Dans le cadre de la mission de “concertation” sur la réforme des retraites menée par Jean-Paul Delevoye avec les partenaires sociaux, un débat intéressant a surgi samedi dernier, à propos d’un éventuel retour à une indexation des pensions sur les salaires.
Que penser de l’hypothèse d’un tel retour à une forme d’indexation généralement considérée comme étant bénéfique pour les retraités ?
Quelques rappels historiques
C’est la réforme des retraites menée par Edouard Balladur en 1993 qui a consacré le principe de l’indexation des retraites non plus sur les salaires mais sur l’inflation – les gouvernements socialistes précédents avaient, certes, largement ouvert la voie à une telle réforme. Cette nouvelle forme d’indexation a eu des effets importants sur le niveau des pensions. Ainsi, sur la période 1995-2005, on estime à 1 point par an le différentiel entre l’évolution des salaires et celle des prix – voir par exemple ici.
Plus encore, depuis quelques années, dans le régime général de retraite des salariés du privé ainsi qu’à l’Agirc-Arrco, il est même de coutume de ne plus guère revaloriser les retraites.
Une proposition étonnante
Dans cette configuration, la proposition de Jean-Paul Delevoye d’en revenir à une indexation des pensions de retraite sur les salaires apparaît donc quelque peu étonnante. M. Delevoye a justifié sa proposition en recourant à une argumentation technique, affirmant que ce mode d’indexation permettrait “de faire profiter aux assurés ayant des carrières plates ou heurtées d’une revalorisation des droits tenant compte de l’évolution globale des salaires”.
Il a ajouté, au risque de plonger ses analystes dans la perplexité, que cette indexation “permettrait de maintenir constant le rythme d’acquisition des droits au cours de la carrière pour un individu moyen”.
Une manoeuvre pour diminuer les retraites ?
Au risque d’être immédiatement catégorisé parmi les promoteurs du complotisme, il faut bien reconnaître que la proposition de M. Delevoye a semblé à l’auteur de ces quelques lignes trop généreuse pour être tout à fait honnête. Plus précisément, dans la mesure où, dans le cadre de la réforme des retraites, l’ambition générale du Président de la République est plutôt de contenir le niveau global des pensions que d’accompagner sa hausse, cette proposition d’indexation sur les salaires impose de se demander où se trouve le fameux loup.
A bien y réfléchir, il se trouve peut-être bien dans le fait qu’à la différence de ce qui prévalait au début des années 1990, les dirigeants de l’Etat misent peut-être aujourd’hui sur le fait que, dans les prochaines années, les salaires évolueront moins vite que l’inflation. Un indice accrédite en tout cas cette hypothèse. Afin de défendre sa proposition, Jean-Paul Delevoye a indiqué qu’elle se traduirait par “une moindre dépendance du système [de retraite] à la croissance”. Si l’évolution des salaires est intimement liée à celle de la croissance, il se peut en revanche tout à fait qu’une économie sans croissance soit marquée par une inflation plus ou moins forte.