Les mauvaises surprises arrivent facilement devant les prud’hommes. Un employeur en a récemment fait l’amère expérience.
La présence à l’audience des prud’hommes est capitale
La chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre une décision qui n’est pas si anodine et qui rappelle les fondamentaux de la procédure devant les prud’hommes. Elle a simplement rappelé que la procédure devant le conseil des prud’hommes est orale.
“Eh alors ?” serait-on tenté de dire. Et bien le fait que la procédure soit orale implique que celui qui dépose une demande soit nécessairement présent ou représenté à l’audience pour soutenir cette demande.
Dans la décision qui nous intéresse, la cour d’appel avait donné raison à l’employeur qui demandait, par écrit uniquement, le rejet des demandes en paiement d’indemnités et de dommages-intérêts au salarié. Manque de chance, ni l’employeur à l’origine de cette demande, ni son conseil, n’étaient présents à l’audience d’appel. La Cour de cassation estime donc que, la procédure étant orale, l’écrit ne suffit pas. Elle a alors annulé la décision de la cour d’appel !
Chefs d’entreprises, soyez donc vigilants si vous devez passer par une procédure devant les prud’hommes, rendez vous aux audiences ou choisissez bien votre conseil afin qu’il vous représente en toutes circonstances.
Voici le texte de l’arrêt :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X… a été engagé par la société Bo Paysages en qualité d’aide jardinier pour la période du 1er juillet au 16 août 2013 ; que la société a été placée en redressement judiciaire le 8 novembre 2013 puis en liquidation judiciaire le 2 octobre 2015, M. Y… étant désigné mandataire et liquidateur ; que le salarié a saisi la juridiction prud’homale notamment d’une demande en requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement, alors, selon le moyen, que toute irrégularité de la procédure de licenciement entraîne pour le salarié un préjudice que l’employeur doit réparer et qu’il appartient au juge d’évaluer ; qu’en considérant que le salarié n’était pas fondé à solliciter le paiement d’une indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement, la cour d’appel a violé l’article L. 1232-5 du code du travail ;
Mais attendu que l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ; que la cour d’appel a estimé que le salarié ne justifiait d’aucun préjudice résultant du non-respect de la procédure de licenciement ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 468 et 946 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter les demandes en paiement d’indemnité forfaitaire pour travail clandestin et dommages-intérêts pour remise tardive de documents, l’arrêt retient que la preuve de caractère intentionnel de la soustraction de l’employeur à ses obligations n’est pas établie et que le salarié ne justifie d’aucun préjudice du fait de la remise tardive, sanctionnée par ailleurs par la liquidation de l’astreinte, dès lors qu’il était étudiant et n’allègue d’aucune difficulté rencontrée du fait d’une telle remise ;
Attendu cependant qu’en procédure orale, une demande en justice présentée dans un écrit n’est valablement formée que lorsqu’elle est oralement soutenue à l’audience des débats ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel, qui a constaté que l’employeur, appelant, qui sollicitait, dans ses conclusions écrites, le rejet des demandes du salarié, n’était ni présent ni représenté à l’audience, de sorte qu’elle ne pouvait que constater qu’elle n’était saisie d’aucun moyen de recours et qu’elle ne pouvait en conséquence que confirmer le jugement, a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l’article L. 1235-5 du code du travail ;
Attendu qu’il résulte de ce texte que la perte injustifiée de son emploi par le salarié lui cause un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, l’arrêt retient que le salarié qui doit justifier du préjudice subi du fait du licenciement pour prétendre à une indemnité, a toujours su qu’il était embauché pour l’été, qu’il ne conteste pas que son contrat est allé au terme convenu et qu’il ne justifie d’aucun préjudice du fait d’un licenciement abusif ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes en paiement d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages-intérêts pour remise tardive de documents et d’indemnité pour licenciement abusif présentées par M. X…, l’arrêt rendu le 12 janvier 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ;