Si le gouvernement fait tout son possible afin de demeurer très discret au sujet du contenu de la réforme des retraites qu’il doit mener l’an prochain, quelques éléments sont toutefois portés de temps en temps à la connaissance du public. Ainsi, ces derniers jours, deux sujets ont été évoqués dans le débat public : celui de l’âge de départ à la retraite et celui du calendrier de la réforme.
La liberté du point… mais pas trop !
En matière d’âge de départ à la retraite, les régimes de retraite de base français, dont notamment celui de la Sécurité sociale, sont actuellment organisés selon le principe des annuités : l’assuré qui veut bénéficier d’une pension complète peut partir à la retraite à partir de 62 ans à la condition qu’il ait cotisé, selon son année de naissance, entre 169 et 172 trimestres. Ce n’est qu’à partir de 67 ans que sa pension est complète quel que soit le nombre de trimestres durant lequel il a cotisé. Etant des régimes complémentaires, et bien que fonctionnant en points, l’Agirc et l’Arrco reprennent ces deux bornes d’âge légales mais ont institué en 2015 un système de décote/surcote qui vise à inciter les salariés ayant atteint le nombre de points nécessaires afin de prétendre à une pension complémentaire à taux plein, à partir à la retraite à partir de 63 ans et jusqu’à 67 ans.
Du point de vue de l’exécutif, le système mis en place par les partenaires sociaux est un modèle à suivre en cela qu’il articule logique par points et conditions d’âge. Imiter ce schéma dans le cadre du futur système unifié de retraite en points qui doit être institué en 2019 permettrait à l’Etat de vanter la plus liberté accordée aux salariés quant au choix de leur âge de départ à la retraite – liberté théoriquement associée au système par points – tout en faisant en sorte d’éviter que les salariés fassent massivement le choix de partir à la retraite le plus tôt possible – fût-ce, pour eux, au prix de décotes importantes. Ainsi, si l’âge légal de départ à la retraite a bien des chances de demeurer fixé à 62 ans, une nouvelle borne d’âge, dite “âge pivot” ou “âge d’équilibre”, pourrait être instaurée, à 63 ans si l’on en croit les Echos du jour, afin de faire en sorte que les salariés fassent le choix d’une liberté strictement encadrée.
La réforme reportée de quelques mois
La retraite étant bien souvent une question de report, il faut par ailleurs s’attendre à ce que le calendrier de la réforme des retraites initialement fixé par le gouvernement – calendrier selon lequel, rappelons-le, la réforme devait être adoptée par le Parlement durant l’été 2019 – ne soit finalement pas respecté. On avait pu imaginer un tel report lorsqu’il y a quelques semaines, Jean-Paul Delevoye, le haut commissaire à la réforme des retraites, avait estimé qu’une bonne “concertation” sur le sujet pourrait durer “six mois” – ceci nous conduisant alors au mois de mars. De fait, ce report de trois mois semble avoir été acté par le gouvernement. La mission de M. Delevoye étant appelée à se prolonger jusqu’au printemps prochain, il apparaît difficilement concevable que la réforme des retraites soit adoptée avant le début de l’automne prochain.
Afin de justifier ce nouveau calendrier, le représentant du gouvernement a assuré qu’il procédait uniquement d’une volonté d’élaborer correctement la réforme à venir. “Une légère extension du calendrier ne serait pas nuisible à la qualité de ce gigantesque projet” a-t-il en effet déclaré, tout en langage diplomatique. Hélas, d’autres proches du dossier ne sont pas convaincus par cette explication. Cité par l’AFP, un dirigeant d’une organisation salariale affirme plutôt que le report de la réforme de quelques mois n’est pas sans lien avec des pensées plus prosaïquement politiciennes : “Le gouvernement ne veut surtout pas polluer la campagne avec un sujet aussi explosif que la réforme des retraites, qui risquerait aussitôt de se traduire dans les urnes”. Le Président de la République n’étant pas au sommet de la vague, cette explication peut évidemment être prise au sérieux.