Procédure prud’homale : des perspectives de réajustement selon la CFDT

Cet article provient du site du syndicat CFDT.

Un Conseil supérieur de la prud’homie s’est tenu le 28 mars dernier. Un point a été fait sur la désignation à venir des conseillers prud’hommes et sur l’accès à la formation. Le gros des débats s’est centré sur un projet de décret « portant diverses dispositions procédurales relatives aux juridictions du travail ». Dispositions parmi lesquelles figurent de notables avancés pratiques quant à l’exercice, en appel, du mandat de défenseur prud’homal ainsi que des précisions sur la nouvelle procédure de contestation prud’homale des décisions prises par la médecine du travail. Fidèle à son habitude, la CFDT vous livre un compte rendu de la séance et vous précise les positions que nous y avons défendues. 

 

  • Point d’actualité sur la désignation des conseillers prud’hommes

L’administration du travail nous a confirmé que le site dédié à l’inscription des conseillers prud’hommes sera bel et bien ouvert à compter du 2 mai prochain. C’est donc bien à compter de cette date que la Confédération pourra officiellement désigner l’ensemble des mandataires de liste départementaux et que ces derniers pourront, dans la foulée, déposer les listes de candidats et faire remonter les dossiers de candidature de chacun d’eux. 

Afin de davantage sécuriser la mission qui sera celle de nos mandataires de liste départementaux, nous avons demandé à l’administration de nous éclairer techniquement sur deux points. 

– 1er point : comment la notion d’« activité principale » d’un candidat à la désignation et exerçant plusieurs activités devra-t-elle être mise en œuvre afin de choisir le conseil de prud’hommes, le collège ou la section de présentation ? 

– 2e point : quels documents seront jugés administrativement recevables afin de prouver, pour chacun des candidats que nous présenterons, leur nationalité française, leur capacité à exercer la fonction (les deux années d’expérience professionnelle sur les 10 dernières années ou bien le statut de conseiller prud’homme sortant) ainsi que leur rattachement à tel conseil, à tel collège ou à telle section ? 

Pour l’heure, aucune réponse ne nous a été apportée par l’administration. Mais chacune de ces deux questions a été mise à l’expertise avec engagement de nous fournir des réponses précises sous quinzaine. 

 

  • Point sur la formation des (futurs) nouveaux conseillers prud’hommes

Sur ce point nous avons dû à nouveau interpeller l’administration du travail afin de savoir si nous serons en mesure de commencer à faire bénéficier nos nouveaux conseillers prud’hommes de la formation continue dès leur nomination (et donc avant leur installation) et ce, avant même qu’ils n’« engagent » la formation initiale. 

Nous avons enregistré, avec grande satisfaction, une réponse positive à ces deux questions ! Même si le principe d’un « suivi de la formation initiale avant celui de la formation continue » demeure, il a tout de même été acté qu’il y serait dérogé pour les désignations à venir. 

Cela permettra d’installer dans leurs nouvelles fonctions des conseillers prud’hommes a minima formés. Ce qui n’aurait pas été possible si nous n’avions pu bénéficier d’une telle dérogation, puisqu’il nous avait déjà été précisé que la formation initiale ne pourrait être engagée avant le mois de février 2018. Il était donc clairement dans l’intérêt du service public de la justice, et donc des justiciables, que nous puissions sans attendre former nos nouveaux conseillers prud’hommes. 

 

  • Projet de décret « procédures prud’homales »

Une mission, assortie d’un observatoire ayant pour objet de mesurer les effets de la dernière réforme sur la procédure prud’homale, a été mise en place quelques jours après la publication du décret du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail. Les premières conclusions livrées par l’observatoire ont conduit la Chancellerie à envisager plusieurs évolutions. 

– Sur la requête prud’homale 

L’article R. 1452-2 du Code du travail (directement issu du décret du 20 mai 2016), précise actuellement que « à peine de nullité, la requête comporte les mentions prescrites à l’article 58 du Code de procédure civile » et que « en outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande », « mentionne chacun des chefs de celle-ci » et est « accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions ». Pièces qui doivent être énumérées sur un bordereau qui lui est annexé. 

Le projet de décret envisage aujourd’hui de réécrire cet article de telle sorte que, dans la première phrase de l’article, la locution « à peine de nullité » soit déplacée. C’est ainsi que l’article R. 1452-2 du Code du travail une fois retouché commencerait désormais ainsi : « La requête comporte les mentions prescrites à l’article 58 du Code de procédure civile à peine de nullité »

Une telle réécriture vise à faire rattacher « peine de nullité » aux seules mentions prescrites par l’article 58 du Code de procédure civile (1) pour que la requête soit considérée comme valablement introduite et non à l’obligation visée à l’avant dernier alinéa de ce même article 58 (à savoir, l’obligation de principe, pour la requête, de préciser « les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ».) 

Cette correction rédactionnelle vise clairement à contrer les arguments développés par certains avocats pour tenter de faire frapper de nullité les requêtes introduites par les salariés. 

Position CFDT. L’objectif visé par l’administration ne peut qu’être approuvé puisque ce sont des comportements purement procéduriers de certains avocats patronaux qu’elle cherche ici à contrer. Reste à savoir si l’écriture ainsi proposée aura toute l‘efficacité nécessaire… 

– Sur la convocation par le greffe 

L’article R. 1452-4 du Code du travail précise actuellement que « le greffe convoque le défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception ». Cet article serait réécrit afin de faire en sorte que la convocation ne soit rendue possible que si le demandeur a bien veillé à déposer au greffe un dossier complet. C’est ainsi que l’article R. 1452-4 du Code du travail commencerait désormais ainsi : « A réception de la requête et du bordereau mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 1452-2, le greffe convoque le défendeur par lettre recommandée avec accusé de réception »

Position CFDT. L’objectif visé par l’administration est de faire en sorte que seules des convocations complètes (et permettant une bonne préparation en amont du bureau de conciliation et d’orientation) puissent partir du greffe vers les défendeurs. Nous pouvons clairement y souscrire, à une condition toutefois : que le demandeur soit informé par le greffe du caractère incomplet de son dossier et de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de convoquer le défendeur. Faute de quoi la requête du salarié risquerait de rester bloqué, sans aucune perspective de régularisation. O, le projet de décret ne prévoit rien à ce propos. Nous avons donc demandé qu’il soit corrigé en ce sens. 

– Sur la clôture effective de la mise en état 

C’est la loi Travail qui est venue compléter le dispositif de mise en état mis sur pied par le décret du 20 mai 2016 en précisant que, désormais, « le bureau de conciliation et d’orientation, les conseillers rapporteurs désignés par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement » peuvent « fixer la clôture de l’instruction par ordonnance, dont copie est remise aux parties ou à leur conseil ». 

Mais, à aucun moment ce texte de loi n’est venu préciser quelles devaient être les conséquences exactes d’une telle décision ! Et c’est précisément cette lacune que le projet de décret envisage (très utilement) de venir combler… 

Il envisage de créer deux nouveaux articles au sein du Code du travail. 

– Un article R. 1454-19-3, qui viendrait préciser les effets de l’ordonnance de clôture. C’est ainsi qu’il précise que, après une ordonnance de clôture, aucune conclusion ne pourrait être déposée, ni aucune pièce ne pourrait être produite aux débats, « à peine d’irrecevabilité prononcée d’office ». Et ce, aux seules exceptions des demandes en intervention volontaire, des conclusions relatives aux rémunérations échues postérieurement à l’ordonnance de clôture (dès lors que leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse), des conclusions tendant à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption ainsi que (fort logiquement) « les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture »

– Un article R. 1454-19-4, qui viendrait préciser dans quelles circonstances une telle ordonnance pourrait être révoquée. A bien le lire, on constate qu’une telle révocation pourrait être prise par le bureau de jugement et ce, soit d’office, soit à la demande des parties. À la condition toutefois qu’ « il se révèle une cause grave » survenant après l’ordonnance de clôture. Étant précisé, dans le projet de texte, que le choix par la partie d’une personne pour l’assister ou la représenter postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. 

Position CFDT. Ces précisions réglementaires répondent à la revendication qui est la nôtre depuis que la loi Travail a été adoptée. C’est-à-dire la nécessaire précision des effets de l’ordonnance de clôture afin que celle-ci ait une réelle efficacité. Nous sommes ici d’autant plus satisfaits que tant les effets induits par l’ordonnances que les conditions de son éventuelle révocation nous semblent être pertinemment énoncés. 

– Sur la possibilité pour le BCO de prendre une décision provisoire palliant l’absence de délivrance de l’attestation destinée à Pôle emploi 

C’est le décret du 20 mai 2016 qui est déjà venu permettre au BCO de prendre une décision provisoire susceptible de remédier à l’absence de délivrance par l’employeur de l’attestation Pôle emploi. Pour l’heure, le texte se contente de prévoir la notification de cette décision provisoire au Pôle emploi du lieu du domicile du salarié afin que ce dernier soit mis en position, dans les 2 mois suivants, de pouvoir former une tierce opposition. 

Le projet de décret envisage de compléter ces dispositions en précisant que la décision qui, par la suite, serait rendue sur le fond devrait, elle aussi, être notifiée au Pôle emploi du domicile du salarié, tierce opposition pouvant là encore être formée dans les 2 mois suivants

Position CFDT. Nous nous sommes interrogés sur l’utilité qu’il pouvait y avoir à transmettre la décision rendue sur le fond au Pôle emploi puisqu’à l’évidence, cette dernière ne reviendrait pas sur la décision provisoire initialement rendue. Qui plus est, nous avons pointé un risque certain pour le justiciable salarié puisque Pôle emploi se trouverait habilité à former une tierce opposition, y compris contre la décision rendue au fond. Décision qui pourrait très bien se faire jour des mois, voire des années après la rupture du contrat de travail. Aussi nous sommes-nous inquiétés de ce qui pourrait arriver à un salarié qui verrait une tierce opposition actionnée si tardivement : ne risquerait-il pas de se trouver condamner à rembourser des trop-perçus à des hauteurs particulièrement élevées ? L’administration a bien pris note de nos questionnements mais n’a pas pu lever nos inquiétudes à ce jour. La vigilance reste donc de mise… 

– Sur la capacité, pour le BCO, d’homologuer un accord issu d’un mode de résolution des différends. 

Le décret du 20 mai 2016 est venu préciser que le BCO est en droit d’homologuer tout accord « issu d’un mode de résolution amiable des différends »

Le projet de décret vient simplement préciser que la transaction (même conclue sans avoir eu recours à une médiation, une conciliation ou une procédure participative) pourrait également faire l’objet d’une homologation par le BCO (dès lors que ce dernier serait saisi en ce sens par la partie la partie la plus diligente ou par l’ensemble des parties à la transaction). 

Position CFDT. Nous avons approuvé une telle évolution de texte qui, à notre sens, ne fait qu’entériner des pratiques qui peuvent très bien, aujourd’hui déjà, avoir cours dans les conseils de prud’hommes. 

– Sur la contestation des décisions prises par le médecin du travail 

Le décret du 27 décembre 2016 est déjà venu préciser qu’« en cas de contestation des éléments de nature médicale justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par la médecin du travail, la formation de référé est saisie dans un délai de quinze jours à compter de leur notification »

Le projet de décret envisage désormais d’apporter quelques précisions sures : 

la nature et la portée des décisions prud’homales qui seront rendues dans le cadre de cette procédure, sur les modalités de consignation des sommes dues au médecin-expert

– le rôle des chacun des acteurs dans la procédure (médecin-expert, médecin du travail et médecin inspecteur du travail). 

Ainsi indique-t-il que : 

– les décisions rendues le seraient dans le cadre du « référé en la forme »

– les décisions rendues se substitueraient « aux éléments de nature médicale qui ont justifié les avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestées » ; 

– le médecin du travail ne serait pas partie à l’instance mais serait simplement « informé de la contestation ». Il pourrait, par ailleurs, si le médecin-expert le souhaite, être entendu par ce dernier. 

– le médecin inspecteur du travail ne pourrait être chargé d’une consultation par la formation de référé ou par le bureau de jugement qu’après avoir effectivement désigné le médecin-expert

Position CFDT. Ces ajustements réglementaires ne répondent absolument pas aux difficultés générées par les incohérences du nouveau système légal de contestation des décisions prises par les médecins du travail. A titre illustratif, nous avons rappelé la position très inconfortable dans laquelle un salarié, déclaré inapte, se trouvait désormais placé dès lors qu’il envisageait de contester la décision prise par la médecine du travail. A savoir, l’obligation d’attaquer son employeur aux prud’hommes (alors même qu’à ce stade-là il n’a strictement rien à lui reprocher) mais aussi obligation d’attaquer son employeur alors même qu’il espère que ce dernier lui trouve une solution de reclassement. 

Nécessité, pour le salarié, de faire face aux frais d’expertise médicale alors même qu’il entre dans un mois où il ne sera pas payé et où des perspectives de licenciement se font jour. En outre, les correctifs réglementaires portés par le projet de décret vont clairement à l’exact inverse de ce que nous souhaitions. Ils mettent en effet le médecin du travail hors de la procédure, tandis qu’ils interdisent au médecin inspecteur du travail de procéder par lui-même à l’expertise médicale. 

Nous avons donc une fois encore appelé à une mise à plat de cette procédure, tout en étant conscients que nous ne pourrions, ici, nous passer d’une intervention législative. Ce qui n’est pas d’actualité à ce jour. 

Pourtant, l’ensemble des partenaires sociaux siégeant au Conseil supérieur de la prud’homie ont émis les mêmes critiques et inquiétudes et le président de l’instance a conclu les débats en précisant qu’« il aurait fallu des outils procéduraux adaptés et ne pas faire artificiellement un contentieux employeur/ salarié » et qu’il conviendrait de proposer au législateur « de modifier les règles de procédure applicables »

Nous devons donc étudier une stratégie pour atteindre un tel objectif. 

– Sur l’exercice, en appel, du mandat de défenseur syndical 

Pour l’heure, le Code de procédure civile précise que « les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier ou remis au greffe » et que « dans ce cas, la déclaration d’appel » doit être « remise au greffe en, autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux »

Le projet de décret vient préciser que ces mêmes actes « peuvent être établis sur support papier et remis au greffe par lettre recommandée avec accusé de réception ». De même, pour la déclaration d’appel qui peut désormais être faite par voie postale. Le greffe ayant alors l’obligation d’enregistrer « l’acte à sa date » et d’adresser « un récépissé par lettre simple ». De même enfin, des notifications entre avocat et défenseur syndical qui pourraient, elles aussi, « être effectuées par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification »

Position CFDT. Une telle évolution de texte permettrait de répondre aux difficultés que nos défenseurs syndicaux ont enregistrées depuis l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure prud’homale, le 1eraoût dernier. 

 

(1) Il s’agit pour les personnes physiques des nom(s), prénom(s), profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; et pour les personnes morales de leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ; ainsi que l’objet de la demande. 

 

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