Réforme des retraites : les positions détaillées des centrales syndicales

Après une accalmie estivale de quelques semaines, les préconisations de Jean-Paul Delevoye pour la réforme des retraites ne sauraient manquer de nourrir de nouveau le débat politique et syndical dès la rentrée et durant les prochains mois.

 

Afin de bien appréhender les termes de ce débat, Tripalio vous propose un état des lieux des différentes positions syndicales au sujet du rapport Delevoye. Vous retrouverez ces positions dans un tableau récapitulatif en fin d’article. 

Pour la CGT, une « régression sociale » et un appel à la grève

Ceci n’étonnera sans doute pas grand monde, la CGT fait partie des opposants à la réforme. Commentant les propositions de Jean-Paul Delevoye, elle les a qualifiées de projet de « régression sociale » et a assuré être « absolument défavorable » à la réforme des retraites voulue par le gouvernement. 

La CGT se justifie en dénonçant d’abord l’universalisation de la retraite par points. D’après elle, ceci va se traduire par une baisse importante des pensions, « d’environ un tiers », du fait notamment du calcul des pensions en fonction des revenus touchés durant l’ensemble de la carrière et du fait de la remise en cause de nombreux dispositifs de solidarité existants dans les régimes actuels afin de prendre en compte des périodes non cotisées. Ensuite, la CGT refuse le recul annoncé de l’âge effectif du départ à la retraite opéré par l’introduction de l’âge pivot fixé à 64 ans et des décotes qui l’accompagnent. Enfin, l’organisation de Philippe Martinez s’oppose à la disparition programmée de la prise en compte des « spécificités professionnelles » – ceci désignant en particulier la pénibilité et les contraintes propres à certains métiers – qui est actuellement organisée par les 42 régimes de retraite existants. 

Afin de lutter contre une réforme reposant sur une approche « purement gestionnaire et comptable », la CGT considère que l’heure n’est plus à la négociation, mais à la « bataille ». Aussi appelle-t-elle à la grève le 24 septembre prochain. 

FO pour la grève contre une « réforme paramétrique permanente »

Du côté de Force Ouvrière, l’analyse n’est guère différente de celle de la CGT. FO « rejette » en effet une réforme qui, d’après elle, se traduira essentiellement par le fait de rendre la retraite « incertaine », « tant pour le niveau de la pension que pour l’âge de départ effectif, pour tous et au fil du temps »

Reprenant des arguments semblables à ceux développés par la CGT, la centrale dirigée par Yves Veyrier estime que la réforme des retraites vise à instituer une « réforme paramétrique permanente », où les « gouvernements de demain, […] détermineront les valeurs du point, à l’achat comme à la conversion en pension, en fonction des contraintes économiques et budgétaires ». FO profite de cette critique pour dénoncer le mode de gouvernance prévu pour le futur régime universel de retraite, qui sera « entièrement livré aux gouvernements ». 

Forte de ces critiques, la centrale de l’Avenue du Maine juge elle aussi que l’heure est à la mobilisation générale. Elle appelle à la tenue d’un rassemblement à Paris pour le 21 septembre prochain. Plus encore, si l’on en croit Yves Veyrier, son organisation peut tout à fait « aller à la grève » pour défendre ses revendications sur la réforme des retraites. 

La CFE-CGC critique vis-à-vis d’une « approche étriquée »

Comme ceci est de plus en plus fréquent ces dernières années, la CFE-CGC s’est elle aussi montrée critique à l’égard du projet de réforme gouvernemental – dans une moindre mesure, certes, que la CGT et FO. Pour la centrale de l’encadrement, les préconisations du haut commissaire à la réforme des retraites procèdent d’une « approche étriquée » et ne manqueront pas de mener à la « régression sociale ». 

Comme l’indique le titre du communiqué de la CFE-CGC, c’est essentiellement le report de l’âge effectif du départ à la retraite à taux plein, à 64 ans, qui retient son attention. Elle déplore en effet le fait que « les propositions du haut-commissaire visent à repousser l’âge de départ à la retraite, sans considération du taux d’emploi des seniors, ni de l’accroissement du chômage qui en découle ». En outre, la CFE-CGC pointe du doigt la disparition progressive annoncée de « la plupart des départs anticipés (catégories actives) de la fonction publique et des régimes spéciaux ». 

A la différence toutefois de la CGT et de FO, l’organisation présidée par François Hommeril reconnaît que le rapport Delevoye comporte quelques aspects positifs : suppression de la notion de durée de cotisation pour prétendre à une pension à taux plein et maintien des « départs anticipés pour les fonctions dangereuses exercées dans le cadre de missions régaliennes » et pour les marins. 

Bien que critiquant globalement les propositions promus par l’exécutif en matière de retraite, la CFE-CGC ne s’est toutefois pas prononcée pour le déclenchement d’un mouvement social. Elle devrait participer aux négociations avec l’exécutif dans l’idée, notamment, d’éviter un report de l’âge effectif du départ à la retraite. 

Pour la CFTC, une décote à revoir

Se montrant un peu moins critique que la CFE-CGC vis-à-vis des préconisations du haut commissaire à la réforme des retraites, la CFTC considère qu’elles comportent des « mesures contrastées »

D’un côté, la centrale chrétienne réaffirme qu’elle accepte le « principe d’une réforme systémique » des retraites. Autrement, elle accepte la transformation des régimes de retraite existants en un régime universel par points. Surtout, l’organisation dirigée par Philippe Louis se « réjouit » de certaines des mesures avancées par M. Delevoye au titre qu’elles « contribuent à conforter le caractère redistributif et solidaire qui prévaut aujourd’hui » : « majoration de 5% attribuée dès le premier enfant », « points attribués pendant 3 ans pour les périodes d’éducation des enfants », « pensions de réversion harmonisées et sans condition de ressource », « nouvelles solidarités pour de nouveaux risques à destination de nouveaux publics, comme celui des aidants familiaux ». 

D’un autre côté, la CFTC, comme les autres organisations citées plus haut, déplore vivement l’institution d’une décote en cas de départ à la retraite entre 62 ans et 64 ans. « En plus de méconnaître la réalité de l’emploi des séniors, une telle mesure est d’autant plus injuste qu’elle pénalise les assurés qui auraient pu partir avec un taux plein, sans décote, à 62 ans dans le système actuel. Cette mesure fait aussi perdre le bénéfice de la surcote pour ces mêmes assurés qui auraient fait le choix de travailler au-delà de 62 ans » argumente la centrale. Elle reconnaît néanmoins l’effort de l’exécutif au sujet du maintien des « spécificités » et « possibilités de départ anticipé » pour « les fonctions régaliennes (pompiers, militaires, forces de l’ordre) ». 

Partant de là, entendant bien prendre une part active aux négociations à venir avec Jean-Paul Delevoye, la CFTC entend obtenir la suppression de ce système de décote. 

Les revendications et « lignes rouges » de la CFDT sur les retraites

Dans ce concert de réactions finalement plus politiques que techniques, c’est la CFDT qui a fourni l’avis le plus circonstancié sur le rapport Delevoye. On ne s’en étonnera, certes, pas, dans la mesure où la centrale de Laurent Berger revendique une réforme systémique des retraites depuis de nombreuses années maintenant et dans la mesure où elle a donc en tête une idée bien précise de ce à quoi elle souhaiterait aboutir. 

Dans une analyse interne, les dirigeants de la CFDT ont d’abord fait état des éléments qui leur conviennent parmi les préconisations de Jean-Paul Delevoye. Au niveau le plus général, ils soulignent le fait qu’elles promeuvent un « système par répartition, contributif et solidaire », « universel mais pas uniforme », « en points », garantissant « à 100 % » les « droits acquis » et mis en œuvre à l’issue d’une période de « transition progressive ». Au chapitre des paramètres, ils saluent le fait que, dans ce système, la valeur du point sera indexée, « à terme », sur les salaires et que les « primes des fonctionnaires et des agents des régimes spéciaux » seront intégrées dans l’assiette de calcul des points. Enfin, ils précisent les éléments de solidarité qui leur conviennent : « minimum de pension » mis en œuvre, « des points accordés pour les aléas de carrière ou de vie (chômage…) », « majoration pour enfant dès le premier enfant » et « objectif de maintien du niveau de vie de la personne veuve pour la réversion », maintien du « dispositif des carrières longues » et « prise en compte des spécificités de certains métiers ou situations professionnelles ». 

Ces satisfactions ayant été exprimées, la CFDT avance ses revendications d’amélioration des préconisations de M. Delevoye, en matière notamment de prestations. Elle souhaite, pêle-mêle, que le minimum de pension soit porté à « 100% du SMIC net et non comme le propose le rapport 85 % » – rappelant que ceci « était déjà l’objectif posé dans la loi de 2003 pour 2008 et non réalisé à ce jour » – que l’indexation des pensions soit réalisée avec « pour référence les salaires plutôt que l’inflation », que la majoration pour enfants soit « forfaitaire » et non proportionnelle au revenu, pour « davantage » de redistributivité ou encore que la réversion puisse bénéficier aux couples pacsés. Elle demande également des clarifications au sujet de la garantie des droits acquis, « car aujourd’hui, les règles de calcul ne sont pas détaillées ». Afin d’accompagner l’augmentation prévisible de la durée d’activité, elle insiste également sur la nécessité de repenser le compte professionnel de prévention et de généraliser le « droit au temps partiel au-delà d’un certain âge ». Dernière demande et non des moindres, qui ne concerne pas, celle-ci, les prestations : la CFDT entend obtenir du gouvernement une gouvernance du futur régime universel se caractérisant par un « réel partage du pouvoir entre l’Etat et les partenaires sociaux ». 

Après avoir évoqué les sujets dont elle entend négocier afin de s’engager dans une éventuelle démarche de soutien à la réforme gouvernementale, la CFDT met enfin en avant trois « lignes rouges ». En premier lieu, elle réaffirme son refus de l’introduction d’un âge pivot de départ à la retraite. « La CFDT est totalement opposée à l’introduction d’un âge du taux plein à 64 ans (avec décote et surcote) identique pour tous dès 2025 ». D’autre part, la centrale de Laurent Berger insiste sur le fait qu’elle ne veut pas d’une réforme censée produire des économies budgétaires, notamment entre 2020 et 2025, car, selon elle, la seule cause du déficit prévisible des régimes de retraite est la baisse de leurs ressources, résultant « de choix imputables au gouvernement (non-compensation des exonérations de cotisations CICE, forfait social, et désocialisation des heures supplémentaires) ». 

 

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