Quand Intériale et la MFP lavent leur linge sale sur la place publique

L’affaire fait beaucoup parler dans le monde de l’assurance depuis le début de la semaine : lundi dernier, Intériale, la mutuelle de référence du ministère de l’Intérieur et de la fonction publique territoriale, a démissionné avec fracas de la Mutualité Fonction Publique (MFP). En retour, la MFP dit tout le mal qu’elle pense de son ex-alliée. Tripalio fait le point sur ce divorce bruyant. 

Une mésentente durable

Les désaccords entre Pascal Beaubat, le président d’Intériale (environ 1 million d’assurés), et Serge Bichet, le président de la MFP (environ 4 millions d’assurés en complémentaire), ne datent pas d’hier. Ils s’accumulent depuis l’an dernier, lorsque la mutuelle de l’Intérieur a décidé de nouer un partenariat stratégique avec Axa. Si M. Beaubat a jugé que cette alliance allait permettre à Intériale d’accélérer sa mutation et de faire face à l’ouverture à la concurrence de la protection sociale des fonctionnaires, les dirigeants de la MFP avaient, eux, estimé qu’elle était contre-nature. Les récents soupçons d’optimisation fiscale dont Intériale a pu faire l’objet à l’occasion de la publication des Panama Papers n’ont fait que conforter les dirigeants de la MFP dans leurs mauvaises impressions. 

Dans ce contexte de défiance chronique, l’attitude adoptée par Intériale à l’occasion des campagnes de référencement protection sociale des différents ministères a précipité sa rupture avec la MFP. Ayant fait le choix de se positionner sur l’ensemble des appels d’offres, Intériale s’est trouvée être en concurrence avec les mutuelles de référence des différents ministères – mutuelles par ailleurs membres de la MFP. Elle a ainsi été référencée dans certains ministères éloignés de sa cible historique, comme l’Education Nationale, la Défense et la Justice – dans ce dernier cas, elle a même évincé la mutuelle historique du ministère. Au sein de la MFP, cette concurrence entre membres est très mal passé et Serge Bichet avait fini par saisir le comité d’éthique de l’union.  

Intériale plie bagage

Alors que ce dernier devait annoncer sa décision lors du conseil d’administration du lundi 11 décembre, Pascal Beaubat a finalement fait le choix de ne pas prendre connaissance de cette décision – qui était, en l’occurrence, une non-exclusion. Dans un communiqué de presse pour le moins offensif, Intériale a en effet fait savoir dès lundi qu’elle quittait la MFP. Critiquant la “diabolisation ridicule” et les “mensonges récurrents” dont Intériale serait victime de la part de la MFP, M. Beaubat a jugé inacceptable le fait que le comité d’éthique ait été amené à statuer sur le cas de la mutuelle qu’il préside sans l’avoir entendu. Il dénonce une procédure “en contradiction avec une analyse contradictoire des faits et la prise en compte du mécanisme démocratique d’une mutuelle”. 

Au-delà de ce malheureux épisode statutaire, le président d’Intériale en vient à des considérations plus politiques. Il déplore la tendance des dirigeants de la MFP à critiquer systématiquement les orientations de l’administration en matière de protection sociale des agents. “Le rôle politique d’une mutuelle de la fonction publique n’est pas de dresser l’employeur contre ses agents et leurs représentants, mais bien au contraire de comprendre les besoins, de répondre aux attentes des uns et des autres, et de faire avancer la protection sociale de tous dans le travail et le dialogue” affirme-t-il en effet. Pour M. Beaubat, la protection sociale des fonctionnaires passe plutôt par l’invention d’une “voie […] moins conventionnelle et conservatrice” que celle prônée par la MFP. 

L’enjeu de la concurrence

Car le noeud du problème est bien là : Intériale et la MFP s’opposent sur l’évolution de la prise en charge de la protection sociale complémentaires des agents du secteur public. Misant sur le fait que, sur le modèle de ce qui prévaut désormais pour les salariés du privé, la mise en concurrence des opérateurs devrait être de plus en plus poussée, M. Beaubat a pris le partie de prendre pleinement part à la compétition et de transformer sa mutuelle en un acteur compétitif sur le marché. Face à cela, Serge Bichet paraît pour sa part défendre le modèle traditionnel de la protection sociale des fonctionnaires, où les mutuelles historiques des différents ministères s’érigent non pas en acteurs de marché mais en institutions solidaires. 

Après la rupture entre Intériale et la MFP, le combat entre les deux options est clairement engagé. Les multiples référencements dont a bénéficié Intériale indiquent que les responsables politico-administratifs de l’Etat ont fait leur choix, appuyant la stratégie de M. Beaubat. Encore faut-il savoir si les fonctionnaires vont vraiment suivre l’avis de leurs employeurs… Quoi qu’il en soit, les dirigeants de la MFP vont difficilement pouvoir faire l’économie d’une explicitation de la stratégie qu’ils entendent mettre en oeuvre dans une configuration d’ouverture à la concurrence de la protection sociale complémentaire des agents de l’Etat.  

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