Cet article provient du site du syndicat de salariés CFTC.
Vers une obligation de moyens plutôt que de résultat
La Cour de cassation infléchit sa jurisprudence sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat. Un arrêt à l’impact significatif.
Le respect des principes généraux de prévention oblige l’employeur à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés¹.
Depuis 2002, la jurisprudence considère qu’il s’agit d’une obligation de sécurité de résultat². Ainsi, dès lors que l’atteinte à la santé ou à la sécurité d’un salarié est avérée, l’employeur peut être condamné pour manquement à son obligation³.
Dans un arrêt récent4, la Cour de cassation revient sur cette position en permettant à l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter le préjudice subi par le salarié.
Dans l’affaire jugée, un chef de cabine d’Air France est témoin des attaques du 11 septembre 2001 à New York. En 2006, il déclare un syndrome anxio-dépressif majeur conduisant à un arrêt de travail. En 2008, il saisit le Conseil de prud’hommes afin de faire condamner son employeur qui aurait manqué à son obligation de sécurité de résultat, faute de suivi psychologique suffisant.
La Cour d’appel le déboute pour trois motifs : la compagnie aérienne a fait accueillir l’équipage par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter les salariés vers des consultations psychiatriques ; le salarié a été déclaré apte à son poste entre 2002 et 2005 et a exercé ses fonctions sans problème jusqu’en 2006 ; les éléments médicaux produits en 2008 ne présentent pas de lien avec les attentats.
La Cour de cassation confirme : « Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et 2 du Code du travail ».
Les juges prennent donc désormais en compte les diligences accomplies par l’employeur pour déterminer s’il est fautif ou non. S’il démontre avoir mis en place des actions de prévention des risques professionnels et pris les mesures nécessaires adaptées pour les éviter, le manquement à l’obligation de sécurité de résultat ne sera pas retenu en cas de survenance du risque. Cet assouplissement de la jurisprudence permet de dire qu’il s’agit d’un véritable « glissement » vers une obligation de moyens et non plus de résultat.
1. Article L. 4121-1 et 2 du Code du travail.
2. Seule la force majeure peut lui permettre de s’exonérer de sa responsabilité en cas de résultat non atteint.
3. Cour de cassation, Chambre sociale, 28 février 2002, n° 99-17201 et Cour de cassation, assemblée plénière, 24 juin 2005, n° 03-30038.
4. Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2015, n° 14-24444.