pour financer cette mesure, ces derniers seraient sans doute bien inspirés de suivre de très près les débats que ce dossier va susciter dans les prochaines semaines.