Recul de l’âge de la retraite : la solution socialiste du Medef pour le travail des seniors

Hier, à l’occasion d’une conférence de presse, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, a évoqué les grands principes que le patronat défend en matière de retraite.

 

Il a notamment insisté sur la nécessité de reculer de 62 à 64 ans l’âge de départ à la retraite et sur celle de développer le travail des seniors. Afin de se diriger dans cette voie, M. Roux de Bézieux promeut, curieusement, une solution socialiste. 

La retraite à 64 ans

Pour M. Roux de Bézieux, la réforme des retraites doit passer par un recul de l’âge de départ à la retraite. “Nous proposons, à partir de 2020, de procéder au relèvement de l’âge légal de 62 à 64 ans, sur huit ans, à raison d’un trimestre par an”, a-t-il en effet déclaré. Ceci signifie que, du point de vue du Medef, l’âge de départ à la retraite doit atteindre 64 ans en 2028. “Il faut qu’on dise la vérité aux Français” a martelé le patron des patrons, qui est allé jusqu’à demander au gouvernement de “sortir de ce mensonge par omission qui consiste à dire : ‘on ne touche pas à l’âge légal de la retraite'”. 

Geoffroy Roux de Bézieux a assuré qu’un tel report de l’âge de départ à la retraite permettrait de réaliser “17 milliards d’euros” d’économies. Ce chiffre prend en compte à la fois le surplus de cotisations, la baisse du montant des pensions servies et les hausses inévitables de dépenses chômage, maladie et prévoyance. 

Préférant, certes, prendre les devants à ces deux derniers sujets, Claude Tendil, le vice-président du Medef chargé des affaires sociales, a précisé que cet âge de 64 ans devait correspondre à “l’âge effectif” de départ à la retraite. On comprend aisément que les assureurs n’aient pas nécessairement envie de financer à eux seuls, par le biais des régimes santé et prévoyance collectifs, un recul de l’âge de départ à la retraite qui ne serait que théorique… 

Le Medef en mode socialiste

Laissant à M. Tendil le soin de défendre les intérêts des assureurs, Geoffroy Roux de Bézieux a plutôt cherché à convaincre du fait qu’un tel recul de l’âge de départ à la retraite est compatible avec l’état du marché du travail. En particulier, alors qu’actuellement, le taux d’emploi des 60-64 ans dépasse péniblement les 30 % – voir étude DARES ci-dessous – la question se pose inévitablement de la manière dont le MEDEF compte s’y prendre afin de maintenir en emploi un public qui en est très majoritairement éloigné aujourd’hui. Considérés comme trop chers et pas assez productifs, les seniors sont massivement sortis du marché du travail par les entreprises. 

Heureusement pour les seniors – et les assureurs… – Geoffroy Roux de Bézieux a une bonne idée afin de faire en sorte de mettre les seniors au travail. Cité par RTL, il s’est appuyé sur l’exemple de la Suède, où les employeurs feraient preuve d’une “capacité très forte des entreprises à garder des gens en emploi mais dans des postes et avec des salaires qui ne sont pas toujours les mêmes. Parce qu’après 62-63 ans, il y a des gens soit qui veulent souffler, soit dont la productivité ou la compétence n’est pas exactement la même et qui acceptent de redescendre hiérarchiquement mais de continuer à travailler”. Partant de cet exemple, le président du Medef a estimé que l’employabilité des seniors pourrait reposer sur l’acceptation par ces derniers de salaires moins élevés. “L’assurance chômage et/ou Pôle Emploi” viendraient alors compenser cette perte de salaire. 

Autrement dit, Geoffroy Roux de Bézieux a proposé d’instaurer un système collectiviste, ou socialiste, afin de financer les salaires des travailleurs âgés – et, donc, dans le même temps, de contribuer au financement de la politique des retraites. 

Les syndicats irrités

Hélas pour M. Roux de Bézieux, sa solution collectiviste n’a guère convaincu les représentants des organisations salariales. Toujours cité par RTL, Michel Beaugas, chargé des questions d’emploi au sein de FO, a joué les pères “la rigueur”, rappelant le capital à ses responsabilités premières : “l’idéal serait d’abord de ne pas licencier les seniors à 55 ans pour commencer”. En d’autres termes : pas question, une fois de plus, de socialiser les pertes après avoir privatisé les profits tant que les salariés n’étaient pas encore des seniors. 

Marylise Léon, pour la CFDT, a elle aussi défendu une position proche : “C’est une proposition à la fois irresponsable et incohérente. On ne peut pas demander à ce que les travailleurs travaillent plus vieux et considérer qu’à partir d’un certain âge le salarie soit compensé et par l’assurance chômage et par Pôle emploi”, ajoutant que cette proposition était en outre “discriminatoire” pour les salariés âgés. 

Dans ces conditions, autant dire d’emblée qu’il apparaît difficile pour le Medef d’espérer obtenir une négociation paritaire autour de sa proposition pour le travail des seniors. Le paritarisme se porte décidément mal ces derniers temps. 

 

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