La mobilisation des cheminots contre la réforme ferroviaire connait ces derniers jours deux développements contradictoires. Au refus massif de la réforme gouvernementale affirmé par les personnels de la SNCF lors de la consultation organisée par les syndicats répond une diminution notable des taux de grévistes. La CFDT et l’Unsa pourraient faire les frais de cette configuration.
Un refus indiscutable de la réforme
Les quelque 61 % de salariés de la SNCF qui ont participé à la “vot’action” organisée entre le 14 mai et le 22 mai par les syndicats de la compagnie nationale se sont très clairement exprimés contre la réforme ferroviaire proposée par le gouvernement. Ils l’ont en effet refusée à près de 95 %.
Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, a, certes, jugé que ce résultat ne signifiait pas grand chose, puisque la consultation n’aurait, selon lui, pas été réalisée dans de bonnes conditions : “Ni isoloir pour garantir le secret du vote, ni présence d’huissiers […] ni listing coordonné des salariés pour éviter les votes multiples”. Elisabeth Borne, la ministre des Transports, a pour sa part qualifié le vote de “pétition”.
Faisant fi des commentaires de ces esprits chagrins, Laurent Brun, le secrétaire général de la CGT cheminots, a estimé que la consultation était au contraire un succès et qu’elle devait contraindre le gouvernement à revoir sa copie. “L’occasion de la rencontre du 25 mai doit permettre au Premier ministre de considérer qu’on ne fait pas une réforme contre l’avis des principaux experts en la matière, et de ceux qui vont devoir la mettre en oeuvre au travers de leur travail” a-t-il en effet affirmé.
Un taux de grévistes au plus bas
Hélas pour M. Brun, les nouvelles du front ne sont pas toutes aussi bonnes que celle qui a concerné le résultat de la “vot’action”. En particulier, du côté de la grève, la participation s’avère de moins en moins importante au fil des séquences de deux jours.
Ainsi, hier mercredi, d’après la direction de la SNCF, seul 14,2 % des personnels étaient en grève. Dans le détail, les grévistes se trouvent essentiellement parmi les personnels indispensables à la circulation des trains. Mais encore faut-il préciser que même ces personnels, les grévistes sont de moins en moins nombreux : 15,5 % chez les aiguilleurs, 40 % chez les contrôleurs et 49 % chez les conducteurs – soit, dans ce dernier cas, un chiffre inférieur à 50 % pour la première fois depuis le début du conflit.
Les responsables des syndicats de salariés pourront toutefois se consoler en regardant les chiffres de la circulation des trains. Hier comme aujourd’hui, ce ne sont qu’environ trois TGV sur cinq, un TER et un Transilien sur deux et deux trains intercités sur cinq qui rouleront. Soit un trafic ferroviaire que l’on pourra difficilement qualifier de correct…
La partie serrée de la CFDT et de l’Unsa
Dans cette configuration contradictoire – encore que : qui s’étonnera du fait qu’il est moins coûteux de voter que de faire grève – le jeu des organisations salariales n’est pas évident. Tout particulièrement dans le cas de la CFDT et de l’Unsa, qui ont fait le pari de la concertation avec le gouvernement. Alors qu’elles tentent d’infléchir la position de l’éxecutif et des parlementaires, par le moyen d’amendements à la réforme destinés notamment à consolider le futur statut des cheminots et à affirmer l’ancrage public de la SNCF, la baisse tendancielle de la participation à la grève complique leur tâche. Venant en effet attester que le refus des cheminots de la réforme ferroviaire n’est pas de nature à empêcher l’action gouvernementale, cette baisse pourrait inciter le gouvernement à ne faire que de maigres concessions à la CFDT et à l’Unsa.
La reprise par l’Etat de “30 à 35 milliards d’euros” de la dette de la SNCF – qui s’élève rappelons-le à 47 milliards d’euros – constituera-t-elle ainsi la seule concession de taille aux organisations syndicales ? Ceci est une hypothèse tout à fait envisageable.