Saturation des hôpitaux publics : une semaine cauchemardesque en France

Les hôpitaux publics en France viennent de vivre une semaine symptomatique d’une situation qui ne peut plus durer. Mardi 6 mars, une patiente âgée de 73 ans est décédée d’un arrêt cardiaque après avoir attendu 2h30 sur un brancard. Ce week-end, c’est une étudiante lyonnaise qui succombait aux suites d’une otite malgré deux passages aux urgences. Entre temps, un couple a raconté son calvaire d’avoir été contraint de transporter dans leurs bras leur enfant décédé jusqu’à la morgue faute de couffin. 

Dans une tribune pour Le Monde, les professeurs Philippe Grimbert et André Grimaldi mettent en lumière “le déficit de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris qui devrait atteindre 174 millions d’euros en 2017 et qui va fortement limiter la masse salariale d’ici à 2022. De nouveaux efforts vont donc être demandés à une communauté de soignants, médicaux et paramédicaux déjà à bout de souffle et dont l’état d’esprit collectif se détériore progressivement.” 

La situation est sensiblement la même pour tous les hôpitaux publics de France et qui explique en partie la semaine cauchemardesque qu’ils ont vécu. 

2h30 d’attente sur un brancard alors qu’elle fait un arrêt cardiaque

Pensionnaire de la maison de retraite Wilson de Reims, Yvette Mendel âgée de 73 ans a été transférée aux urgences du CHU de Reims alors qu’elle souffre d’un pouls anormalement faible et de troubles de la circulation sanguine. Son fils vient alors au près d’elle avant de repartir travailler. 

Trois heures plus tard, l’hôpital lui annonce le décès de sa mère après un arrêt cardiaque. D’après les proches, le cas d’Yvette n’aurait pas été jugé préoccupant par les médecins sur place qui l’auraient ensuite laissé 2h30 sur un brancard. 

Quand je l’ai quittée à 16h30, je ne pensais jamais qu’elle allait mourir aux urgences et dans le hall, sur le brancard des ambulanciers que je venais de quitter. Et qu’elle n’ait pas vu un médecin pendant tout ce laps de temps, c’est incompréhensible. – Marc Mendel 

De son côté, l’hôpital explique que “sa situation clinique ne nécessite pas une prise en charge immédiate, compte tenu du fait que l’ensemble de l’équipe est fortement mobilisé, notamment par des urgences vitales”. Ce jour-là, trois médecins recevaient 55 patients en cinq heures. 

Marseille : couple traverse l’hôpital avec son bébé mort dans les bras

En septembre 2017, Marine, 29 ans, et Julien, 26 ans, ont vécu un véritable calvaire. Alors qu’ils viennent de perdre leur bébé suite à une malformation du diaphragme, aucun couffin n’est disponible pour le transporter jusqu’à la morgue. Le couple décide alors de le transporter seul mais il est loin d’imaginer que le calvaire ne fait que commencer. 

J’ai marché pendant environ un kilomètre avec mon bébé décédé dans mes bras, à la vue de tout le monde et sachant que j’avais encore des douleurs après mon accouchement qui s’était déroulé 3 jours auparavant. – Marine 

Lorsque le couple arrive à la morgue, ils trouvent portes closes, le personnel n’étant pas présent. Après avoir longuement appelé à l’aide et malgré les efforts du personnel présent, ils se résignent à attendre une heure, dehors. 

On était dans le local poubelle, assis sur des parpaings. – Marine 

L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille évoque “un enchaînement de dysfonctionnements”. La famille a d’ores et déjà été reçue par la direction et des mesures ont été prises. 

Lyon : une étudiante décède des suites d’une otite malgré deux passages aux urgences

Le 21 février, Leana Bonilla Cruz, étudiante en littérature à l’Université Lyon 2, était transportée à l’hôpital Edouard Herriot avant que son état de mort cérébrale ne soit constaté. Pour sa mère, “l’erreur médicale est évidente” car sa fille a été reçue deux fois aux urgences : d’abord le 9 février puis le 12 février, sans jamais être prise en charge. 

Les médecins n’ont pas pris le temps de diagnostiquer correctement le mal dont souffrait ma fille. Ils n’ont pas pu prendre en compte ses symptômes, n’ont pas su voir le caractère urgent de la situation, disant à ma fille qu’une otite n’était pas une urgence. – Carolina Cruz, mère de Leana 

Carolina, qui a déjà saisi la justice pour “homicide involontaire”, explique que le cas de sa fille n’a pas été pris au sérieux car elle a été transportée par ses amis. 

Leana était très faible, elle avait des maux de tête, vomissait… mais on ne les a pas écoutés car ils étaient jeunes. Ses amis ont insisté, mais les médecins n’aiment pas être contredits… pourtant c’est le patient qui sait ce qu’il sent. Il faut qu’ils écoutent ! Ça n’aurait pas dû arriver. Je ne veux pas qu’elle meure comme cela sans que son histoire soit connue. 

De son côté, l’hôpital a retracé la chronologie de ce décès mais aussi des prises en charge. Le 9 février, la jeune fille a été “vue rapidement pour une otalgie simple, avec une température de 39 °C, comme cela se voit pour des otites“. On lui prescrit alors des antibiotiques et antalgiques, “un traitement initial adapté” Mais son état de santé ne s’améliorant pas, ses amis rappellent l’hôpital qui lui répond “qu’il faut attendre un délai de 5 jours pour que le traitement fasse effet“. 

Leana ne cessant de vomir, ses amis la transportent à nouveau aux urgences le 12 février. Elle attendra 8 heures avant de voir un médecin. Son état varie, elle est de nouveau ramenée chez elle. Le 21, elle est transportée par les pompiers à l’hôpital car plongée dans le coma. Le 23, son décès est prononcé. 

Le gouvernement doit réagir et vite !

Alors coupes budgétaires qui augmentent la pression sur le personnel ou la compétence des médecins diminue-t-elle ? Dans tous les cas, ces trois dysfonctionnements symbolisent bien la situation dans laquelle sont les hôpitaux publics en France. Et ce ne sont pas les annonces d’Agnès Buzyn qui risquent de changer la donne. 

Après les paroles il est urgent d’agir ! 

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