La réforme des retraites n’a pas seulement du plomb dans l’aile. Elle prend surtout mauvaise tournure. Emmanuel Macron était supposé (comme l’annonçait la presse) déminer le terrain. Dans la pratique, le flou dans sa communication et les erreurs tactiques d’Edouard Philippe donnent le sentiment que plus personne au gouvernement ne sait comment sortir du bourbier où le Président l’a engagé.
La réforme des retraites sera-t-elle la Berezina d’Emmanuel Macron ? Tout l’indique aujourd’hui. D’une part, les rangs des grévistes du 5 décembre ne cessent de grossir, naufrageant chaque jour un peu plus l’opération déminage d’Emmanuel Macron (dont la visite à Amiens montre qu’il est devenu inaudible dans le pays). D’autre part, les prises de parole contradictoires se multiplient au sein du gouvernement sur la suite à donner à la réforme.
La réforme des retraites sans grand-père
Il y a quelques jours encore, Emmanuel Macron, en parfaite coordination avec la CFDT, évoquait l’idée d’introduire la clause du grand-père pour la mise en oeuvre de la réforme dans les régimes spéciaux (on n’en est même pas encore à évoquer les retraites de la fonction publique…). Visiblement, cette idée a du mal à décoller dans l’esprit des décideurs. Un dîner à l’Elysée aurait même eu lieu où des ténors de la majorité et du gouvernement auraient dit tout le mal qu’ils en pensaient.
Ce dimanche, c’est Gérald Darmanin lui-même qui a rendu le verdict public : exit la clause du grand-père, qui est une façon de faire du surplace et qui constitue une bombe à retardement. Comment ceux qui subiraient la réforme tout de suite pourraient-ils accepter que d’autres y échappent, alors que ladite réforme prétend faire cesser des inégalités de traitement?
Du même coup, c’est l’alliance avec la CFDT qui se brise.
Les rangs des grévistes ne cessent de grossir
Le gouvernement, face aux grévistes, se retrouve donc front contre front, et ne cesse de perdre des alliés. D’un côté, une réforme pure et dure. D’un autre côté, une opposition à la réforme pure et dure.
Chaque jour apporte son lot de défections aux soutiens du gouvernement. Ainsi, en fin de semaine dernière, non seulement des syndicats de la CFDT ont commencé à rejoindre le mouvement, mais la CGC est passée d’un bloc du côté des manifestants. Rien n’exclut que l’hémorragie continue à la CFDT et que le gouvernement ne se retrouve qu’avec la CFTC comme syndicat non-gréviste, position qui n’a rien de très rassurant.
Face à ce front qui prospère et prolifère, la communication d’Emmanuel Macron paraît dépassée. Le Président est encore loin d’avoir livré toutes ses intentions sur la réforme elle-même, et il est très probable qu’il n’en connaisse pas encore tous les éléments. Face à un atterrissage difficile, le pilotage automatique de l’avion paraît pour le moins inadapté.
Après avoir pronostiqué un report de la réforme à l’année prochaine (décision prise finalement par Emmanuel Macron il y a quelques semaines), nous pronostiquons un recul du gouvernement en bonne et due forme et un abandon définitif du projet d’ici à la fin de l’année.