Rupture conventionnelle : ne pas oublier de remettre un exemplaire au salarié !

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT.

Lorsque vous signez une rupture conventionnelle, l’employeur est-il tenu de vous remettre un exemplaire de cette convention ? Oui, rappelle la Cour de cassation, et en cas de contestation, il lui appartient de prouver qu’il vous a bien remis cet exemplaire. Cette remise est une formalité essentielle pour garantir votre libre consentement et vous rétracter en connaissance de cause. A défaut, la convention de rupture est nulle. Voici les rappels et précisions opérés par la Cour de cassation dans un arrêt du 23 septembre dernier. Cass.soc.23.09.20, n°17-25770. 

  • Les faits

Les faits sont simples : alors qu’il travaillait depuis une quinzaine d’années au service d’une entreprise de travaux en tant que couvreur, le salarié et cette entreprise signent une rupture conventionnelle. 

Seulement voilà, le salarié va contester cette convention de rupture : en effet, une fois celle-ci signée, le salarié est reparti les mains vides. L’employeur ne lui a pas remis un exemplaire de la convention ce qui, selon lui, la rend nulle.  

Et la cour d’appel confirme : elle annule la convention de rupture et condamne l’employeur à des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Lorsqu’une rupture conventionnelle est annulée, la rupture du contrat s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes les conséquences indemnitaires que cela entraîne (indemnités de ilcenciement injustifié, indemnités compensatrices de préavis, etc). Attention quand même, car dans ce cas, le salarié doit, de son côté, restituer à l’employeur les sommes que celui-ci lui aurait versées en exécution de la convention de rupture.  

Au tour de l’employeur de contester et ce, en avançant 3 arguments :  

– le Code du travail n’impose pas que chaque partie à une rupture conventionnelle dispose de son propre exemplaire sous peine d’être déclarée nulle; 

– à supposer que l’absence de remise au salarié de son exemplaire entraîne la nullité de la rupture, c’est bien à celui qui invoque la nullité de prouver qu’il existe une cause de nullité ! En l’occurence, la charge de la preuve incomberait donc au salarié. Or, la cour d’appel a au contraire reproché à l’employeur de ne pas avoir apporté la preuve qu’il avait bien donné un exemplaire au salarié; 

– la demande de rupture conventionnelle a bien été faite auprès de la Direccte qui, de plus, l’a homologuée ! Pour l’employeur, la cour d’appel aurait dû rechercher si l’absence de remise du document au salarié avait été de nature à affecter son libre consentement et son droit de se rétracter en connaissance de cause. Ce qu’elle n’a pas fait… 

L’employeur saisit la Cour de cassation : Le fait de ne pas remettre le double de la convention de rupture au salarié entraîne-t-il la nullité de cette convention ? En cas de contestation, qui doit prouver la remise (ou non) du document ?  

La réponse de la Cour de cassation est claire : 

  • L’absence de remise d’un double de la convention de rupture au salarié la rend nulle

Il faut bien comprendre l’intérêt et l’importance pour le salarié de disposer d’un exemplaire de la convention rupture du contrat qu’il vient de signer. La Cour de cassation le rappelle : cela est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, mais aussi (et surtout) pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause. Dans notre affaire par exemple, le salarié met fin à 15 années passées au sein de son entreprise, ce qui n’est pas négligeable. Il doit au moins être en mesure d’étudier pendant le délai qui lui est imparti et à tête reposée, le contenu de cette convention afin de l’analyser et d’apprécier les avantages et inconvénients d’une telle rupture. 

Pour rappel, une fois la convention de rupture signée, le salarié et l’employeur disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires qui, pour être tout à fait précis, débute le lendemain de la date de signature(1). 

Pour toutes ces raisons, la Cour de cassation confirme que l’absence de remise d’un exemplaire de la convention au salarié entraîne la nullité de celle-ci. 

Pourtant, sur le fond, l’employeur a raison : aucun article du Code du travail n’oblige à établir la convention de rupture conventionnelle en double exemplaire(2). C’est la Cour de cassation qui l’a en quelque sorte rendue obligatoire dans un arrêt du 6 février 2013(3), tout en réaffirmant ce principe de manière très régulière(4), jusqu’à cet arrêt du 23 septembre 2020. 

  • C’est à l’employeur de prouver qu’il a remis cet exemplaire au salarié

Oui ! En cas de contestation, c’est bien à celui qui invoque avoir remis le document d’en rapporter la preuve. C’est ce que vient de préciser la Cour de cassation. 

Or, dans cette affaire, l’employeur n’avait justement apporté aucun élément de preuve tendant à démontrer qu’il avait bien remis l’exemplaire de la convention de rupture au salarié. 

La convention de rupture est donc bien nulle. Inutile de rechercher, en plus, en quoi cette absence avait pu affecter le libre consentement du salarié et son droit de se rétracter en toute connaissance de cause. Le simple fait que le salarié ne dispose pas d’un exemplaire de sa convention et que l’employeur ne soit pas en mesure de prouver qu’il lui a remis, suffit à rendre la convention de rupture ainsi signée nulle. 

Il faut préciser que la Cour de cassation a retenu la solution inverse concernant l’absence d’entretien préalable à la rupture conventionnelle (5). Cette absence rend également la convention nulle, en revanche, si c’est le salarié qui invoque la nullité, c’est à lui de prouver qu’aucun entretien n’a effectivement eu lieu. Cela dit, cet aménagement de la charge de la preuve s’explique aussi par le fait que le formulaire de rupture conventionnelle mentionne obligatoirement la tenue d’un entretien et que le fait que le salarié le signe et conserve un exemplaire laisse présumer que cet entretien a eu lieu. A l’inverse, ce formulaire ne prévoit pas d’y préciser qu’un exemplaire a bien été remis au salarié. 

La décision rendue par la Cour de cassation n’est pas nouvelle, mais elle est la bienvenue. Bienvenue d’abord au regard des conséquences pour le salarié de l’absence de remise du double de la convention. Cette convention renferme des informations essentielles (existence et durée du délai de rétractation, sommes à verser, possibilité de contacter Pôle emploi, etc) et indispensables à un consentement libre et éclairé du salarié dans la décision de rompre ou non son contrat de travail. La remise de ce document au salarié demeure une formalité substantielle à la validité de la rupture conventionnelle. 

Bienvenue, cette décision l’est également en ce qu’elle fait reposer sur l’employeur (et non sur salarié) la charge de démontrer que le salarié a bien reçu sa convention. Ce qui simplifie grandement les démarches du salarié en cas de contestation. 

Finalement, cette formalité ne va-t-elle pas de soi ? Aujourd’hui, ce n’est pas 2 mais 3 exemplaires de convention de rupture qu’il est souvent conseillé d’établir. 

 

(1) Art L.1237-13 C.trav. 

(2) Art L.1237-14 C.trav. 

(3) Cass.soc.6.02.13, n°11-27000. 

(4) Cass.soc.3.07.19, n°17-14232 et n°18-14414. 

(5) Cass.soc. 1er.12.16, n°15-21609. 

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