Réforme sociale après réforme sociale, le Président de la République Emmanuel Macron ne cache plus le peu de cas qu’il fait des partenaires sociaux et du paritarisme : après l’avoir démontré en matière de chômage et de retraite, il le fait dans le domaine de la santé au travail.
Alors que les partenaires sociaux veulent être associés à la réforme de la santé au travail, il apparaît clairement que le gouvernement entend en réalité agir seul.
Une nouvelle supplique paritaire
Hier, le Monde s’est fait l’écho d’une lettre que les partenaires sociaux ont fait parvenir à Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, afin d’obtenir des précisions quant à la manière dont le gouvernement entend mener la réforme de la santé au travail et afin de revendiquer un rôle central dans l’élaboration de cette réforme. Dans cette missive, intitulée “rétablissement d’une relation de confiance” – ambiance… – les partenaires sociaux ont, d’une seule voix, demandé à ce que “le temps de la réflexion partagée soit véritablement respecté”.
Cette lettre en rappelle une autre, uniquement syndicale celle-là, que les responsables des cinq centrales représentatives avaient rédigé au début du mois de février à l’attention de Mme Pénicaud, afin de la prier de faire le choix non pas de “concertations menées au pas de charge” mais d’un “débat de fond” et d’une “négociation” qui soit “loyale et constructive”. Une première lettre à l’évidence suivie d’effets : au lieu de l’avoir prise en compte, Mme Pénicaud a, au contraire, missionné, en avril, trois experts afin qu’ils définissent les grandes lignes de la réforme qui sera proposée par le gouvernement.
La santé au travail sortie du paritarisme
Dans leur lettre commune destinée à la ministre du Travail, les partenaires sociaux dénoncent la manière dont ce groupe d’experts a été institué comme véritable instance de pré-élaboration de la réforme de la santé au travail. “Cette mission apparaît comme une mission d’appui à l’administration pour rédiger, dans les prochains mois, un projet de loi à partir d’objectifs d’ores et déjà fixés et non plus comme une mission d’appui aux partenaires sociaux jusqu’à la mi-juin ” tonnent-ils notamment.
Dans cette configuration d’étatisation assumée du dossier, on peut évidemment s’interroger sur l’utilité des deux prochaines réunions paritaires consacrées à la réforme de la santé au travail, prévues les 7 et 14 juin prochains, ainsi, d’ailleurs, que sur celle du rapport que les partenaires sociaux doivent rendre dans la foulée au gouvernement à propos “des éléments de diagnostic”, des “objectifs poursuivis” et des “principales options” de ladite réforme. Espérons, du moins, que les experts de la mission gouvernementale informeront les partenaires sociaux de leurs conclusions avant que celles-ci ne fuitent dans la presse.
La lente agonie du paritarisme
Cette nouvelle mise à l’écart des partenaires sociaux d’un important chantier de réforme sociale constitue une nouvelle preuve de ce que le chef de l’Etat les méprise profondément. Deux ans à peine après son accession à la présidence de la République, Emmanuel Macron a réussi à prendre le contrôle de l’essentiel des institutions paritaires et à déposséder tout à fait les partenaires sociaux du rôle de co-constructeurs des politiques sociaux qui était le leur depuis des décennies.
Qui a dit que la marginalisation des corps intermédiaires avait pu largement contribuer au profond mouvement de contestation sociale et politique dont la France vient à peine de sortir ?