Au sein de la société de presse la Vie Ouvrière, la société de presse de la CGT, la nature des relations sociales n’est pas exactement celle à laquelle on pourrait s’attendre dans le cas d’une structure liée à une organisation syndicale.
Sur fond de difficultés économiques structurelles, le syndicat CGT de la Vie Ouvrière dénonce les multiples atteintes aux droits des travailleurs dont la direction se rendrait coupable.
Les difficultés économiques de la société de presse de la CGT
La société de presse de la CGT édite plusieurs titres : le mensuel Ensemble !, le trimestriel la Vie Ouvrière – venu remplacé, courant 2022, l’ancien mensuel NVO – diverses publications juridiques, ainsi que le site web nvo.fr. La société la Vie Ouvrière héberge par ailleurs la régie publicitaire Comédiance et fournit diverses prestations payantes aux organisations de la CGT. Ce modèle de société de presse relativement complet, mis en œuvre entre 2021 et 2022 à la suite de décisions prises par les instances confédérales de la CGT en 2021, est censé assurer son équilibre économique.
Hélas, comme l’explique le syndicat CGT de la Vie Ouvrière, cette refonte n’a pas tiré la société de ses difficultés économiques structurelles. “Depuis une quinzaine d’années, la situation financière de l’entreprise de presse de la CGT est structurellement dégradée : baisse des abonnements et des recettes publicitaires, coûts du journal délégué (la Vie Ouvrière-Ensemble) supérieurs aux fonds alloués afin de le réaliser” explique le syndicat. De fait, l’équilibre financier de la société de presse de la CGT ne tient qu’à la subvention que la confédération lui verse – subvention qui est passée de 850 000 euros entre 2018 et 2020 à 1 100 000 euros en 2021. Ainsi, chaque année, “une lettre de soutien financier est exigée de la confédération, par le commissaire aux comptes, pour éviter à ce dernier de déclencher un droit d’alerte, en vue d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire de l’entreprise” déplore le syndicat.
Une main d’œuvre gérée à la dure
Afin de rendre compte de cette situation économique et financière dégradée de la Vie Ouvrière, son syndicat CGT invoque notamment la gestion inadaptée de la main d’œuvre qui y aurait cours. La société de presse produirait et vendrait insuffisamment parce que ses effectifs sont clairement orientés à la baisse, ayant fondu de 52 salariés en 2018 à 35 en 2021. “La refonte des publications semble avoir pour seul but de réduire les effectifs. Depuis presque deux ans, nous n’avons plus de rédacteur en chef adjoint, ni de chargé de communication, ni de webmaster, ni d’animatrice web au service juridique, ni de rédacteur en chef dédié au trimestriel (depuis novembre 2022)” dénonce par exemple la CGT de la Vie Ouvrière. Elle pointe en outre du doigt l’absence “de service commercial depuis quinze ans” ou “de responsable RH depuis deux ans”.
Déjà mis sous tension par cette dynamique négative de l’emploi au sein de leur société de presse, les salariés de la Vie Ouvrière devraient en outre composer avec des conditions de travail que l’on rapporterait plus instinctivement à une entreprise appliquant un capitalisme débridé qu’à une structure liée à la CGT : “report du travail des partants sur les salariés restants engendre un rythme quotidien sans précédent compte tenu de l’augmentation de la charge de travail – de nombreuses alertes de salariés en ce sens nécessitant l’intervention du CSE”, “droits acquis (RTT, CP…) que les salariés peinent à poser”, “baisse sensible du traitement qualitatif des tâches au profit du quantitatif, ce qui entraîne une perte de sens du travail”, en particulier. Résultat : les arrêts de travail de longue durée et départs de salariés se multiplient au sein de la Vie Ouvrière.
Des relations sociales fort dégradées
Selon le syndicat CGT de la Vie Ouvrière, si cette situation problématique peut perdurer depuis si longtemps, c’est notamment parce que les relations sociales internes à la société ne sont pas bonnes. La voix des salariés ne serait pas du tout écoutée, pas plus que celle de leur syndicat CGT. Ce dernier rappelle ainsi qu’en décembre 2021, la direction a recouru à un huissier afin d’obtenir de la secrétaire du CSE “l’annulation en justice de la désignation d’un expert en vue de réaliser un droit d’alerte économique” et qu’en avril 2022, la même direction a contesté en justice “la déléguée syndicale désignée par l’UL de Montreuil”. Plus généralement, le dialogue social serait au point mort au sein de la société. “Le PDG utilise, avec un art consommé, toute la panoplie des recettes patronales pour entraver le dialogue social” tonne le syndicat.
Le PDG, justement, puisque c’est son titre officiel, il s’agit de Jacques Eliez. Depuis le printemps 2021, c’est en effet lui, l’ancien syndicaliste de la RATP, qui est le grand patron de la Nouvelle Société anonyme la Vie Ouvrière. Sa “gouvernance” du groupe serait quelque peu “défaillante” estime le syndicat CGT de la société de presse : à la tête d’un conseil d’administration ne disposant pas des moyens humains pour exercer pleinement ses prérogatives politiques, il règnerait en outre en maître sur le “Codir de cinq membres censé épauler le PDG” mais qui fonctionnerait en réalité comme “un cercle de chefs de service sans prérogatives”. Ce mode de gouvernance, s’il devait effectivement correspondre à celui en vigueur au sein de la Vie Ouvrière, ne serait, certes, guère surprenant, rappelant par exemple celui mis en œuvre par Philippe Martinez à la confédération.
Espérons pour les salariés de la société de presse de la CGT que les changements qui doivent prochainement intervenir à la tête de l’organisation contribueront à leur permettre de travailler dans des conditions matérielles et morales plus sereines.