La surcharge de travail permanente des personnels des cabinets d’avocats est quasi-proverbiale. Aussi l’empressement de certains négociateurs de branche à mettre en place un accord sur le temps partiel ne manque-t-il pas d’étonner. Certains syndicats dénoncent en réalité un accord révélateur des arrangements paritaires qui structurent la branche.
Un projet d’accord finalement destiné à l’encadrement
A l’origine, le projet d’accord sur le temps partiel a été mis sur la table des négociations paritaires durant l’été 2015. Les employeurs considéraient ce dossier comme étant primordial et ils ont voulu arriver à un accord portant sur l’ensemble des catégories de personnels. La CFTC et la CFE-CGC s’étaient montrées intéressées par la démarche du patronat, estimant que le développement du temps partiel était un bon moyen de favoriser les embauches. Elles avaient donc paraphé le texte proposé par les employeurs mais, étant donné qu’elles ne représentent pas 30 % des salariés de la branche, il n’était pas applicable en l’état. Entre la fin de l’été et le début de l’automne 2015, une renégociation de l’accord a ainsi dû avoir lieu.
Cette nouvelle discussion a surtout mobilisé les défenseurs du texte précédent : la CFTC et la CFE-CGC d’une part et les employeurs d’autre part. L’enjeu pour les uns et les autres était de proposer un avenant qui pourrait potentiellement être validé même s’il venait à n’être signé que par la CFTC et la CFE-CGC. C’est dans cet état d’esprit qu’ils ont rédigé un “avenant catégoriel sur le temps partiel des salarié-e-s relevant des régimes complémentaires de l’AGIRC”. Admettant le manque de légitimité du syndicat des cadres à s’engager sur un texte destiné à l’ensemble des salariés, ils ont fait le choix de se concentrer sur l’encadrement. Ils ont finalement signé le nouveau texte en décembre 2015.
Celui-ci dispose que la durée hebdomadaire de travail peut être ramenée à 17h50, voire à 10 heures pour les cabinets comptant trois salariés ou moins ou pour ceux ayant moins de cinq ans d’ancienneté. Ce temps partiel est annualisé, c’est-à-dire que les 17h50 ou les 10 heures hebdomadaires doivent correspondre à une durée moyenne de travail hebdomadaire sur l’année : pour les employeurs, cette solution présente l’avantage de la flexibilité. L’avenant prévoit une compensation salariale au temps partiel : les heures complémentaires qui sont réalisées dans la limite du dixième des heures prévues dans le contrat de travail sont majorées de 15%, et celles qui sont réalisées jusqu’au tiers des heures prévues sont majorées de 20%.
Un avenant sujet à de multiples cautions
Si la CFTC et la CFE-CGC ont promu les accords destinés à l’ensemble des salariés puis seulement à l’encadrement, il n’en a pas été de même pour les autres organisations syndicales. La CGT a vivement dénoncé les tentatives d’imposer une durée hebdomadaire du temps de travail inférieure à 24h, tandis que FO, la CFDT et même l’UNSA refusaient elles aussi ce principe. Le dossier a largement contribué à détériorer les relations sociales dans la branche et certains noms d’oiseaux ont pu fuser. Moquant les tentatives infructueuses des signataires à aboutir à un texte applicable, la CGT les a, par exemple, qualifiés de “pieds nickelés de la négociation”, n’ayant “aucune pudeur”. Ambiance, ambiance !
Sur le fond, les syndicats qui refusent de signer le texte mettent en avant trois arguments. D’abord, ils dénoncent le fait que les “compensations” salariales proposées aux salariés n’en sont pas en réalité, car elles sont soit très proches, soit inférieures, à celles prévues par la loi. Ensuite, ils n’acceptent pas l’annualisation du temps de travail, car elle pourrait conduire certains salariés à travailler de manière très irrégulière : à des semaines sans travail pourraient succéder des semaines de 40 heures. La CGT estime que la vie familiale des salariés serait “mise à l’index”. Enfin, le refus de l’avenant s’appuie sur l’idée qu’il y a suffisamment de travail pour occuper les salariés à temps partiel à 24h hebdomadaires.
Quoiqu’il en soit de la portée de ces arguments, une chose est sûre : il est loin d’être évident que l’accord de décembre puisse être étendu et donc applicable, dans la mesure où aucun arrêté de représentativité catégoriel n’a été signé dans la branche. Au total, parmi les syndicats non-signataires, certains en viennent à s’interroger sur les raisons qui conduisent la CFTC et la CFE-CGC à défendre à tout prix la signature d’un avenant sur le temps partiel, au risque de voir leur crédibilité tout à fait remise en question. Quelques esprits chagrins notent que l’alliance paritaire observée sur le dossier du temps partiel est trop proche de celle observée dans le cadre de la gouvernance de la CREPA pour qu’il n’y ait aucun lien entre elles…