Cet article provient du site du syndicat CFDT.
La conclusion d’une rupture conventionnelle doit nécessairement être précédée d’un ou plusieurs entretiens, à défaut de quoi celle-ci doit être considéré comme nulle. Mais attention, c’est à celui qui se prévaut de la nullité pour absence d’entretien d’apporter la preuve de cette carence. Cass.soc, 01.12.2016, n°15-21609
Rappel Depuis plusieurs années désormais, la Cour de cassation construit sa jurisprudence autour de la rupture conventionnelle, ce mode de rupture d’un commun accord du contrat de travail, issu de l’accord interprofessionnel signé par la CFDT le 11 janvier 2008.Elle vient à nouveau d’apporter d’importantes précisions quant aux entretiens devant précéder la rupture, et plus précisément quant à la sanction en cas de défaut d’entretien mais également quant à la preuve de ces entretiens.
La Cour a en effet dû examiner un pourvoi dans lequel un salarié a saisi le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la nullité de la rupture conventionnelle signée quelques mois auparavant. Le salarié explique que l’absence d’entretien précédent la rupture conventionnelle entache celle-ci de nullité. L’employeur fournit quant à lui la convention de rupture, signée par les deux parties, homologuée par l’administration, sur laquelle il est indiqué que deux entretiens avaient eu lieu.Deux questions étaient ici posées à la Cour de cassation :- Comment doit être sanctionnée l’absence d’entretien relatif à la conclusion de la convention de rupture conventionnelle ? – Qui doit prouver que cet entretien a eu lieu ?
Le défaut d’entretien est sanctionné par la nullité de la conventionAu visa de l’article L. 1237-12 du code du travail, la Cour de cassation énonce que « le défaut du ou des entretiens (…) relatif à la conclusion d’une convention de rupture, entraîne la nullité de la convention ».
Bon à savoir : La rupture conventionnelle ne peut avoir intervenir qu’après qu’un ou plusieurs entretiens aient eu lieu, conformément à l’article L.1237-12 du code du travail. Lorsqu’elle homologue la convention de rupture, l’inspection du travail vérifie bien que la mention du ou des entretiens figure sur la convention.Cette décision n’est pas surprenante dès lors que l’entretien, au cours duquel le salarié(1) peut être accompagné d’une personne de l’entreprise ou bien, selon les cas, d’un conseiller du salarié, fait partie des garanties procédurales mise en place pour s’assurer de la liberté de consentement des deux parties, en particulier du salarié. Il est donc tout à fait logique que la violation de cette garantie soit sanctionnée par la nullité.
C’est à celui qui invoque la nullité de prouver que l’entretien n’a pas eu lieuPuis, sur le fondement de l’article 1315 du code civil, devenu l’article 1353(2), la Cour de cassation retient que c’est à celui que invoque cette nullité d’en établir l’existence. Autrement dit, c’est à celui qui revendique la nullité pour défaut d’entretien d’en rapporter la preuve.
Ainsi, la Cour d’appel, qui avait relevé que la convention de rupture mentionnait la tenue de deux entretiens, et retenu que l’employeur ne produisait aucun élément matériellement vérifiable permettant d’en attester la réalité, a inversé la charge de la preuve et par conséquent, selon la Cour de cassation, violé l’article 1353 du code civil.A nouveau, cette solution dégagée par la Cour de cassation n’a rien de surprenant dès lors qu’elle est conforme au code civil selon lequel celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et que le code du travail ne contient aucun aménagement de la charge de la preuve en la matière.Néanmoins, cela signifie que ce sera au salarié de prouver l’absence d’entretien préalable s’il entend, dans pareille situation, obtenir la nullité de la convention de rupture conventionnelle. Cela ne sera pas chose facile, car il s’agira pour lui de prouver qu’un fait n’a pas eu lieu !
________________________________________(1) L’employeur a lui aussi la possibilité de se faire assister lors de ce ou ces entretiens.(2) Article 1335 du code civil : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »