Que faut-il attendre du comité de suivi de la généralisation de la complémentaire santé ?

Préconisée plus ou moins implicitement par le rapport Libault, la mise en place d’un comité de suivi de la généralisation de la complémentaire santé a eu lieu hier. Relevant de la direction de la sécurité sociale, ce comité aux apparences d’énième comité Théodule pourrait en réalité rapidement s’avérer important pour l’avenir des complémentaires santé. 

Le tout-Paris de la complémentaire santé

Le ministère des Affaires Sociales ne s’étend pas sur l’identité des participants au comité de suivi : il “associe les partenaires sociaux, les fédérations représentatives des organismes d’assurance complémentaire en matière de santé, ainsi que les services des ministères chargés des affaires sociales et du travail”. Contacté, le service de communication de l’Avenue Duquesne n’était pas en mesure, dans l’immédiat, de nous donner plus de précisions à ce sujet.  

L’Argus de l’Assurance avance pour sa part qu’à l’occasion de la première réunion du comité, étaient présents autour de la table plusieurs services de l’Etat : la DSS, notamment représentée par son directeur, Thomas Fatome, la DGT et la DREES, ainsi que les organisations patronales hors agriculture : Medef, CGPME, UPA et Unapl, les principaux syndicats de salariés : CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC et Unsa, et enfin les organisations représentant le secteur de l’assurance : FFSA, FNMF, CTIP. 

En somme, le comité de suivi réunit tout ce que le monde de la complémentaire santé compte d’acteurs importants. 

Des intérêts très contradictoires

Ceci signifie pourtant également qu’il réunit des intérêts très contradictoires, voire inconciliables. C’est d’ailleurs ce dont témoigne l’objectif étroit que se fixe le comité de suivi : “Il permettra de procéder à l’analyse des données statistiques disponibles en matière de complémentaire santé et d’évaluer l’impact des réformes récentes.” Cette mission d’information est le plus petit commun dénominateur à l’ensemble des membres du comité. 

Se situant dans la droite lignée du “rapport présenté par M. Dominique Libault”, les services de l’Etat, en particulier la DSS, sont favorables, sinon à un retour des clauses de désignation, du moins à un renforcement de l’encadrement de la concurrence qui régit depuis peu le marché de la protection sociale complémentaire. De ce point de vue, les syndicats de salariés sont globalement d’accord avec la DSS, même s’ils revendiquent plus clairement un retour des désignations. 

Inutile de disserter longuement sur le fait que, face à eux, la FFSA entend défendre bec et ongles les bienfaits de la concurrence en matière de complémentaire santé. 

Plus gênés aux entournures – gageons que le ministère les fera siéger au plus près des représentants des salariés… – la FNMF et le CTIP ne devraient rien faire pour que le comité de suivi s’écarte de sa feuille de route. Cette attitude pourrait bien être également celle des organisations patronales. Tiraillées en interne, elles préfèrent le maintien du statu quo actuel, c’est-à-dire de la concurrence assortie de possibles recommandations et actions de solidarité.  

De telles lignes de fracture entre les participants du comité ne risquent-elle pas de le paralyser et de le transformer en un nouveau comité Théodule ? 

Une première réunion de consensus

A cet égard, force est de reconnaître que le déroulement de sa première réunion est loin de dissiper tous les doutes. Un temps a d’abord été consacré à l’auto-célébration des participants, lorsqu’il s’est agi de se féliciter du “dynamisme de la négociation de branche, puisqu’environ 60 accords de branche instaurant une couverture de frais de santé ont été présentés à l’extension entre la publication de la loi de sécurisation de l’emploi et la fin de l’année 2015.” 

Ensuite, des discussions plus juridiques ont eu lieu. “Il est rappelé que les salariés relèvent d’une couverture santé directement mise en place par leur entreprise si celle-ci n’a pas été prévue par un accord de branche.” Un rappel qui a dû faire sensation dans l’assistance. “Les dernières évolutions du droit applicable en matière de complémentaire santé des salariés” ont également été présentées : les esprits chagrins auront noté qu’une telle présentation aurait peut-être été plus utile avant le 1er janvier 2016. 

Enfin, le comité a pensé à “accompagner” les employeurs et les salariés dans leurs démarches. En particulier, “un formulaire type sera prochainement mis à la disposition des entreprises pour simplifier la gestion des dispenses d’affiliation de leurs salariés”. Pour un comité censé suivre la généralisation de la complémentaire santé, l’initiative laisse quelque peu perplexe. 

Tout le monde l’aura donc compris : la nouvelle commission cherche encore ses marques, tout en sachant que certains participants espèrent qu’elle ne les trouvera pas rapidement… 

Quel avenir pour le comité de suivi ?

Malgré ses handicaps, le comité de suivi pourrait rapidement faire partie des espaces où se joue l’avenir de la complémentaire santé. D’une part, il devrait fournir un point d’observation particulièrement intéressant des oppositions et du rapport de force entre les tenants de la libre concurrence et ceux de la désignation. Les responsables publics et privés en charge du dossier de la protection sociale complémentaire seront attentifs à l’atmopshère qui règne dans ce comité. 

D’autre part, la meilleure connaissance qu’il permettra du domaine de la complémentaire santé constituera rapidement une expertise sur laquelle se fonderont les pouvoirs publics lorsqu’il sera question d’en faire évoluer l’environnement juridique. Légitime car constituée dans la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, cette expertise contribuera en outre à dépolitiser le débat sur la protection sociale complémentaire. Les travaux du comité de suivi ont ainsi toutes les chances de fournir aux pouvoirs publics de précieux outils qui les aideront à renforcer toujours plus le contrôle qu’ils exercent sur les complémentaires santé. 

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