Dépossédés de la réforme de l’assurance chômage, les partenaires sociaux ont pris connaissance hier, comme tous les Français, des mesures qui seront mises en oeuvre dans ce domaine par le gouvernement.
Leurs réactions aux annonces de l’exécutif sont pour le moins diverses : si les responsables du patronat français s’en accommodent globalement, ceux des organisations salariales se montrent bien plus critiques.
Le patronat encaisse le bonus-malus
Du côté des organisations patronales, c’est essentiellement la mise en place d’un bonus-malus sur les contrats courts dans les entreprises de plus de onze salariés de sept secteurs d’activité – l’agroalimentaire, l’hôtellerie-restauration, la production et distribution d’eau, la fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie – qui a fait parler d’elle. Alors que sa portée est limitée – les cotisations chômage des entreprises pourront évoluer entre 3 % et 5 %, contre 4,05 % aujourd’hui, en fonction de leur niveau de recours aux contrats courts – elle a été jugée dangereuse pour l’emploi par le Medef et la CPME.
Au nom du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux a ainsi estimé que le bonus-malus était une mesure “inefficace qui découragera l’emploi”, tandis que François Asselin, pour la CPME, a assuré qu’un “un employeur va réfléchir à deux fois” avant de recruter. Le secteur de l’hôtellerie-restauration a pour sa part dénoncé une mesure “discriminatoire” – dont il est vrai que l’on peut se demander si, en droit, elle est tout à fait assurée… Ces réactions patronales négatives sont, certes, plutôt mesurées, tendant à indiquer que le Medef et la CPME ont pris acte de la réforme gouvernementale. La taxation des CDD d’usage, à hauteur de 10 euros par contrat, a, d’ailleurs, peu fait parler d’elle au sein du patronat.
Pour le plaisir, relevons enfin que François Asselin a réussi à critiquer le gouvernement pour sa trop grande clémence supposée à l’égard des salariés. “Dans un contexte où beaucoup d’entreprises sont en recherche de compétences, lorsqu’un salarié potentiel refuse un CDI et n’accepte qu’un CDD, c’est un peu étonnant qu’à la fin de son CDD il puisse accéder au régime assurantiel” a-t-il en effet estimé. Une idée d’avenir pour une prochaine réforme de l’assurance chômage ?
Grande “colère” syndicale sur la réforme chômage
La relative modération des réactions patronales tranche nettement avec la “colère” affichée par les responsables des organisations salariales. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’acceptent pas le durcissement des conditions d’accès aux allocations chômage – avoir travaillé non plus 4 mois sur les 28 derniers mois mais 6 moins sur les 24 derniers mois – la révision des règles de la “permittence” – qui conduira un chômeur à ne plus pouvoir gagner plus en étant au chômage qu’il ne gagnait lorsqu’il occupait son dernier emploi – et, enfin, la mise en place de la dégressivité des allocations pour les demandeurs d’emploi qui avaient un revenu de travail supérieur à 4500 euros brut par mois – leur indemnisation sera réduite de 30% à partir du septième mois, à l’exception des plus de 57 ans et avec un plancher d’indemnisation de 2661 euros nets.
Commentant ces mesures, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s’est dit “en colère” – fait suffisamment rare pour être souligné. “On a une réforme qui est archi-perdante pour l’ensemble des demandeurs d’emploi, qui en plus ne responsabilise qu’en partie les entreprises qui usent et abusent de la précarité” a-t-il déclaré, poursuivant : “La CFDT est profondément en colère”. La CFDT est si remontée qu’elle appelle à la tenue d’un “rassemblement” le 25 juin prochain afin de protester contre la réforme. Ce rassemblement donnera-t-il lieu à une mobilisation syndicale en bonne et due forme ?
Une chose est sûre, les responsables des autres organisations salariales sont eux aussi très mécontents des annonces de l’exécutif. Pour la CGT, Catherine Perret (CGT) a jugé la réforme “inique” et “inefficace”, évoquant l’un de ses principaux effets : “Il y a un chômeur sur deux qui est indemnisé. Avec la réforme du gouvernement, c’est un sur trois”. Yves Veyrier, le secrétaire général de FO a quant à lui déploré la logique sous-jacente à la réforme de l’assurance chômage, qui revient à “faire le procès des salariés précaires qui seraient responsables de leur situation”. Enfin, François Hommeril, président de la CFE-CGC, a parlé de “jour funeste”, critiquant notamment la dégressivité des allocations pour les cadres : “”Le gouvernement fait un procès aux cadres qu’il considère être des glandouilleurs”.
Alors que la réforme de l’assurance retraite doit succéder à celle de l’assurance chômage, le Président de la République a tout intérêt à prendre la mesure de ces réactions syndicales très négatives.