Cet article provient du site du syndicat CFDT.
L’administration peut, après avoir refusé une demande d’homologation de rupture conventionnelle, revenir sur sa décision et accepter d’homologuer la convention de rupture. La décision de refus ne crée de droits acquis ni au profit des parties à la convention, ni au profit des tiers. C’est ce qu’énonce la Cour de cassation dans un récent arrêt qui interroge sur la sécurisation juridique de la procédure. Cass.soc.12 .05.17, n° 15-24.220.
Comme le prévoit le Code du travail (2), en cas de rupture conventionnelle, aucune partie ne peut se voir imposer de la signer. En effet, ce type de rupture est une faculté nécessitant l’accord des deux parties, le refus ne pouvant être fautif, sauf abus (3).
Une fois que les parties ont trouvé un accord, cette entente est matérialisée par une convention de rupture conforme au modèle Cerfa (4) fixé par le ministère du Travail à laquelle est accolée la demande d’homologation (5).
Afin notamment de garantir un consentement libre et éclairé du salarié et une indemnisation conforme à la loi (correspondant à ce que le salarié aurait touché s’il avait été licencié) la convention de rupture est transmise à la Direccte pour homologation.
L’administration peut accepter la demande d’homologation ou la refuser. Étant entendue qu’en cas de refus d’homologation la convention de rupture n’est pas valable et la rupture du contrat n’a pas lieu.
Le choix de l’administration revêt donc une importance centrale et cela n’a pas échappé à la Cour de Cassation qui précise dans un arrêt récent les contours de ce dernier.
- Les faits, procédure et problématique
Un salarié a été engagé par une association en qualité de formateur. Le salarié et l’employeur ont décidé de conclure une rupture conventionnelle. La convention de rupture a donc été transmise à l’administration.
L’administration a, dans un premier temps, refusé d’homologuer ladite convention de rupture. Néanmoins, après avoir sollicité et obtenu des informations complémentaires, l’administration du travail a, un mois plus tard, homologué cette convention de rupture.
Le Code du travail n’impose pas à la Direccte de procéder à une enquête contradictoire avant de prendre une décision d’homologation ou de refus. Rien ne lui interdit non plus de le faire. Si l’administration a, dans certains cas, un doute sur le consentement éclairé du salarié, il est tout à fait envisageable qu’elle prenne contact avec le salarié ou avec ses collègues, éventuellement par téléphone, puisqu’elle dispose des coordonnées du salarié.
S’estimant lésé, le salarié a décidé de saisir le conseil de prud’hommes de diverses demandes dont notamment la nullité de la convention de rupture.
L’affaire a atterri devant la juridiction suprême. La problématique soulevée était la suivante : l’administration peut-elle revenir sur sa décision d’homologation ?
- L’administration peut, en cas de refus d’homologation, revenir sur sa décision
La décision des magistrats du Quai de l’horloge énonce « qu’une décision de refus d’homologation d’une convention de rupture conclue en application des dispositions des articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail ne crée de droits acquis ni au profit des parties à la convention, ni au profit des tiers ; qu’une telle décision peut, par suite, être légalement retirée par son auteur ».
En d’autres termes, la chambre sociale de la Cour de cassation énonce que l’administration a le pouvoir de revenir sur sa décision en cas d’homologation d’une convention de rupture.
En l’espèce, les magistrats confirment la décision rendue par les juges du fond et déboutent donc le salarié de ses demandes.
Est-ce là à dire que cette solution ne vaut que lorsque l’administration refuse l’homologation ? La réponse est assurément positive.
En effet, lorsque l’administration procède à l’homologation d’une convention, des droits sont alors créés à l’égard des parties (indemnité de rupture pour le salarié, solde de tout compte etc.) et à l’égard des tiers (allocation de retour à l’emploi à l’égard de Pôle emploi etc.)
- Risque d’incertitude juridique pour les parties, sans limite de temps
Sur le plan de la sécurité juridique, la solution de la Cour de cassation semble assez critiquable. En effet, l’arrêt est générateur d’instabilité en ce qu’employeurs comme salariés, en cas de refus d’homologation, ne seraient pas définitivement fixés sur leur sort. L’administration pouvant revenir sur sa décision à n’importe quel moment ! Sans doute serait-il souhaitable, à terme, d’enfermer le revirement de l’administration dans un délai « raisonnable ». Passé ce délai, l’administration ne pourrait plus revenir sur sa décision.
Une autre option serait également de prévoir une procédure de « sursis à statuer », le temps pour l’administration du travail, en cas de doute, de procéder à des investigations supplémentaires. Cette procédure pourrait suspendre (encore une fois temporairement) les délais qui entourent la procédure de rupture conventionnelle.
Ces évolutions (souhaitables) nécessiteront toutefois une adaptation du cadre législatif. Dans l’attente, nous verrons comment l’administration va se saisir de la faculté laissée par la Cour de cassation.