Ramasser un parapluie cassé en entreprise ne justifie pas un licenciement

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

Le vol du parapluie d’un collègue de travail peut-il justifier le licenciement d’un salarié pour faute grave ? Non, répond la cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation. Est sans cause réelle est sérieuse le licenciement d’une salariée fondé sur le grief de vol d’un parapluie, dans la mesure où ce parapluie, ramassé sur le sol du sas d’entrée de l’immeuble, était en mauvais état et s’était ensuite révélé inutilisable. Cass. soc. 13.04.16, n° 15-16170. 

  • Faits et procédure

La salariée a été embauchée le 18 avril 2011 en qualité d’assistante d’agence. Le 27 avril 2012, elle a est convoquée à un entretien préalable au licenciement et mise à pied à titre conservatoire le 27 avril 2012. Elle est finalement licenciée pour faute grave le 16 mai 2012, pour des faits de vol d’un parapluie au préjudice d’une collègue. 

Dans cette affaire, une responsable d’agence a déploré le vol de son parapluie qu’elle avait posé dans le sas d’entrée du siège social. L’employeur, en visionnant le système de vidéo-surveillance, a constaté que la salariée avait pris le parapluie. 

C’est ainsi que l’employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement et l’a mise à pied. Peu après, dans un courrier adressé à l’employeur, la salariée a effectivement reconnu avoir emprunté un parapluie qui se trouvait sur le sol dans le sas. Elle affirmait avoir cru que ce parapluie était abandonné, puis, qu’il s’était avéré être en mauvais état. N’ayant pas pu l’utiliser, elle l’avait finalement jeté. 

L’employeur en a déduit que la faute grave était avérée et a procédé à son licenciement. Fort de son interprétation toute particulière de la situation, c’est le seul grief qu’il mentionne dans la lettre de licenciement ! 

La salariée, estimant que son licenciement était injustifié, a saisi la juridiction prud’homale. 

  • La question du mode de preuve évacuée par les juges du fond

Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur la question de la licéité du système de vidéo-surveillance dans l’entreprise. En effet, la cour d’appel a pu constater que l’employeur avait placé sur la porte d’entrée de l’immeuble une affiche mentionnant le fait que l’établissement était placé sous vidéo-surveillance, avait déclaré le dispositif à la CNIL et informé le comité d’entreprise de l’installation de caméras destinées à contrôler les intrusions et à protéger le gardien. 

La preuve de la faute de la salariée était donc recevable. 

  • La faute est caractérisée mais la sanction disproportionnée

Les juges du fond ont d’abord considéré qu’il était établi que la salariée s’était emparée au sein de l’entreprise d’un parapluie qui ne lui appartenait pas et qu’elle ne l’avait jamais restitué. Ainsi, le vol était caractérisé et la faute avérée. 

En revanche, les juges ont estimé que les faits n’étaient pas constitutifs d’une faute grave. Ils ont ainsi décidé que « le licenciement [constituait] une sanction disproportionnée à la faute commise » et « qu’en conséquence, le licenciement [était] privé de cause réelle et sérieuse ». 

Pour rappel, la faute grave est définie comme une faute d’une gravité telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis (1). Ainsi, l’employeur devra-t-il prouver que la faute était d’une importance telle qu’il a dû se séparer immédiatement du salarié pour ne pas entraver la bonne marche des activités de son entreprise. La faute grave prive le salarié de l’indemnité compensatrice de préavis (2) et de l’indemnité de licenciement (3). 

L’employeur a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel estimant dans son moyen que « le vol dans l’entreprise par un salarié au préjudice de collègues de travail constitue une faute grave, ou à tout le moins une faute sérieuse justifiant le licenciement, alors même que l’objet soustrait serait de faible valeur, s’il est de nature à ruiner la confiance entre les salariés, et le bon fonctionnement de l’entreprise ». 

La Cour de cassation, validant l’appréciation des faits par la cour d’appel, a rejeté le pourvoi. Les juges du fond ont pu apprécier souverainement que, compte tenu des circonstances, le grief tiré du vol d’un parapluie appartenant à une collègue de travail ne constituait pas une faute grave et que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse. 

Au vu de cette décision, rien ne garantit que le « vol » d’un parapluie en bon état aurait abouti à la même solution de la part des juges. Ces derniers examinent les circonstances entourant le vol pour caractériser, ou non, la faute grave. 

 

(1) Cass. soc. 26.02.91, n° 88-44908. 

(2) Art. L. 1234-5 C. trav. 

(3) Art. L. 1234-9 C. trav. 

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