Retraites, paritarisme: Macron pas encore élu mais déjà fâché avec FO et la CFDT

S’il existe une bonne raison de voter pour Emmanuel Macron, elle tient principalement au rejet dont il fait déjà l’objet de la part des organisations syndicales. On pourrait presque dire: c’est bon signe, et ça rend presque le bonhomme sympathique. 

La réforme des retraites de Macron ne passe pas à FO

Comme nous l’avions indiqué, la réforme systémique des retraites proposée par Emmanuel Macron a un mérite: elle démasque l’hypocrisie des organisations syndicales, très attachées, au nom de l’égalité et de la solidarité, aux privilèges de certains. Tous ces grands défenseurs de la sécurité sociale, qui ne manquent pas un Premier Mai pour répéter tout l’amour qu’ils vouent à ce système inférieur de protection sociale, sont aussi les premiers à défendre l’existence de régimes spéciaux ou de systèmes privilégiés qui profitent à leurs adhérents. 

La sécurité sociale, c’est vachement bien, mais surtout pour les autres. 

Cette fois, c’est Philippe Pihet, le monsieur retraite de FO, qui s’est collé au morceau de bravoure dans une tribune dont on reproduit ici les meilleurs moments: 

FO a déjà exprimé sa revendication sur le maintien des régimes, d’autant plus que tous convergent vers les mêmes règles sur l’âge légal et la durée. 

Pour ce qui est des comptes notionnels, il semble bon de rappeler leur fonctionnement et surtout de combattre la fausse idée qui veut que, quelle que soit la personne, un euro cotisé donne les mêmes droits

 

Là, Philippe, on aimerait que tu nous donnes des explications sur ce qui te permet de dire que “un euro cotisé donne les mêmes droits” est une “fausse idée”. Moi, ça me paraît une idée très juste, très claire, très égalitaire, et tout à fait défendable. En tout cas, on a bien noté la remarque: “FO a déjà exprimé sa revendication sur le maintien des régimes”, qui peut se traduire par “FO est pour un régime universel qui ne s’applique pas à tout le monde”. On attend avec impatience que Philippe Pihet fonde la chaire de logique et casuistique jésuite: il fera un très grand professeur. 

FO et sa soupe des comptes notionnels

Continuons: 

Ce compte notionnel est basé sur un « pari », celui de la table de mortalité d’une génération. En d’autres termes, pour une année de naissance donnée, l’espérance de vie (à 62 ans par exemple !) servira de base pour diviser le « capital virtuel » acquis au cours de la carrière, à travers son report au compte. Le résultat de cette division constituera le montant annuel de la pension. (…) 

On le voit bien, un euro cotisé ne donnera donc pas les mêmes droits, sauf à subdiviser à l’intérieur d’une même génération, entre profession et sexe. Ce qui reviendrait à individualiser à l’extrême la répartition… pour finir certainement par « l’évidence » de la nécessité d’un complément en capitalisation. 

 

Philippe, as-tu fumé un bout de ta moquette avant de rédiger ta tribune? Ce principe de lier la retraite à l’espérance de vie n’est pas une invention macronienne, mais un mécanisme qui s’impose quoi qu’il arrive, et qui est déjà contenu dans la loi Fillon de 2003. La réforme Macron est supposée apporter les mêmes droits, dans la mesure où le montant de la retraite dépendra du nombre de points accumulés. C’est bien aujourd’hui où le système est inégalitaire, dans la mesure où le montant d’une retraite n’est pas calculé de la même façon pour tous. 

Philippe Pihet et l’éloge des inégalités de traitement qui profitent à son syndicat

En fait, ce que veut FO, c’est continuer un système inégalitaire où les syndicats peuvent se battre pour augmenter les inégalités de traitement. On le comprend mieux dans la lecture de la phrase suivante: 

Le rôle d’un syndicat est d’améliorer les dispositifs de solidarité qui existent dans les régimes par répartition, je pense particulièrement aux dispositifs de réversion ou de majoration, de pensions comme de trimestres. 

 

Toi, tu croyais naïvement que le rôle d’un syndicat était de se battre pour l’intérêt des salariés. En fait non, il est de se battre pour les “majorations de pensions comme de trimestres”, c’est-à-dire des traitements de faveur réservés aux copains, en écartant toute réforme rationnelle. Et c’est évidemment un hasard si FO détient aujourd’hui la présidence de la CNAV (la caisse nationale d’assurance vieillesse) et bénéficie d’une forte représentation dans le service public. 

Parce que, bien évidemment, la réforme Macron exclurait à coup à peu près sûr la forme paritaire de la sécurité sociale. Les syndicats français devraient donc renoncer à leurs fromages et à leurs mandats. Et ça, c’est contraire à la solidarité. La même réforme obligerait sans doute à sacrifier les fonctionnaires pour mettre en place un régime universel, et cette lutte contre les privilèges de la fonction publique, chez FO, ça s’appelle un affront fait à la solidarité. 

Macron et le paritarisme: début de l’affrontement

Macron a promis à la CFDT une autre très belle idée: celle de ne plus recourir à la négociation interprofessionnelle pour faire évoluer le droit du travail. On se rappelle ici que c’est l’ineffable pas encore président du Sénat, le ci-devant Larcher, qui avait commis en 2004 ce qui est devenu l’article 1 du Code du Travail: l’obligation d’une négociation interprofessionnelle avant toute modification législative du Code du Travail. 

C’est le propre de la droite “gaulliste” de toujours ajouter des usines à gaz pour faire fonctionner le système. La France est le seul pays industrialisé à croire que des syndicalistes généralement issus de la fonction publique sont les plus compétents et les plus “proches du terrain” pour négocier des règles en chambre mais applicables uniformément à toutes les entreprises du pays. On saura gré à Emmanuel Macron de combattre cette imposture et de réclamer des négociations dans les entreprises et dans les branches. 

Cette idée n’a pas du tout plu à la CFDT. 

« En bref Macron nous dit : “L’intérêt général c’est l’Etat, c’est moi le futur président, et vous, syndicats, rentrez dans votre niche”. Mais le social, cela ne fonctionne pas comme cela ! Il n’y pas d’un côté, les représentants des salariés dans les entreprises, et les réflexions au niveau interprofessionnel. Tous nos travaux sont intriqués »,commente-t-on, écoeuré de tant d’ingratitude alors que la CFDT s’attache, depuis des décennies, à penser les changements de la société. 

 

Là encore, Macron touche aux cordes sensibles de l’imposture syndicale. Bien entendu, que les syndicats sont coupés de leur base, en France. Bien entendu qu’ils luttent pour le pouvoir sans s’occuper d’intérêt général. Bien entendu que cette réforme du paritarisme les inquiète, puisqu’ils devront troquer les innombrables mandats inutiles qui leur sont confiés en attendant des médailles en chocolat contre des actions concrètes en faveur des salariés. Et ça, ils n’aiment pas. 

Bref, Macron aura droit à une rentrée chaude s’il est élu. Et s’il décide de mettre en oeuvre son “programme”, ce qui n’est évidemment pas sûr. 

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