Durant l’été, nous avions évoqué dans nos colonnes une probable logique de contrepartie qui guidait les pas de Jean-Claude Mailly et l’inclinait, lui l’aubryste, à l’indulgence vis-à-vis des ordonnances. Nous n’avons pas été les seuls à soupçonner que cette fadeur n’était pas décorrélée du départ de Jean-Claude Mailly au printemps prochain et de ses intentions ou aspirations pour l’après. Ses troupes n’ont pas manqué de penser la même chose et de le lui reprocher abondamment.
D’où ce comité confédéral national de deux jours, tenu en fin de semaine dernière, qui a débouché sur l’injonction donnée par la majorité du syndicat à son secrétaire général de déclarer formellement la guerre au gouvernement. Même si le texte publié à la sortie de la réunion est plutôt conciliant et pudique, il ne masque pas la mise en minorité du vieux lion pour son dernier tour de piste.
Mailly rattrapé par la méthode Macron
C’est l’inconvénient, illustré par l’exemple, de la méthode Macron qui consiste à négocier en bilatéral et en tout petit comité. Elle jette la suspicion. Et les différentes révélations dans la presse sur les “perspectives” que le Président ouvre volontiers sous les pieds des interlocuteurs qu’il souhaite se mettre dans la poche y concourent.
Vrai ou fausse, donc, la rumeur selon laquelle le secrétaire général de FO avait des ambitions pour “l’après” qui interféraient avec ses positions du “pendant” a suffisamment couru sans contrefeu pour qu’elle devienne embarrassante pour tout le monde. Mailly a eu beau expliquer autant qu’il pouvait les bienfaits de sa stratégie “réformiste” dans ce dossier, il n’a pas convaincu.
Les ordonnances comptent désormais un syndicat hostile de plus, en attendant le ralliement de la CGC à l’intersyndicale. C’est tardif, mais ça ne sent quand même pas très bon pour le gouvernement.
Les patrons jettent de l’huile sur le feu
Comble de malchance, les patrons se sont passés le mot pour noircir le tableau et pousser à l’explosion.
Vendredi matin, les fédérations patronales du transport ont annoncé aux organisations de salariés, sous les lambris du ministère, leur intention d’utiliser les ordonnances pour remettre en cause les indemnités des chauffeurs. Du coup, même le cégétiste Jérôme Vérité, pourtant pas le plus farouche, s’est déclaré abasourdi à la sortie de la réunion. Les patrons du transport routier trempent pourtant dans tous les accords de branche qui servent le paritarisme depuis des années.
De son côté, le vice-président du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux a mis tout le monde dans la gêne en jouant les porte-parole du gouvernement dans une interview au Journal du Dimanche. Sur l’ISF, il a notamment cette phrase qui devrait faire mouche: “Macron ne cédera pas!”
Voilà qui ne devrait pas manquer de rendre les choses encore plus difficiles…
Rencontre avec les syndicats le 12 octobre
Dans cette tourmente qui pourrait prendre forme, la date du 12 octobre constituera un tournant. Emmanuel Macron a prévu de rencontrer les syndicats ce jour-là pour discuter réforme de la formation professionnelle et de l’assurance-chômage.
On suivra avec attention ce moment sensible qui pourrait déboucher sur une escalade (ou pas) de la tension.