Réunions syndicales et interventions de personnes extérieures : l’autorisation de l’employeur n’est pas automatique

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT

Les sections syndicales régulièrement constituées dans l’entreprise ont le droit d’organiser des réunions une fois par mois, en dehors du temps de travail, et d’y inviter des personnalités extérieures (syndicales ou non). Les premières peuvent normalement l’être sans autorisation de l’employeur. Mais cette prérogative n’a rien d’absolu. C’est que la Cour de cassation est venu rappeler dans un récent arrêt. Cass. soc. 12.04.16, n° 15-60.190. 

Les faits

Les faits litigieux se déroulent à l’occasion du renouvellement des représentants du personnel au sein de l’établissement Ouest de la société Paris Air Catering. 

Préalablement aux élections, la section syndicale d’un syndicat présent dans l’entreprise souhaite, dans le cadre de l’une de ses réunions mensuelles organisée en dehors de son local, inviter une personnalité syndicale extérieure à l’entreprise. L’employeur s’oppose à cette invitation et, le moment venu, refuse d’autoriser l’entrée de l’invité dans l’enceinte de l’entreprise. 

Quelques jours plus tard, l’élection a lieu et, visiblement, le syndicat n’y obtient pas les résultats escomptés. Estimant que l’obstruction de l’employeur y est manifestement pour quelque chose, le syndicat décide de saisir la justice afin d’y requérir l’annulation des élections. 

Le texte applicable

Ce sont les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 2142-10 du Code du travail qui se charge d’octroyer aux syndicats le droit d’inviter des personnalités extérieures et d’en préciser la portée. Il indique, d’une part, que « les sections syndicales peuvent inviter des personnalités syndicales extérieures à l’entreprise à participer à des réunions organisées par elles dans les locaux syndicaux mis à leur disposition (…) ou, avec l’accord du chef d’entreprise, dans d’autres locaux mis à leur disposition » et, d’autre part, que « des personnalités extérieures autres que syndicales peuvent être invitées par les sections syndicales à participer à une réunion, avec l’accord de l’employeur ». 

Le législateur semble donc bien avoir voulu opérer une double distinction. 

– L’une en fonction de la nature de la personnalité à inviter. S’il s’agit d’une personnalité syndicale, elle peut en principe être invitée sans autorisation de l’employeur. 

– L’autre en fonction du lieu où se déroule la réunion. Pour que le droit à invitation sans autorisation d’une personnalité syndicale soit effectif, encore faut-il que la réunion à laquelle il est convié à participer se déroule bien dans le local syndical. 

Cet aspect du droit pourrait être schématisé en un tableau. 

 

Réunion organisée au sein du local syndical 

Réunion organisée hors du local syndical 

Personnalité syndicale 

Pas d’autorisation patronale requise 

Autorisation patronale requise 

Personnalité non syndicale 

Autorisation patronale requise 

Autorisation patronale requise 

 

Et c’est bien sur ce dernier point qu’il y a eu contentieux. Le syndicat estimait qu’il convenait d’aller au-delà de la simple lecture des textes pour ne retenir, finalement, que la première distinction entre personnalités syndicales et non syndicales. Les premières devant disposer d’un droit d’accès sans condition dans l’enceinte de l’entreprise lors des réunions mensuelles. 

La décision rendue par la Cour de cassation

La Cour de cassation, à l’instar de l’option qui avait été initialement retenue par le tribunal d’instance, a décidé de s’en tenir à une application littéraliste de l’article L. 2142-10 du Code du travail. Elle considère sans surprise que la participation des personnalités syndicales extérieures aux réunions de section ne peut se passer de l’autorisation de l’employeur que lorsqu’elle se déroule bien au sein du local syndical. 

Un état du droit guère satisfaisant

La distinction existante dans le texte, et strictement appliquée par la Cour de cassation, pose tout de même un sérieux problème dans le sens où elle lie le droit à réunion (qui bénéficie à toutes les sections syndicales quelle qu’elles soient) au droit à local (qui ne bénéficie qu’aux seules sections syndicales implantées dans les entreprises d’au moins 200 salariés[1]). 

Ce faisant, elle annihile purement et simplement le droit de l’ensemble des sections syndicales implantées dans des entreprises de moins de 200 salariés à pouvoir inviter des personnalités syndicales sans autorisation de l’employeur. Ce qui n’est pas sans interroger le principe de liberté syndicale. 

Au vu de l’absence de toute ambiguïté dans l’énoncé de l’article L. 2142-10 du Code du travail, ce serait davantage par sa réécriture que la lumière pourrait venir, plutôt que par une tentative d’interprétation jurisprudentielle… 

Et c’est bien ce que l’arrêt du 12 avril dernier est venu nous rappeler ! 

 

 

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