Retraites complémentaires: pour qui le MEDEF pratique-t-il la mort lente?

Sans surprise, les partenaires sociaux se sont quittés hier sans accord sur le retour de l’AGIRC et de l’ARRCO à l’équilibre des comptes. Alors que la Commission Européenne avait exigé un plan de réforme début juin, une nouvelle réunion est prévue le 16 octobre pour aborder le sujet. A mots couverts, il est acquis que la négociation ne devrait pas se terminer avant la fin 2015. 

Ce rythme de tortue pose quand même quelques questions. 

Le MEDEF dénonce sans cesse la lenteur du gouvernement

Première question: comment le MEDEF peut-il imaginer assurer sa crédibilité politique, notamment face au gouvernement dont il dénonce la lenteur systématique, quand il s’avère incapable de réagir efficacement face à la dégradation des comptes d’un régime dont il a le contrôle? On mesure bien, alors que la Cour des Comptes a dressé une liste de mesures à prendre en décembre 2014, qu’une inaction de douze mois constitue une faute et une source d’affaiblissement pour les partenaires sociau au sens large, et pour le MEDEF plus particulièrement! 

Certes, Claude Tendil, qui conduit la négociation, a eu l’intelligence de présenter dans les temps “européens”, c’est-à-dire fin mai, les mesures capables de redresser les comptes. Le MEDEF se trouve donc aujourd’hui dans la posture des décideurs qui ont pris leurs responsabilités: le gouvernement est témoin des véritables facteurs du retard. Ce sont les syndicats, CFDT et Laurent Berger en tête, qui répètent à l’envi que la situation n’est pas dramatique, et que le temps ne presse pas.  

Il n’en demeure pas moins que Pierre Gattaz ne peut faire mine d’ignorer les contraintes qui pèsent sur le gouvernement lorsqu’il réforme, quand le MEDEF lui-même peine à secouer le cocotier. 

La machine à négocier est en panne

Au-delà de l’enlisement de la négociation sur les retraites complémentaires, c’est l’efficacité du MEDEF qui est en cause.  

En décembre, Alexandre Saubot, sorti des rangs de l’UIMM (et devenu président totalement invisible depuis), décidait d’arrêter la négociation sur la modernisation du dialogue social. Il avouait ainsi son incapacité à convaincre la CGPME d’accepter son texte. Pourtant, l’UIMM adhère à la CGPME! Finalement, c’est le gouvernement qui doit reprendre son texte pour lui donner force de loi. 

Désormais, la balle est passée dans le champ de la protection sociale et c’est Claude Tendil qui peine à prendre les forteresses syndicales. On peut comprendre les raisons de cet échec relatif. Il n’en reste pas moins que le MEDEF n’a signé aucun accord majeur depuis 2 ans et cette vacuité commence à faire beaucoup pour une seule organisation. Alors que la France se trouve sous une contrainte bruxelloise renforcée tant sur la réforme du marché du travail que sur le retour à l’équilibre des comptes publics, le MEDEF manifeste son incapacité à prendre sa part de réforme et, en dehors d’une posture moralisatrice tant prisée par Pierre Gattaz, on peine à voir sa plus-value aujourd’hui. 

Gattaz est-il vraiment président du MEDEF?

La question est évidemment dans tous les esprits à défaut d’être sur toutes les lèvres: Pierre Gattaz occupe-t-il effectivement son siège de président du MEDEF? 

Sur le dossier des retraites complémentaires, il brille en tout cas par son absence. La seule fois où on se souvient l’avoir entendu s’exprimer, c’était au début de la négociation, pour plaider en faveur de la retraite par capitalisation. Pour le reste, voilà un homme qui est à la tête d’un régime de plusieurs dizaines de milliards dont la survie est en jeu, et qui semble se soucier du sujet comme de son premier slip de bain. On ne lui demande pourtant pas de s’exprimer à la place de Claude Tendil ou d’autres, mais simplement de prendre parti sur une question qui concerne les partenaires sociaux. 

En réalité, le dossier retraites complémentaires exprime bien le caractère hors sol de la présidence Gattaz. Alors que, à la CGPME, Asselin insuffle une dynamique nouvelle, Gattaz s’emploie à étouffer peu à peu sa maison sous le poids d’une incurie fascinante. 

Claude Tendil hypnose-t-il les partenaires sociaux pour tuer le paritarisme?

Reste une ultime question! Quelles sont les intentions de Claude Tendil dans cette négociation à rallonges?  

Facialement, Claude Tendil est l’homme du dialogue social. Président de l’association Dialogues, il a plusieurs fois manifesté son engagement pour la cause. Les organisations syndicales ne peuvent donc le soupçonner d’être un ennemi du fait syndical. 

Dans la réalité, Claude Tendil a une posture sensiblement différente. Préoccupé en son temps par la question des accords de compétitivité (Generali, qu’il dirigeait, a subi une jurisprudence obligeant à licencier en bonne et due forme les salariés qui refusaient un accord collectif majoritaire modifiant les clauses substantielles du contrat de travail), il est aussi très sensible à la question du paritarisme. Ses passages chez Axa et chez Generali lui ont permis de mesurer l’importance des accords de branche dans le domaine de la protection sociale complémentaire, et des milliards qu’ils génèrent pour l’AGIRC et l’ARRCO. 

On ne trahit guère de secret en affirmant que ce système n’a jamais suscité chez lui une sympathie folle. De là à dire que la lente et sérieuse démonstration que les partenaires sociaux ont entreprise sur la sclérose du syndicalisme traditionnel ne lui apparaisse comme la meilleure façon de combattre le paritarisme… 

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