Alors que le gouvernement tient bien en main l’ensemble des rennes des réformes sociales actuellement menées dans le pays, les perspectives du paritarisme apparaissent de plus en plus sombres.
Dans le domaine des retraites, les partenaires sociaux prennent peu à peu conscience du mauvais sort qui devrait être celui de l’AGIRC-ARRCO, tandis que dans le domaine du chômage, ils assistent, impuissants, à leur dessaisissement total du dossier par l’exécutif.
Vers la fin du paritarisme dans la retraite
Ici ou là, les partenaires sociaux commencent à réaliser que le paritarisme dans le domaine de la retraite, c’est-à-dire le paritarisme qui préside aux destinées de l’AGIRC-ARRCO, est très probablement en train de vivre ses dernières heures.
Ainsi, dans le Journal du Dimanche, il a récemment été question du nerf de la guerre : les gros sous. Claude Tendil, le vice-président du Medef chargé des affaires sociales, a reconnu que, dans le cadre de l’unification des régimes de retraite opérée par la réforme des retraites, l’Etat pourrait faire main basse sur les quelque 70 milliards d’euros de réserves de l’AGIRC-ARRCO : “le risque de confiscation des réserves existe”. Philippe Pihet, le Monsieur retraite de Force Ouvrière, a pour sa part décrit avec plus de certitude encore la belle affaire que devrait réaliser l’Etat : “Tout sera mis dans un grand pot commun dont lequel on voit mal le gouvernement ne pas piocher”.
Etant donné le schéma de gouvernance qui devrait être celui du futur régime unifié de retraite, cette reprise en main étatique du trésor de guerre du paritarisme n’étonnera, certes, pas grand monde. On imagine en effet mal le gouvernement prendre le contrôle de la quasi-totalité des institutions de retraite françaises sans, dans le même temps, saisir les réserves desdites institutions. Ceux qui en étaient venus à oser espérer le contraire faisaient preuve d’une grande naïveté. Ainsi donc devrait prochainement mourir le paritarisme de la retraite complémentaire.
Le paritarisme hors course sur le chômage
Dans le domaine de l’assurance chômage, l’éviction des partenaires sociaux de l’organisation et de la gestion de l’Unédic se fait sur un mode plus expéditif encore. Dans un entretien accordé hier aux Echos, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a d’abord confirmé la mise en place, dès cet été, d’un bonus-malus sur le recours aux contrats très courts. Elle en a profité pour balayer d’un revers de la main les affirmations du patronat selon lesquelles ce recours n’était pas dû à des mauvaises pratiques de gestion RH mais à des environnements professionnels bien déterminés : “Au sein d’un même secteur, pour un même environnement concurrentiel ou une même taille, certaines entreprises recourent beaucoup aux CDD très courts ou à l’intérim, et d’autres non”.
Après ce crochet du droit à destination des employeurs, Mme Pénicaud s’est attaquée aux syndicats de salariés. Elle a confirmé que les règles de la “permittence”, le cumul emploi-chômage, seraient durcies et que le régime d’indemnisation des hauts cadres serait réévalué afin que leur prise en charge par l’assurance chômage “soit la plus courte possible”. Les salariés, comme les employeurs, vont donc faire les frais de la reprise en main par l’Etat du dossier chômage.
La ministre du Travail n’a pas annoncé une prochaine prise de contrôle étatique de l’Unédic. Ceci étant dit, la configuration du paritarisme de l’assurance chômage n’en est pas moins fort complexe. On imagine mal, d’une part, le gouvernement ne pas suivre de très près, durant les prochains mois, la mise en oeuvre de sa propre réforme. D’autre part, on voit mal comment les partenaires sociaux vont réussir à réaffirmer leur légitimité à la tête de l’assurance chômage, alors même qu’ils subissent tout à fait la réforme en cours.