Cet article a été initialement publié par la CFDT.
Dans une décision récente, la cour d’appel administrative de Paris précise l’étendue du contrôle exercé par la Direccte, lorsqu’un accord majoritaire de PSE a été conclu. Par ailleurs, reprenant à son compte les formulations du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, la juridiction administrative réaffirme qu’il n’appartient ni au Direccte, ni au juge de contrôler les choix économiques de l’employeur. CAA de Paris, 02.03.15, n°14PA04872.
- Les faits, la procédure et les prétentions
Un salarié, employé par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), est licencié pour motif économique dans le cadre d’un licenciement collectif avec plan de sauvegarde de l’emploi à la suite de la rupture du contrat liant la SACD à la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM).
Ce salarié, qui estime son licenciement injustifié, a décidé de saisir le juge administratif afin de contester la validation du PSE par la Direccte au regard de deux éléments.
Il conteste tout d’abord le contrôle opéré par l’administration sur le contenu du PSE, lequel avait fait l’objet d’un accord majoritaire.
Ensuite, il prétend que la validation par l’administration de la procédure,alors que celle-ci ne reposait pas sur une nécessité économique, est mal fondée. A ce titre, le salarié invoque pas moins que le droit à un recours effectif, garanti à la fois par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 47 de la Charte européenne des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Débouté en première instance, il interjette appel. Deux questions se posaient donc aux juges : les contours du contrôle du contenu du PSE en cas d’accord majoritaire, d’une part, et, d’autre part, la vérification par la Direccte d’un motif économique justifiant l’engagement de la procédure.
- Le contrôle exercé sur le contenu du PSE en cas d’accord majoritaire
Quel est le contrôle exercé sur le contenu PSE en cas d’accord majoritaire? C’est à cette première question que durent d’abord répondre les juges d’appel.
Se fondant sur la distinction opérée par la loi de sécurisation de l’emploi (1), à l’instar de l’ANI éponyme, entre homologation du document unilatéral, d’une part, et validation de l’accord collectif, d’autre part, la cour d’appel administrative de Paris confirme que le contrôle opéré dans ces deux cas n’est pas le même, puisque « le législateur a entendu donner à l’accord résultant de la négociation et du dialogue social au sein de l’entreprise concernée une valeur particulière ».
Les juges sont ainsi conduits à préciser les contours du contrôle de l’accord collectif qui doit donc se limiter « à celui de la validité de signature de l’accord, de la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise (…) au regard de l’objectif d’évitement ou de limitation du nombre des licenciements qu’il poursuit ».
A ce titre, la Direccte doit notamment vérifier que le PSE contient bien un plan de reclassement, ainsi que d’autres mesures en vue d’éviter le licenciement ou de permettre le reclassement externe, et qu’il ne déroge pas aux dispositions d’ordre public social, telles que l’obligation de reclassement, d’adaptation et l’effort de formation ainsi que l’obligation de proposer un contrat de sécurisation professionnelle ou un congé de reclassement.
De façon relativement solennelle, les juges affirment que, pour le reste, il n’appartient pas à la Direccte de « s’immiscer dans les choix faits par les signataires de l’accord ». Une solution qui convient bien à la CFDT, qui a souhaité en effet lors de la signature de l’ANI que la négociation du PSE soit encouragée. Il est donc normal que, sans évacuer tout regard du juge sur l’accord, l’appréciation de celui-ci soit cantonnée au respect d’éléments légaux déterminés.
La formulation choisie par les juges n’est pas sans évoquer celle, consacrée par le Conseil constitutionnel en 2002 (2) pour interdire aux juges de s’immiscer dans les choix de gestion de l’employeur, ce dont il était d’ailleurs également question ici.
- Pas de regard sur les choix économiques de l’employeur
A l’occasion du contrôle de la régularité de la procédure, l’administration doit-elle/peut-elle vérifier l’existence de difficultés économiques ou de menaces sur la compétitivité justifiant la réorganisation ?
Lensalarié prétendait que le contrôle limité (au contenu du PSE et à la procédure devant les IRP) méconnaissait un droit reconnu par les textes européens : le droit à un recours effectif. Selon lui, le fait que les juges statuant sur la procédure et le PSE ne vérifient pas la nécessité économique (difficultés, menaces sur la compétitivité…) de celle-ci violerait son droit à un recours effectif.
Pourtant, les juges d’appel balayent l’argument d’un revers, se ressaisissant d’une formule bien connue: le juge « ne saurait pas plus que l’autorité administrative porter une appréciation sur les choix économiques qui ont conduit l’employeur à engager une procédure de licenciement collectif pour motif économique ». Formulation devenue célèbre, puisqu’elle fut initiée par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation et reprise par le Conseil constitutionnel en 2002 (3) pour censurer la loi de modernisation sociale, qui restreignait les justifications économiques admissibles.
Au-delà de la formule, la juridiction administrative reprend aussi la position adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt Vivéo (4) : le contrôle de la procédure de licenciement collectif n’est pas l’occasion de vérifier la cause économique. Ce contrôle de l’existence et du bien-fondé du motif économique (qui ne saurait aller jusqu’à celui des choix de gestion…) se déroule devant le conseil des prud’hommes, si toutefois il est saisi.
Le droit au recours effectif n’est donc aucunement violé. Et même si l’on peut déplorer que le contrôle de la procédure ne soit pas aussi le moment de la vérification minimum de l’existence (si ce n’est du sérieux et encore moins des choix de l’employeur) d’une cause économique présidant à son engagement, force est de constater que la loi ne le prévoit toujours pas.
(1) Loi n°2013-504 du 14 juin 2013.
(2) Conseil constitutionnel 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale.
(3) Avant d’être érigée au rang constitutionnel dans la décision de 2002, la formule a été employée dans l’arrêt SAT, A. P. 8 décembre 2000.
(4) Cass.soc.3 mai 2012, Vivéo.