Comme le savent nos lecteurs, depuis près de deux ans maintenant, la métallurgie est engagée dans des négociations devant aboutir à la constitution d’une CCN unifiée pour ce secteur d’activité. Alors que les discussions portent actuellement sur le temps de travail, l’UIMM a réussi à mettre tous les syndicats de salariés d’accord… contre elle. La chambre patronale se trouve ainsi dans une posture délicate.
Le temps de travail en discussion
Après que l’UIMM et les organisations salariales – à l’exception de la CGT – se sont à peu près entendus sur un projet d’accord relatif aux classifications, les représentants de la profession se sont attelés à deux nouveaux sujets de discussion : la santé et la qualité de vie au travail d’une part et, surtout, le temps de travail. Si, lors de la réunion paritaire qui s’est tenue fin février, l’UIMM a semblé tendre l’oreille aux revendications des syndicats de salariés à propos du premier de ces deux thèmes, elle s’est en revanche montrée bien plus décidée à défendre son propre agenda au sujet du temps de travail, jugeant nécessaire de doubler le quota d’heures supplémentaires et de libéraliser le travail de nuit et le travail du dimanche. Surtout, l’UIMM tient, hors négociations sur la restructuration conventionnelle, à ouvrir une négociation sur la création de CDI de chantier dans la métallurgie.
Dans cette configuration, fin février, la CGT, première organisation salariale du secteur, a commencé à tirer la sonnette d’alarme, estimant que les échanges paritaires prenaient un tour décidément trop favorable à l’UIMM. A la sortie de la réunion de février, Alain Hébert, négociateur au nom de la CGT, déplorait ainsi : “Il semble que l’UIMM veut nous entendre sur la question de la qualité de vie au travail. Sauf que dans le même temps, l’UIMM nous propose de doubler les heures supplémentaire, de généraliser le travail de nuit, de généraliser le travail le dimanche […] et d’augmenter la précarité ! Nous y voyons des contradictions ! La question est bien de passer de la parole aux actes en ce qui concerne l’UIMM. Et, ce qui concerne les salariés, la question qui est posée maintenant, c’est d’accentuer la pression”. Un discours qui, venant de la CGT, n’étonnait, certes, sans doute pas l’UIMM.
Dialogue paritaire rompu
Hélas pour la chambre patronale, il faut croire que les critiques émises par la CGT ont fini par trouver un certain écho du côté des autres organisations salariales présentes autour de la table. En fin de semaine dernière, une nouvelle réunion de négociation était organisée, en l’occurrence afin de discuter du temps de travail. A cette occasion, les représentants des salariés étaient bien décidés à amener l’UIMM à négocier en partant, pour reprendre les termes de la CGT, non pas du “cahier revendicatif” du patronat, mais des “propositions des organisations syndicales”. Boris Plazzi, un autre négociateur au nom de la CGT, rapporte que les représentants des salariés ont exigé de l’UIMM “un texte beaucoup plus équilibré, où les contreparties sont beaucoup plus présentes”.
Faisant face à un bloc syndical uni, l’UIMM n’a pas eu d’autre choix que de battre en retraite et de mettre fin à la réunion de manière anticipée. La CGT se félicite quelque peu de ce qu’elle estime être une petite victoire : “Clairement, l’UIMM a été mise en difficulté par la CGT mais pas seulement”, par “l’ensemble des organisations syndicales” et “a été contrainte de s’arrêter, d’interrompre la négociation”. Revigorée par ces développements difficiles, la CGT appelle à une mobilisation massive des salariés de la métallurgie le 15 mars prochain, dans le cadre d’une journée de grève qu’elle a initiée. S’il est peu probable que la métallurgie entre dans un cycle de contestation sociale durable, il n’en demeure pas moins que l’UIMM a touché du doigt les limites des organisations salariales, y compris les plus modérées, en matière d’assouplissment des règles conventionnelles applicables dans la future branche.