Publication de l’ordonnance sur la désignation des conseillers prud’hommes

Cet article a été intialement publié sur le site du syndicat : CFDT

 

C’est le 1er avril dernier que l’ordonnance relative à la désignation des conseillers prud’hommes a été publiée au journal officiel. Et contrairement à ce que la date choisie pourrait, de prime abord, laisser à penser, il ne s’agit nullement là d’un canular mais, plus exactement, de l’aboutissement d’un long processus d’élaboration, dont vous avez pu suivre, une année durant, les différentes étapes sur notre site. Ordonnance n° 2016-388 du 31.03.16 

Hormis quelques évolutions de pure forme, l’ordonnance n° 2016-388 relative à la désignation des conseillers prud’hommes qui vient tout juste d’être publiée, reste très fidèle au projet qui, le 16 janvier dernier, avait été présenté au conseil supérieur de la prud’homie. Aussi y retrouvons-nous nombre d’aspects positifs qui avaient alors conduits la CFDT à l’assortir d’un avis favorable, mais aussi, certains points plus contestables que le gouvernement a, malgré nos remarques, décidé de maintenir. 

Nous centrerons notre commentaire sur les aspects les plus remarquables du nouveau système de désignation avant de nous projeter dans un avenir (somme toute assez immédiat) afin de cibler, le plus précisément possible, ce qui reste encore à construire pour que ce système puisse être considéré comme opérationnel. 

  • Le recours à une audience syndicale « départementale »

La CFDT a toujours plaidé pour que l’audience syndicale soit appréciée au plus près des conseils de prud’hommes. Aussi, nous réjouissons-nous de constater que c’est finalement le niveau départemental qui a été retenu, tant pour les élections aux IRP que pour le scrutin destiné aux salariés évoluant au sein des TPE. À l’évidence, il eut, en effet, été difficile d’accéder à une plus fine déclinaison. 

Mais nous regrettons tout de même que le problème du décalage qui est susceptible de se faire jour entre le lieu du vote et celui de la mise en place de l’institution représentative n’ait pu, quant à lui, être résolu. 

Un exemple pour mieux comprendre la problématique : 

Dans une entreprise donnée, un comité d’entreprise est mis en place au niveau de son siège qui, géographiquement, se situe à Nanterre. Des salariés de cette entreprise exercent au sein d’un de ses établissements qui est, quant à lui, situé à Toulouse. Lors des élections au comité d’entreprise, les votes exprimés par les salariés toulousains seront donc pris en compte pour apprécier l’audience syndicale dans les conseils de prud’hommes des Hauts-de-Seine et non dans ceux de la Haute-Garonne ! 

Un tel décalage entre le lieu d’émission du vote et celui de sa prise en compte est clairement susceptible de générer de bien malencontreuses imprécisions. Et c’est précisément ce qui nous avait conduits à demander, lors du conseil supérieur de la prud’homie de janvier dernier, à ce qu’une telle difficulté soit levée via un rattachement des votes au niveau des lieux où ils se sont effectivement exprimés. 

Sur ce point, nous n’avons pas (encore) réussi à nous faire entendre. Mais nous n’en démordons pas et nous continuerons donc à agir pour que, lors du renouvellement de 2021, une solution de ce type puisse être, enfin, adoptée. 

Le système de désignation que l’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 met en place reste donc perfectible et nous ne manquerons pas, dans les mois et les années qui viennent, à tout mettre en œuvre pour continuer à l’améliorer. 

  • Le recours aux IDCC pour rattacher les votes des salariés aux sections prud’homales (autres que celle de l’encadrement)

L’ordonnance n° 2016-388 fait de la référence aux codes IDCC (identifiant des conventions collectives) la clef de répartition des affaires entre les différents sections et donc, par ricochet, celle des votes exprimés par les salariés dans les entreprises vers ces mêmes sections (à la notable exception de celle de l’encadrement). Lors des groupes de travail qui se échelonnés tout au long de l’année 2015, nous avions clairement approuvé la perspective d’une telle évolution. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la voir, aujourd’hui, se concrétiser dans la version définitive du texte. 

Nous craignons cependant toujours que la DGT ne décide d’orienter automatiquement les voies des salariés travaillant dans des entreprises non rattachées à une convention de branche (et qui sont codifiées 9999 dans la table IDCC) vers la section « activités diverses ». Or, nous avons toujours plaidé pour que, dans ce type de cas de figure, il puisse être recouru, par défaut, à la notion d’ « activité principale de l’entreprise ». L’idée étant d’éviter que ne se trouve pris en compte, pour l’attribution de sièges dans la section « activités diverses », des voix qui, potentiellement, n’ont rien à y faire ! L’ordonnance ne tranche certes pas la question puisqu’elle renvoie, en la matière, à un tableau de correspondance qui sera publié ultérieurement par le biais d’un décret mais nous savons aussi que la direction générale du travail a toujours semblé peu encline à retenir la solution que nous préconisons. 

Il faudra, quoiqu’il en soit, attendre la publication des décrets pour connaître avec précision la correspondance exacte des codes IDDC avec les différentes sections et pour savoir si la section encadrement est destinée à se voir orienter les votes des salariés des deuxièmeset troisièmescollèges ou bien seulement ceux des troisièmes collèges. 

  • Les conditions pour être candidat

En sus des conditions de candidature déjà existantes (âge minimum de 21 ans, nationalité française et pleine possession des droits civiques), l’ordonnance en introduit deux nouvelles que le passage de l’élection à la désignation rendait constitutionnellement indispensables : 

– Une condition de capacité qui se matérialise concrètement par la nécessité, pour le candidat, de justifier d’ « une activité professionnelle de deux ans » ou « d’un mandat prud’homal » dans les dix dernières années. 

– Une condition de moralité qui se matérialise concrètement par la nécessité, pour le candidat, « de pas avoir au bulletin n° 2 du casier judiciaire de mentions incompatibles avec l’exercice des fonctions prud’homales ». 

Ces deux conditions nouvelles, telles qu’elles ont été reprises par l’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016, nous vont parfaitement bien. Ce qui ne nous empêchera pas, s’agissant de la seconde, de nous montrer attentifs à la façon dont les premiers présidents de cour d’appel seront amenés à user de leur pourvoir d’appréciation : 

– En amont, en pesant, lors de l’élaboration à venir de la circulaire d’application relative au nouveau système désignatif, pour que des repères et des indications précises y figurent ; 

-En aval, en accompagnant, autant que de besoin, les contentieux qui pourraient se faire jour. 

  • La parité femmes / hommes des listes de candidats

L’option retenue par l’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 d’une composition nécessairement alternative d’un candidat femme et d’un candidat homme des listes constituées au niveau de chaque conseil de prud’homme nous semble être la bonne, dans le sens où elle allie volontarisme et pragmatisme. 

Volontarisme car, désormais, une stricte parité est aujourd’hui incontournable (puisqu’elle est, en elle-même, une condition de recevabilité de la liste). 

Mais aussi pragmatisme car, dans le même temps, une section davantage féminisée a toujours la possibilité de « rééquilibrer » une section qui l’est moins. 

  • Le temps alloué aux mandataires de liste pour l’exercice de leur mission

A l’instar de son projet, l’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 met sur pied, dans un seul et même article, deux types de dispositions : 

– L’une qui précise que l’employeur doit laisser « aux salariés de son entreprise désignés dans le cadre du renouvellement prud’homal, en tant que mandataire de listes le temps nécessaire pour remplir leurs fonctions »

– L’autre qui précise que « les délégués syndicaux appelés à exercer ces fonctions sont autorisés à utiliser à cet effet le crédit d’heures dont ils disposent au titre de leur mandat »

Nous avions regretté, lors du conseil supérieur de la prud’homie du 16 janvier, que le projet de texte habilite les délégués syndicaux à user de leurs heures de délégation pour jouer le rôle de mandataire de liste alors que, dans un premier temps, il précise que le fait d’être mandataire de liste permet de bénéficier, avec maintien de rémunération, « du temps nécessaire pour remplir » la fonction. 

Nos observations sur ce point sont malheureusement restées sans effet et le texte final demeure porteur de cette bien dommageable contradiction. 

  • L’ordonnance est publiée, et après ?

Bien que l’ordonnance n° 2016-388 ait été publiée le 31 mars 2016, force est de constater qu’à ce jour, le système de désignation des conseillers prud’hommes n’est pas encore opérationnel. 

Nombre de décrets doivent désormais être pris et il est bien clair que, pour leur élaboration, nous comptons bien jouer un rôle aussi actif que pour celle de l’ordonnance. Car, comme nous le savons, nombre de sujets d’importance y seront abordés (dont, notamment, celui de l’orientation ou de la non-orientation des voix des salariés des deuxièmes collèges vers la section de l’encadrement ou bien encore celui des conditions matérielles de dépôt des listes de candidature par les mandataires de liste). 

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