ll devrait beaucoup être question de réforme des régimes de protection sociale cet après-midi à l’Assemblée Nationale, dans le cadre de la déclaration de politique générale que le Premier ministre Edouard Philippe doit y prononcer.
Cette déclaration, la deuxième du type depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, devrait, entre autres, être le lieu d’annonces relatives à des réformes menées dans différents domaines de la protection sociale : assurance retraite, assurance chômage, prise en charge de la dépendance et lutte contre la pauvreté.
La réforme des retraites
Alors même que Jean-Paul Delevoye, le haut commissaire à la réforme des retraites, n’a pas encore remis son rapport au Président de la République, il faut s’attendre à ce qu’Edouard Philippe évoque la réforme des retraites devant les députés. Il pourrait d’abord présenter un agenda de la réforme plus précis que celui qui est actuellement supposé – à savoir un projet de loi officialisé avant la fin de l’été et débattu au Parlement pendant l’automne.
Il pourrait ensuite confirmer la mise en oeuvre, dans le futur régime unifié de retraite par points, d’un âge pivot fixé à 64 ans comme âge de départ à la retraite à taux plein – les assurés conservant la possibilité, moyennant un malus, de partir en retraite à l’âge de 62 ans. Les dernières projections financières – sombres – contenues dans le nouveau rapport annuel du conseil d’orientation d’orientation des retraites (COR) conduiront-elles le Premier ministre à envisager d’autres durcissements des paramètres de la retraite ? Cette option n’est pas la plus probable, dans la mesure où la mise en oeuvre de l’âge pivot est déjà loin de faire l’unanimité dans le corps social – la CFDT, en particulier, ne semble pas y être favorable.
La réforme de l’assurance chômage
Le Premier ministre Edouard Philippe devrait être d’autant plus prudent en matière de réforme des retraites qu’il devrait également dévoiler les grandes lignes de l’autre grande – et complexe – réforme des prochains mois en matière de protection sociale : celle de l’assurance chômage. Cette réforme, que le gouvernement doit présenter à la fin du mois, étant censée permettre à l’assurance chômage de réaliser entre 1 et 1,3 milliard d’euros d’économies par an sur les trois prochaines années, elle est attendue non sans inquiétude par les partenaires sociaux.
Cet après-midi, Edouard Philippe pourrait d’une part confirmer la mise en place d’un bonus-malus appliqué aux cotisations chômage des entreprises en fonction de ce qu’elles recourent plus fréquemment que la moyenne des entreprises à des contrats courts ou à des contrats stables. Parallèlement à cette mesure susceptible de déplaire fortement aux employeurs et au Medef, il pourrait en annoncer d’autres, que les salariés et les syndicats ne devraient guère apprécier : dégressivité des allocations chômage pour les hauts cadres après six mois d’indemnisation, impossibilité de disposer d’une allocation supérieure au dernier salaire et enfin, et surtout, durcissement des conditions d’accès aux allocations chômage – par la nécessité d’avoir cotisé six mois sur les 24 derniers mois, contre 4 mois sur les 28 derniers mois actuellement.
La réforme de la prise en charge de la dépendance
Outre ces deux chantiers, minés, de réforme, Edouard Philippe pourrait aborder celui, potentiellement moins problématique car supposant moins une approche étroitement budgétaire, de la réforme de la prise en charge de la dépendance. Comme ceci a pu être annoncé par l’exécutif à l’occasion de la remise du rapport réalisé par Dominique Libault sur cette question, une loi “grand âge et autonomie” doit être présentée en octobre 2019.
Le Premier ministre pourrait bien être tenté, afin d’afficher un visage social devant la représentation nationale, de réaffirmer les principales mesures qui devraient figurer dans ce projet de loi. 80 000 postes nouveaux devraient être créés dans les Ehpad d’ici le milieu de la décennie 2020, afin d’améliorer la prise en charge des résidents. Pour beaucoup d’entre eux, ceci ne signifierait pas une augmentation du coût de leur prise en charge, au contraire : pour ceux d’entre eux gagnant moins de 1600 euros par mois, une réduction de 300 euros par mois de ce coût devrait être mise en oeuvre. Autre mesure importante qui pourrait être annoncée par le chef du gouvernement : l’indemnisation du congé pour proche aidant.
Au total, la réforme de la prise en charge de la dépendance supposerait un surcroît annuel de dépense publique de l’ordre de 9 milliards d’euros durant la prochaine décennie – la dépense publique consacrée à cette politique frôlant aujourd’hui les 25 milliards d’euros.
La réforme de la prise en charge de la pauvreté
Enfin, le Premier ministre pourrait dire quelques mots de la réforme de la prise en charge de la pauvreté, dite “plan pauvreté”. Il s’agirait alors pour lui de réaffirmer des dispositions établies par le Président de la République en septembre 2018 et dont le coût est estimé à 8,5 milliards d’euros d’ici à la fin du quinquennat. Entre autres dispositions, ce plan en comporte certaines qui concernent les régimes de protection sociale.
En particulier, Edouard Philippe pourrait faire le point sur la concertation initiée en juin dernier au sujet de la création, prévue en 2020, d’un “revenu universel d’activité”, appelé à remplacer, à partir de 2023, le plus grand nombre possible de prestations sociales. D’autre part, il pourrait rappeler la réforme de la prise en charge des frais de santé des personnes en situation de pauvreté qui doit entrer en vigueur en novembre prochain, à savoir la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide à la complémentaire santé (ACS).
Les annonces “sociales” que pourrait faire le Premier ministre suffiront-elles à faire passer la pilule des réformes chômage et retraite auprès de l’opinion publique ? Ceci n’est pas évident.