Cet article a été initialement publié sur le site de l’organisation d’employeurs U2P.
A la veille de l’ouverture des déclarations d’impôt, l’U2P qui représente 2,3 millions d’entreprises annonce le lancement d’une campagne de mobilisation nationale.
Objectif : faire en sorte que le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2019, soit revu et corrigé pour en réduire l’impact sur les entreprises de proximité. L’U2P porte trois revendications : simplifier le dispositif, compenser les coûts de gestion pour les employeurs, et protéger ces derniers des risques juridiques encourus. Ces demandes reçoivent le soutien d’une large majorité des Français selon un sondage YouGov/U2P d’avril 2018 (1).
Un dispositif inadapté aux entreprises de proximité
Annoncé pour le 1er janvier 2019, le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source prévoit de synchroniser la collecte de l’impôt avec la perception des revenus des contribuables. L’U2P est d’accord avec ce principe, mais juge absurde et contreproductif d’en confier la mise en œuvre aux chefs d’entreprise.
« Les chefs d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale n’ont ni DRH, ni fiscaliste, ni service juridique à leur disposition. Comment sont-ils supposés faire face à cette surcharge administrative ? Nous attendons une simplification du système, une sécurisation des employeurs et une compensation des coûts supplémentaires infligés aux entreprises », s’insurge Alain Griset, Président de l’U2P.
Des charges administratives et financières supplémentaires
Pour les entreprises de moins de 20 salariés, l’U2P estime que le prélèvement à la source coûtera environ 125 € par salarié pour la mise en place la première année, et autant pour la gestion annuelle en régime de croisière. Cela représente un surcoût global d’un milliard d’euros pour l’ensemble de l’économie de proximité en 2019, et 500 millions chaque année par la suite.
A cela s’ajoutent des coûts humains, qui pénalisent particulièrement les entreprises dans lesquelles le chef d’entreprise est le plus souvent seul à s’acquitter des tâches administratives. Retenue sur salaire, sollicitations, relances, versements, réponses aux questions des salariés sur le calcul de leur impôt… L’U2P considère que le dispositif devrait créer 1h30 de travail supplémentaire par salarié chaque mois, ce qui représente 1 semaine de travail non rémunéré en plus par an pour l’employeur.
Les revendications portées par l’U2P rejoignent l’opinion d’une majorité de Français : alors que 23 % d’entre eux estiment que les entreprises ne peuvent effectuer cette tâche sans recevoir une compensation, 42 % jugent purement et simplement que ce n’est pas aux entreprises de collecter l’impôt mais bien à l’État(1).
Un mélange des genres inopportun, qui s’accompagne de risques juridiques
La fin de l’anonymat fiscal des salariés est un point de crispation fort du côté de l’opinion publique : trois quarts des Français (74 %)(1) déplorent que leur employeur ait accès à leur taux d’imposition. Comment ne pas craindre, dans ces conditions, que la confiance ne laisse place à la tension et à la suspicion, dans les relations entre employeurs et salariés ?
Autre problème de ce mélange des genres entre vie privée et professionnelle : en plaçant les employeurs en position de collecter l’impôt sur le revenu à sa place, l’État leur délègue également les responsabilités qui vont avec. Avec les risques que cela comporte en cas d’erreurs ou omissions de déclarations (250 € d’amende) ou de divulgation involontaire de données personnelles (1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende).
Face au risque de développement de nombreux contentieux préjudiciables au devenir des entreprises, l’U2P demande que les employeurs bénéficient d’une large protection, ceux-ci n’ayant par ailleurs aucune formation particulière pour assurer leur nouvelle mission de collecteurs d’impôts.
« Gérer les feuilles d’impôt, c’est pas mon boulot ! »
Même si le gouvernement a annoncé la mise en œuvre du prélèvement de l’impôt à la source au 1er janvier 2019, il n’est jamais trop tard pour en modifier les modalités. Ainsi, l’U2P lance le mercredi 11 avril une campagne nationale à destination des pouvoirs publics et des Français. Sous le mot d’ordre « Gérer les feuilles d’impôts, c’est pas mon boulot ! », cette opération permettra de rappeler au gouvernement que les chefs d’entreprise n’ont pas vocation à être collecteurs d’impôt à la place de l’État, ni à en supporter les coûts humains et financiers.
Une pétition, mise en ligne sur change.org et sur le site de l’U2P, sera relayée auprès des chefs d’entreprise de l’artisanat, du commerce de proximité et des professionnels libéraux pour contester les conséquences néfastes de cette mesure. Les signatures seront remises en main propre au ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, avant l’été. Des affiches et visuels des chefs d’entreprise de proximité circuleront également à travers la France et via une campagne en ligne, à travers le hashtag #ChacunSonJob, mettant en scène ceux qui font battre le cœur de l’économie réelle. L’U2P appelle les chefs d’entreprise de proximité à se mobiliser pour sensibiliser leurs salariés, clients et relais d’opinion sur les réseaux sociaux.
« Au moment où l’économie de proximité reprend des couleurs, le prélèvement de l’impôt sur le revenu par les entreprises, porteur de charges administratives et financières supplémentaires mais aussi de lourdes inquiétudes, risque de rompre la dynamique engagée. » C’est pourquoi nous invitons le gouvernement à définir avec l’U2P les adaptations à apporter en direction des entreprises de proximité », conclut Alain Griset.