Le juge européen vient de donner des précisions cruciales sur le licenciement collectif. L’employeur devra verrouiller ses décisions prises unilatéralement avant de les dévoiler.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient d’assimiler certaines décisions unilatérales de l’employeur à un licenciement collectif. Si plusieurs conditions sont à réunir, nul doute que cette pensée donnera des sueurs froides aux chefs d’entreprises.
Un licenciement collectif caché flairé par le juge polonais
Dans l’affaire polonaise examinée par le juge, un hôpital annonce à ses salariés que les modalités de leur rémunération sont unilatéralement modifiées à la baisse. Le refus, par les salariés, de cette modification entrainerait inéluctablement la fin de leur contrat de travail.
Si plusieurs salariés refusent cette mesure, leurs départs pourraient s’assimiler à un licenciement collectif déguisé.
La juridiction polonaise demande donc au juge européen si, pour réduire unilatéralement les conditions de rémunération des salariés, une entreprise est obligée de respecter la procédure de consultation liée au licenciement collectif (voir ci-dessous) même si le droit national ne prévoit rien de particulier. En d’autres termes, la question est de savoir si les salariés doivent être consultés par l’employeur alors même que cette consultation n’est prévue qu’en cas de licenciement collectif.
“Directive 98/59, article 2 :
Lorsqu’un employeur envisage d’effectuer des licenciements collectifs, il est tenu de procéder, en temps utile, à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord.
Les consultations portent au moins sur les possibilités d’éviter ou de réduire les licenciements collectifs ainsi que sur les possibilités d’en atténuer les conséquences par le recours à des mesures sociales d’accompagnement visant notamment l’aide au reclassement ou à la reconversion des travailleurs licenciés. […]“
La procédure de licenciement collectif s’applique hors du licenciement collectif
La solution de la CJUE est sans équivoque. Si une entreprise décide de modifier unilatéralement les conditions de rémunérations de ses salariés, dont le refus entraine leur départ, alors elle doit respecter la procédure de consultation normalement prévue en cas de licenciement collectif.
C’est-à-dire que même si l’entreprise n’est pas officiellement en licenciement collectif, elle doit en respecter la procédure !
La CJUE retient plusieurs critères que l’employeur doit avoir à l’esprit pour ne pas être pris en défaut.
D’abord, la modification unilatérale décidée par l’employeur doit entrainer la rupture du contrat de travail si elle est refusée par les salariés.
Ensuite, les conditions relatives à la caractérisation du licenciement collectif prévues par l’article 1er, paragraphe 1 de la directive 98/59/CE doivent être remplies. Il s’agit de seuils de personnes licenciées selon la taille de l’établissement et une période donnée.
Les chefs d’entreprises sont prévenus ! S’ils décident de prendre unilatéralement une décision qui pourrait aboutir, en cas de refus par les salariés, à de nombreux départs, la consultation du personnel prévue par la procédure de licenciement collectif doit s’appliquer.
Pour aller plus loin, retrouvez l’arrêt de la CJUE.