Le gouvernement étant débarrassé de Jean-Paul Delevoye, son encombrant haut commissaire à la réforme des retraites – ou plutôt : presque débarrassé, car M. Delevoye doit encore lui remettre son rapport en juin – il peut désormais avancer plus clairement ses pions sur ce dossier social majeur.
S’exprimant au sujet de l’âge de départ à la retraite, Agnès Buzyn, la ministre des Solidarités et de la Santé, a défendu un “âge pivot”, différent de l’âge légal.
La “justice” pour les retraites
Interrogée hier sur BFM TV, Agnès Buzyn s’est exprimée au sujet de la réforme des retraites. Afin de bien rassurer tout le monde sur les intentions du gouvernement, elle a d’abord promis que cette réforme était une “réforme de justice”, qui non seulement permettra au système des retraites d’être “beaucoup plus équitable, beaucoup plus lisible” mais qui, surtout, “va pérenniser notre système de retraite par répartition”.
Anticipant d’éventuelles critiques de la part d’esprits mal disposés à l’égard des intentions gouvernementales, la ministre a enfoncé le clou, assurant qu’il n’y avait “pas d’entourloupe” dans la réforme des retraites. Ceci allait sans dire, bien évidemment mais après la cacophonie qui a duré plusieurs semaines à propos de l’âge de départ à la retraite, il valait tout de même mieux le dire…
La retraite à 63 ou 64 ans
Justement, au sujet de l’âge de départ à la retraite qui sera mis en oeuvre dans le cadre de la réforme des retraites, Mme Buzyn a confirmé ce qui apparaissait de plus en plus clair depuis deux semaines. S’il faut croire que l’âge légal de départ à la retraite devrait demeurer fixé à 62 ans, dans le même temps, un “âge pivot” serait instauré, “à 63 ou 64 ans”, qui devrait permettre d’obtenir une pension à taux plein.
La ministre a justifié ainsi la coexistence annoncée de ces deux bornes d’âge. La borne des 62 ans s’adresserait “à ceux qui le souhaitent, à un moment de dire : ‘Stop. Je suis fatigué, je veux partir à la retraite'”. La borne des 63 ou 64 ans, pour sa part, serait destiné à assurer l’équilibre financier du régime de retraite. “Si nous n’avons pas des départs à la retraite à 63 ou 64 ans, en fait le système n’est pas équilibré financièrement” a en effet affirmé Agnès Buzyn.
Espérons, certes, pour celui qui sera “fatigué” à 62 ans – soit, statistiquement, plutôt un salarié issu des classes populaires – que le gouvernement ne lui fera pas payer trop cher d’avoir toute sa vie exercé des métiers aussi pénibles qu’indispensables à la société.
Pour les syndicats, c’est l’entourloupe !
Bien que Mme Buzyn eût garanti que le projet gouvernemental était sans entourloupe et clair comme de l’eau de roche, du côté des représentants des salariés, on se montre dubitatif à l’égard dudit projet et, en particulier, à l’égard des intentions de l’exécutif sur l’âge de départ à la retraite.
Interrogé hier, lui aussi sur BFM TV, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, en est venu à tenir des propos virulents à l’égard de l’exécutif. “Vous avez le droit de partir à 62 ans mais vous n’aurez pas de quoi vivre, donc vous serez obligés de rester jusqu’à 64 ans… ou plus!” a-t-il d’abord expliqué, avant de considérer que “c’est se moquer du monde” et faire preuve d’une “hypocrisie” certaine. M. Martinez n’est pas le seul à qui la mise en place de deux bornes d’âge pour la définition des droits à pension ne convient guère.
Aujourd’hui, dans les quotidiens du groupe Ebra, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, a lui aussi réaffirmé, en des termes plus policés, son opposition à ce système. “Nous alertons le gouvernement: nous ne pourrons pas être d’accord” avec la coexistence d’un âge légal de départ à la retraite et d’un âge pivot. Il a d’ailleurs estimé que cette coexistence serait “un tour de passe-passe qui allongerait la durée de cotisation sans le dire par un système de décote”. Une entourloupe, en somme !