Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés FO.
La Cour de cassation, dans une décision du 13 juillet 2016, vient de juger que ne constitue pas une faute le fait pour un salarié de prendre un parapluie, qui ne lui appartient pas, se trouvant sur le sol, en mauvais état et inutilisable (Cass. soc., 13-07-16, n°15-16170).
Cette affaire a fait la une des journaux tant locaux que nationaux.
Il est difficilement compréhensible qu’une telle affaire ait été jusqu’à la Cour de cassation, lorsque l’on voit le faible préjudice en jeu.
Elle montre combien les employeurs peuvent parfois faire l’objet de mauvaise foi et d’une obstination sans borne, malgré les évidences.
Tout commence en avril 2012 lorsque, par une journée de pluie, une salariée, ne disposant pas de parapluie, en prend un se trouvant sur le sol dans le hall d’accueil de son entreprise, en dehors du porte-parapluie. Ce dernier s’avérant en mauvais état et inutilisable, elle le jette.
Quelques jours plus tard, elle est mise à pied à titre conservatoire et finalement licenciée pour faute grave le 16 mai 2012 pour des faits de vol d’un parapluie au préjudice d’une collègue.
La salariée, épaulée par l’Union départementale Force Ouvrière de l’Ain, décide de saisir le conseil de prud’hommes.
Par un jugement du 7 juin 2013, le conseil de prud’hommes de Bourg-en-Bresse considère que le licenciement de la salariée est sans cause réelle et sérieuse.
Si la faute est réelle, celle-ci est toutefois de qualification légère et n’est pas, par conséquent, de nature à rendre impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.
Le conseil de prud’hommes lui octroie donc 445 € au titre de l’indemnité légale de licenciement, 10.000 € pour licenciement abusif et également 10.000 € au titre du licenciement vexatoire.
Son employeur, un office public de l’habitat, fait appel de cette décision.
Le 4 février 2015, la cour d’appel de Lyon confirme le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La cour d’appel revoit toutefois le montant des sommes à verser à la salariée.
La cour d’appel l’a déboute de ses demandes d’indemnité de licenciement ainsi que de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire. Par ailleurs, le juge ne condamne l’office public de l’habitat de l’Ain qu’à la somme de 6.500 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour la cour d’appel, si le vol est caractérisé, la salariée s’étant emparée, au sein de l’entreprise, d’un parapluie qui ne lui appartenait pas et ne l’a jamais restitué, le licenciement, nonobstant sa faible ancienneté (13 mois au jour du licenciement), constitue une sanction disproportionnée à la faute commise.
Malgré la forte minoration des sommes allouées, l’employeur s’obstine dans sa démarche et décide de former un pourvoi en cassation.
Il plaide que le vol dans l’entreprise par un salarié au préjudice de collègues de travail constitue une faute grave ou, à tout le moins, une faute sérieuse justifiant le licenciement, alors même que l’objet soustrait serait de faible valeur, s’il est de nature à ruiner la confiance entre les salariés, et le bon fonctionnement de l’entreprise.
La Cour de cassation balaie les arguments de l’employeur et décide que le fait de s’emparer d’un parapluie, se trouvant sur le sol, en mauvais état, et inutilisable, ne constitue ni une faute grave ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur et le condamne à payer 3.000 € à la salariée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A contrario, le fait d’emprunter un parapluie en bon état et de ne pas le rendre pourrait justifier un licenciement, le vol étant caractérisé.
Tout ça pour ça !
Au final, la publicité faite autour de cette affaire a nui à l’image de l’office public de l’habitat de l’Ain mais est-ce bien là le problème ?
La salariée, face à cette décision de l’employeur dénuée de morale et de proportionnalité, a vu sa vie chamboulée par cette affaire !