Retour sur la réforme de l’appel prud’homal

La CFDT propose un retour sur la nouvelle représentation obligatoire pour effectuer un appel prud’homal. Cette publication est issue du site internet du syndicat.

 

La représentation obligatoire à hauteur d’appel en matière prud’homale va bouleverser la pratique des défenseurs syndicaux (et des avocats) qui interviennent à ce niveau. En effet, depuis le 1er août 2016, le justiciable ne peut plus se lancer « seul dans l’aventure » en cas d’appel prud’homal. Il doit nécessairement, soit recourir aux services d’un défenseur syndical, soit constituer avocat. Les conséquences pratiques de cette évolution sont aussi nombreuses qu’importantes. Les défenseurs syndicaux qui interviennent en cour d’appel devront donc impérativement (et rapidement) s’approprier ces règles nouvelles et nombreuses. 

 

  • Une représentation obligatoire, par défenseur ou par avocat

Le décret du 20 mai 2016 relatif à la procédure prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux instaure la représentation obligatoire, soit par avocat, soit par défenseur syndical en cas d’appel prud’homal. L’article R.1461-2 du code du travail précise que « L’appel est porté devant la chambre sociale de la cour d’appel. Il est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire »

La conséquence immédiate est l’application, à hauteur d’appel, de l’ensemble des dispositions du Code de procédure civile relevant de la procédure avec représentation obligatoire. Ainsi, le défenseur devra-t-il, à compter du 1er août, observer et respecter les articles 900 à 930-2 du Code de procédure civile issus du décret dit « Magendie » (1). 

Des dispositions nombreuses, qui touchent : 

– aux délais à respecter pour faire appel et pour échanger les conclusions ; 

– au contenu des écrits échangés ; 

– aux moyens de communication pouvant être utilisés par les défenseurs syndicaux. 

Cette procédure complexe, qui s’applique aux appels introduits depuis le 1er août 2016, doit être impérativement respectée sous peine de voir les actes accomplis déclarés irrecevables et tout recours impossible. 

 

L’avocat devient-il obligatoire en appel ? Non. Qui dit représentation obligatoire ne dit pas nécessairement représentation par avocat, puisque l’article R. 1461-1 nouveau du Code du travail précise toujours que ce n’est qu’à défaut d’être représenté par un défenseur syndical que le justiciable sera tenu de constituer avocat. 

 

Il n’empêche que le passage d’une procédure sans représentation obligatoire à une procédure avec représentation obligatoire impose le respect des obligations posées par le code de procédure civile pour le défenseur syndical, comme pour l’avocat. 

 

Ce qu’en pense la CFDT. Déjà en germe dans le rapport Lacabarats, la CFDT s’était montrée très réservée quant à la perspective de telles évolutions. À propos de la représentation obligatoire, nous avions opposé le concept d’assistance obligatoire (moins contraignant en terme de procédure). 

 

  • Ce qui change avec la procédure de représentation obligatoire

– Pour mémoire 

Avant la réforme de la procédure prud’homale, la procédure d’appel était relativement simple. L’appel devait être formé dans un délai d’1 mois à compter de la notification du jugement, puis les parties pouvaient échanger leurs prétentions, moyens et conclusions jusqu’à la date fixée pour l’audience de plaidoirie, sans délai contraint, sans forme particulière, de nouveaux éléments pouvant toujours être apportés lors de l’audience. 

 

1 – Le délai pour faire appel 

À compter de la notification du jugement, l’appelant dispose toujours d’un délai d’1 mois (2) pour faire son recours. Si aucun appel n’est interjeté dans ce délai, le jugement prud’homal devient alors définitif. L’appel ne pourra pas être fait par l’appelant lui-même mais par son représentant. 

 

2 – L’établissement de la déclaration d’appel 

A peine de nullité, la déclaration d’appel doit faire apparaître : 

1°/ pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ; 

Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ; 

2°/ l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ; 

3°/ l’objet de la demande ; 

4°/ la constitution de l’avocat de l’appelant ; 

5°/ l’indication de la décision attaquée ; 

6°/ l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ; 

7°/ le cas échéant, les chefs du jugement auxquels l’appel est limité. 

Par ailleurs, elle doit être signée par le défenseur syndical ou par l’avocat constitué. 

Enfin, elle doit nécessairement être accompagnée d’une copie de la décision contestée (3). 

 

3 – La remise de la déclaration d’appel 

L’appel peut être formé, soit par déclaration unique, soit par requête conjointe. Le Code de procédure civile précise que, normalement, « les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ». Mais le décret du 20 mai 2016 est venu préciser que cette disposition de droit commun n’avait pas vocation à s’appliquer aux défenseurs syndicaux (4). En effet, ce texte prévoit que les actes de procédures effectués par les défenseurs syndicaux « peuvent être établis sur support papier et remis au greffe ». Dans un tel cas de figure, les textes précisent que « la déclaration d’appel est remise au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux »

Une telle remise au greffe est alors constatée « par la mention de sa date » et par « le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué » (5)

Important ! En l’état actuel de choses, il est donc fortement conseillé aux défenseurs syndicaux CFDT qui se chargeraient d’un appel de se déplacer physiquement au greffe de la cour d’appel pour y déposer sa déclaration d’appel. 

Le greffe adresse ensuite cette déclaration, par lettre simple, à l’intimé (ou aux intimés s’ils sont plusieurs). L’intimé (ou les intimés) disposera(ont) alors d’un délai d’un mois pour, soit choisir un défenseur syndical, soit constituer avocat. 

Dans l’hypothèse où ce courrier devait revenir au greffe, ou si, passé un mois, l’intimé n’avait pas constitué avocat, le greffe devrait alors aviser le représentant de l’appelant (défenseur syndical ou avocat) afin que, sous 1 mois, ce dernier « procède par voie de signification de la déclaration d’appel » (6). Ce délai d’1 mois devra impérativement être respecté par l’appelant. A défaut, sa déclaration d’appel pourrait être frappée de caducité. 

Dans un tel cas de figure, l’intimé ne dispose que d’un délai de 15 jours pour constituer avocat (7). Ce à compter de la date de cette signification. 

 

4 – La réponse de l’intimé (ou des intimés

Une fois informé de la déclaration d’appel, l’intimé dispose d’un délai d’1 mois pour choisir un défenseur syndical ou pour constituer avocat. Comme nous venons tout juste de le voir, ce délai est cependant ramené à 15 jours dans l’hypothèse où l’appelant se serait vu contraint de recourir à un huissier de justice. Le représentant de l’appelant (défenseur syndical ou avocat) ainsi que le greffe, en sont immédiatement informés (8). 

Faut-il s’acquitter d’un droit de timbre de 225 € ? Non. Certes, l’article 1635 bis P du Code général des impôts indique qu’un droit d’un montant de 225 € est dû « par les parties à l’instance d’appel ». Mais il précise aussi que ce droit n’est dû que « lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel ». Or si en matière prud’homale, la procédure d’appel est devenue une procédure avec représentation obligatoire, la constitution d’avocat n’est quant à elle nullement devenue incontournable, puisque la représentation des parties peut très bien être assurée par un défenseur syndical. Les parties n’ont donc pas à s’acquitter de cette somme. 

 

5- L’élaboration des conclusions 

A ce stade de la procédure, l’écrit prend une place on ne peut plus prégnante. Les conclusions d’appel doivent donc être élaborées avec le plus grand soin et en respectant les prescriptions du Code de procédure civile. Qu’elles soient l’œuvre d’un défenseur syndical ou d’un avocat, ces conclusions doivent répondre à des règles de forme particulièrement strictes. 

C’est ainsi qu’elles doivent « formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées » et que, par ailleurs, un bordereau récapitulatif des pièces doit y être annexé. 

Les prétentions doivent par ailleurs être « récapitulées sous forme de dispositif », étant précisé que ce n’est que si elles l’ont bien été que la cour d’appel sera par la suite tenue de « statuer que sur les prétentions »

Le défenseur syndical doit également veiller à reprendre, en ses dernières écritures, « les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ». Ce point de vigilance mérite d’être souligné car, si elles ne devaient pas être ainsi reprises, ces prétentions et ces moyens seraient ni plus ni moins réputés abandonnées. Ils seraient alors définitivement perdus et la cour d’appel n’aurait même pas à statuer dessus. 

Notons enfin que « la partie qui conclut à l’infirmation du jugement » (qui est, pour l’essentiel, l’appelant) doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque. Elle ne peut donc en aucun cas se contenter de se référer à ses conclusions de première instance (9). 

A noter que de telles exigences ne sont applicables en première instance qu’aux seuls avocats mais qu’elles le sont, par contre, aux défenseurs syndicaux qu’au stade de l’appel (10) (cf. Quatrième partie). 

 

6- La transmission des conclusions 

– La notification des conclusions d’appel de l’appelant 

Les conclusions ainsi élaborées, accompagnées des différentes pièces, doivent être notifiées « simultanément » par le défenseur à l’avocat de l’autre partie, ou aux différents avocats dès lors qu’il y a plusieurs autres parties. Mais surtout, à peine de « caducité », elles doivent l’être dans un délai de trois mois courant à compter de la déclaration d’appel (11). 

Ce délai doit donc impérativement être respecté, car les conséquences d’une caducité seront pour le moins dramatiques. En effet, la caducité éteint définitivement l’instance et ne peut en aucun cas être rapportée (12). Un exemplaire de ces conclusions accompagné de « la justification de leur notification » doit par ailleurs être remis au greffe (13). 

Attention ! Ces délais peuvent très bien être réduits par le conseiller de la mise en état (14). 

En pratique, la notification doit nécessairement contenir toutes indications relatives aux nom et prénom(s) ou à la dénomination ou raison sociale de la personne dont elle émane qu’à son domicile ou à son siège social. Elle doit de la même manière désigner la personne du destinataire. Elle doit par ailleurs être faite « sous enveloppe » ou « sous pli fermé ». Elle peut être réalisée soit par voie postale soit par remise de l’acte au destinataire contre émargement ou récépissé. Mais elle peut également l’être via une signification par voie d’huissier. 

 

– La notification des conclusions d’appel de l’intimé 

A peine d’irrecevabilité, les conclusions élaborées par le représentant (défenseur syndical ou avocat) de l’intimé doivent être notifiées au représentant (défenseur syndical ou avocat) de l’appelant dans un délai de 2 mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant (15). Il peut à cette occasion former un appel incident. 

L’appelant visé par un appel incident dispose alors d’un délai de 2 mois à compter de la notification des conclusions de l’intimé pour conclure (16). 

Enfin, à peine de caducité de l’appel ou d’irrecevabilité des conclusions, les conclusions doivent également être notifiées par voie d’huissier aux parties non représentées. Ce, sous un délai d’1 mois courant à compter de la fin du délai pour conclure (17). 

 

Quel rôle joue le conseiller de la mise en état ? Le conseiller de la mise en état examine l’affaire dans les 15 jours qui suivent l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Dans ce cadre, il lui appartient de fixer la date de la clôture et celle des plaidoiries. Il est par ailleurs seul compétent pour : prononcer la caducité de l’appel, déclarer l’appel irrecevable ou pour déclarer les conclusions irrecevables, suspendre l’exécution des jugements improprement qualifiés en dernier ressort et pour exercer les pouvoirs qui lui sont conférés en matière d’exécution provisoire. 

 

 

(1) Décret n° 2009-1524 du 9.12.09 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile. 

(2) Art. R. 1461-1 al. 1er C. trav. 

(3) Art. 58 et 901 C. proc. civ. 

(4) Art. 930-2 al. 1er C. proc. civ. 

(5) Art. 930-2 al. 2 C. proc. civ. 

(6) Art. 902 al. 2 C. proc. civ. 

(7) Art. 902 in fine C. proc. civ. 

(8) Art. 903 C. proc. civ. 

(9) Art. 954 C. proc. civ. 

(10) Art. R. 1453-5 C. trav. 

(11) Art. 908 C. proc. civ. 

(12) Art. 911-1 in fine C. proc. Civ. 

(13) Art. 906 in fine C. proc. civ. 

(14) Art. 911-1 al. 1er C. proc. civ. 

(15) Art. 909 C. proc. civ. 

(16) Art. 910 al. 1er C. proc. civ. 

(17) Art. 911 C. proc. civ. 

(18) Art. 911-1 al. 1er C. proc. civ. 

 

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