Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Dans un arrêt publié, la Cour de cassation précise le point de départ du délai de pourvoi en cassation depuis la réforme prud’homale. L’arrêt de la cour d’appel doit obligatoirement être signifié aux parties par acte d’huissier pour faire courir le délai. A défaut , le délai ne commence pas à courir et le recours en cassation reste possible. Cass.soc.20.03.19, n°18-12.582.
Quel est aujourd’hui l’impact de la réforme de la procédure d’appel sur le point de départ du délai de pourvoi en cassation ? En répondant à cette question, la Haute Cour précise pour la première fois depuis la réforme la nouvelle procédure prud’homale en appel.
- Réforme prud’homale : une procédure écrite en appel
Avec la réforme de la procédure prud’homale et plus précisément le décret d’application n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, la procédure d’appel a été grandement modifiée.
Le décret de 2016 prévoit notamment le passage d’une procédure orale sans représentation obligatoire à une procédure écrite avec représentation obligatoire. Ce qui complexifie nettement les formalités à accomplir pour le défenseur syndical. En effet, de nombreuses règles procédurales issues du Code de procédure civile sont désormais applicables.
Concernant la notification de l’arrêt d’appel, une incertitude existait. Jusqu’ici, il suffisait que l’arrêt de la cour d’appel soit simplement notifié aux parties par le greffe en LRAR pour faire courir le délai du pourvoi en cassation. Pour la Cour de cassation, aucun doute, cette notification n’est plus suffisante !
Dans le cadre d’une procédure prud’homale, le pourvoi en cassation peut être formé par les parties dans les deux mois à compter de la notification de l’arrêt de la cour d’appel.
- Faits, procédure
En l’espèce, un salarié décide de recourir à la juridiction prud’homale afin de contraindre son employeur à lui verser diverses sommes. Débouté en appel, le salarié décide de se pourvoir en cassation et demande l’aide juridictionnelle plus de 2 mois après la notification.
Le président du bureau d’aide juridictionnelle refuse sa demande au motif que le délai pour se pourvoir en cassation a expiré. Le salarié décide néanmoins de former un pourvoi en cassation au motif que la notification de la décision de la cour d’appel ne lui a pas été signifiée par acte d’huissier, mais uniquement adressée par le greffe en LRAR. Pour lui, le délai pour former un pourvoi en cassation courrait donc toujours.
La recevabilité du pourvoi s’est alors posée à la Cour de cassation.
- La notification par signification obligatoire pour faire courir le délai …
Pour les procédures écrites avec représentation obligatoire, la Cour de cassation rappelle que les décisions doivent être signifiées à moins que la loi n’en dispose autrement (1) . À défaut de signification, les délais ne courent pas.
Que prévoit donc la loi en la matière ? Initialement, le décret n°82-1073 du 21 décembre 1982 prévoyait que les décisions du CPH et les arrêts de la cour d’appel devaient être notifiés par le greffe aux parties.
Lors de la recodification du Code en 2008, qui devait se faire à droit constant, le nouvel article R.1454-26 a été rédigé de manière ambiguë. L’article disposait que « les décisions du CPH sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil ou de la cour d’appel au lieu de leur domicile ». Il ne faisait donc plus expressément référence qu’aux seuls jugements prudhommaux (et non plus aux arrêts de la cour d’appel). Toutefois, en pratique, il était admis que le délai du pourvoi en cassation courait si l’arrêt d’appel était notifié simplement par le greffe aux parties en LRAR.
Avec la réforme de la procédure prud’homale et le décret de 2016, l’article R.1454-26 a une fois encore été modifié. Il ne fait dorénavant plus aucune référence à la cour d‘appel : « les décisions du CPH sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile ».
Pour la Cour de cassation, le doute n’est donc pas permis : « si l’article R.1454-26, en sa rédaction applicable en l’espèce, résultant du décret n°2016-660 du 20 mai 2016, prévoit que les décisions du CPH sont notifiées aux parties par le greffe de ce conseil au lieu de leur domicile, ce texte n’en dispose pas de même pour les arrêts des cours d’appels statuant en matière prud’homale ».
En d’autres termes, l’article du Code du travail ne vise plus que les jugements prud’homaux et ne s’applique pas aux arrêts rendus par les cours d’appel. La loi permet donc une notification autre que la signification uniquement pour les jugements prud’homaux. Aussi, dès lors qu’il s’agit d’une décision prud’homale, celle-ci peut être simplement notifiée aux parties par le greffe (et cette notification fait courir le délai pour faire appel). Il en est en revanche autrement lorsqu’il s’agit d’une décision de la cour d’appel. Dans ce cas, la décision doit être signifiée par acte d’huissier aux parties et la notification par LRAR ne suffit pas.
Dans cette affaire, le délai pour se pourvoir en cassation n’avait donc pas commencé à courir. Le salarié était donc recevable à former un pourvoi en cassation, peu importe que celui-ci intervienne un an après la notification de l’arrêt d’appel par le greffe en LRAR.
- … et permettre l’exécution forcée de la décision
Il ne faut pas oublier que la notification de la décision ne fait pas seulement courir le délai de recours en cassation. Elle permet aussi à la partie « gagnante » de demander l’exécution forcée de la décision. Pour cela, il faudra également que la décision soit signifiée aux parties par acte d’huissier pour agir. Aussi, la partie qui notifie l’arrêt par LRAR sachant que les parties renoncent à former un pourvoi en cassation ne pourra pas faire appliquer la décision d’appel, il devra en amont notifier par acte d’huissier cette décision aux parties.
- Vigilance pour les défenseurs syndicaux
Le défenseur syndical pour qui la procédure d’appel est devenue très complexe doit donc faire preuve de vigilance quant à la notification de la décision.
Si la décision rendue au fond est favorable au salarié, le défenseur aura tout intérêt à ne pas tarder à faire signifier l’arrêt d’appel à la partie adverse pour faire courir le délai du pourvoi en cassation (2 mois).
Sans oublier que s’il veut forcer la partie adverse à exécuter la décision rendue par les juges du fond, il devra là aussi avoir signifié la décision.
Enfin, pour bien conseiller le salarié, il est important de savoir que tant que l’arrêt de la cour d’appel n’aura pas été signifié au salarié, celui-ci pourra toujours former un recours en cassation et ce, peu importe la date de notification de l’arrêt.
Le défenseur syndical ne peut défendre le salarié à hauteur de cassation. Le salarié doit recourir à des avocats à la Cour de cassation (ou au Conseil d’État). Cela n’empêche toutefois pas le défenseur syndical de suivre le dossier et d’être en lien avec l’avocat afin d’assurer la transmission des informations.
(1) Art. 675 du Code de procédure civile.