C’est hier que le rapport corédigé par Charlotte Lecocq, députée “République en Marche”, Henri Forest, ancien responsable national de la CFDT et Bruno Dupuis, consultant chez Alixio, a été remis au Premier ministre Edouard Philippe, puis rendu public dans la foulée. Ayant pris connaissance du contenu du rapport, les confédérations syndicales de salariés ont diversement réagi.
La CFDT favorable à un système “plus lisible”
Peu d’entre nos lecteurs s’en étonneront : la CFDT apparaît satisfaite du rapport Lecocq. Elle déclare accueillir “favorablement” les propositions qu’il contient et qui visent d’après elle à “placer le suivi individuel des salariés et les besoins spécifiques des entreprises au cœur de la démarche”. La première organisation salariale française insiste notamment sur ce qu’elle estime être la “mesure phare” du rapport : le regroupement de “tous les acteurs de la santé au travail et de la prévention des risques au sein d’un guichet unique, en étroite relation avec les agences régionales”, qui devrait “offrir une prise en charge des besoins au plus près des salariés et des employeurs selon leur activité”. Entretenant des relations compliquées avec l’exécutif, la CFDT semble, cette fois, tout à fait satisfaite des orientations politiques de la majorité en matière de santé au travail.
La CFE-CGC pour la “synergie” des acteurs
Dans l’ensemble, la CFE-CGC se veut elle aussi favorable aux objectifs poursuivis par les rédacteurs du rapport. Elle se déclare en effet “favorable à la mise en synergie des institutions et organismes en santé au travail, en prévention des risques professionnels et amélioration des conditions de travail”. Au cas où ceci ne serait pas clair, la centrale de l’encadrement insiste, en gras dans le texte : “une mobilisation coordonnée de tous les préventeurs est une nécessité, voire une cause nationale !”. Ceci étant dit, la CFE-CGC s’inquiète de manière circonstanciée de la situation “critique et alarmante” de l’état de santé des salariés français. “Organisations du travail de plus en plus pathogènes”, “troubles psychiques”, “épuisement professionnel”, “dégâts humains” : les défis sont considérables d’après la CFE-CGC, qui sous-entend qu’il va falloir plus qu’un rapport pour améliorer la santé au travail des Français.
L’UNSA sur sa faim
Pour l’UNSA, que l’on peut difficilement considérer comme une organisation radicale, ces besoins des salariés en matière d’amélioration des conditions de travail sont tels que le rapport Lecocq s’avère en réalité décevant. D’une part parce qu’il est “centré sur la gouvernance du système et son organisation”. Ainsi, l’UNSA “regrette qu’une seule recommandation de ce rapport [sur les seize qu’il contient, ndlr] soit susceptible d’avoir un impact réel sur les déterminants de la santé au travail des salariés”. D’autre part parce que même au chapitre de l’organisation générale du futur système, il “manque d’ambition”. “S’il est nécessaire de dédier un effort financier et significatif à la prévention comme l’indique le rapport, l’UNSA constate qu’aucun financement supplémentaire n’est prévu” critique plus précisément l’organisation syndicale.
La CGT incrédule
Du point de vue de la CGT également, le principe de l’unification institutionnelle de la santé au travail ne s’accompagne pas de moyens suffisants mis sur la table. De fait, elle “met en garde” contre le risque de la création d’une nouvelle institution dont les salariés eux-mêmes vivront mal leur travail. “Nous avons trop d’exemples en France d’institutions fusionnées avec des moyens réduits qui sont devenues des lieux de souffrance au travail avec pour conséquence une dégradation du service rendu” rappelle-t-elle. Reconnaissons que ce serait un comble. Sur la question du financement de la future institution unifiée, la CGT n’est pas opposée à la mobilisation des excédents de la branche AT-MP mais insiste sur le fait que l’existence de ces excédents procède essentiellement d’une situation, contre laquelle elle appelle à lutter, de sous-déclaration des accidents du travail.
FO contre l’étatisation de l’enjeu
Au total, c’est FO qui se montre la plus sévère à l’égard du rapport. D’emblée, l’Avenue du Maine met en doute la volonté gouvernementale de réellement améliorer la santé au travail des salariés, rappelant qu’avec les ordonnances Travail, le Président de la République a supprimé le CHSCT, qui jouait pourtant “un rôle crucial dans la prévention en entreprise”. Pour FO, l’ambition globale de l’exécutif est ailleurs : il entend étatiser l’enjeu de la santé au travail, afin dans un second temps de considérer cet enjeu avant tout sous l’angle budgétaire. Critiquant l’attaque contre la “démocratie sociale” et les institutions paritaires – notamment la branche des AT-MP – que constitue cette volonté macronienne, FO dénonce vivement ce qu’elle estime être une nouvelle tentative de “déresponsabilisation des chefs d’entreprise sur cette question essentielle de la santé au travail”.