Cet article a été initialement publié sur le site de la CFDT.
Par deux arrêts récents, la Cour de cassation vient de préciser la notion “d’intention de nuire”, condition nécessaire pour licencier un salarié pour faute lourde. Ces arrêts sont l’occasion de rappeler quelles sont les différentes fautes qui peuvent être retenues contre un salarié pour le licencier et les conséquences qu’elles entraînent. Cass.soc, 22.10.2015, n°14-11291 et n°14-11801
Agissement fautif et qualification de la faute
Lorsqu’un salarié commet un agissements pouvant être qualifié de fautif, il prend le risque d’un licenciement pour faute. Cette faute peut être qualifiée par l’employeur de simple, grave, ou lourde.
L’employeur a donc le choix dans la qualification qu’il retient, mais il n’est pas totalement libre : il doit en effet s’assurer que les faits qu’il reproche au salarié répondent bien à la faute qu’il retient.
Définition des différentes fautes
La faute « simple » est celle dont la gravité rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, mais ne nécessite pas la rupture immédiate du contrat de travail.
La faute grave est celle dont la gravité est d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et nécessite la rupture immédiate du contrat, sans préavis.
Enfin, la faute lourde correspond à la faute grave, mais révèle également une intention de nuire à l’employeur.
La notion d’« intention de nuire »
L’intention de nuire est une condition compliquée à démontrer pour les employeurs qui prennent rarement le risque de s’aventurer sur ce terrain. Bien souvent, en cas de contentieux, les juges ne retiennent pas la qualification de faute lourde.
Les deux arrêts précités en sont un parfait exemple.
Ils concernent des salariés licenciés pour faute lourde pour les faits suivants :
– Dans la première affaire, il est reproché au salarié d’avoir détourné sur son compte personnel une somme de 60 000 euros.
– Dans la seconde affaire, il est reproché au salarié de s’être octroyé une augmentation de sa rémunération, de son coefficient, une prime exceptionnelle ainsi que des acomptes sur salaire de 15 000 euros.
Dans les deux cas, les cours d’appel ont retenu la faute lourde, considérant que l’intention de nuire était démontrée. Elles ont estimé que l’intention de nuire se déduisait notamment du fait que les agissements en question avaient porté préjudice à l’entreprise.
Dans les deux cas, la Cour de cassation a censuré les arrêts : elle rappelle tout d’abord que « la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur »
Surtout, elle précise, ce qui est nouveau, que l’intention de nuire « implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif, et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ».
Les employeurs en savent désormais un peu plus sur cette notion d’intention de nuire : ils ne peuvent pas se contenter d’un acte même gravement préjudiciable à l’entreprise pour prononcer un licenciement pour faute lourde. Ils doivent être en mesure de démontrer que le salarié avait, par la commission de l’acte, la volonté de porter préjudice à l’entreprise. Cela restera toujours très compliqué à faire.
Les employeurs continueront donc de manier la faute lourde avec précaution, au regard de cette précision. Bien souvent pourtant, les considérations financières l’emportent sur la raison.
Des conséquences différentes selon la faute retenue
Les conséquences financières sont différentes selon la faute retenue par l’employeur :
– Le licenciement pour faute (simple) est le plus coûteux : le salarié peut prétendre, s’il remplit les conditions, à une indemnité de licenciement, au bénéfice de son préavis et au paiement d’une indemnité de congés payés acquis et en cours d’acquisition.
– Le licenciement pour faute grave prive le salarié de l’indemnité de licenciement et du préavis. Il conserve l’indemnité de congés payés.
– Le licenciement pour faute lourde prive le salarié de l’indemnité de licenciement, du préavis, mais également des congés payés en cours d’acquisition. S’il est peu coûteux pour l’employeur, il est en revanche lourd de conséquences financières pour le salarié.
Il est important de préciser que, quelle que soit la qualification de la faute retenue, le salarié peut toujours prétendre au bénéfice des allocations-chômage s’il en remplit les conditions.
Le conseil de prud’hommes, saisi d’une contestation portant sur un licenciement pour faute lourde, a la possibilité de « déqualifier » la faute, en considérant que celle-ci est grave ou simple, et condamner l’employeur à verser au salarié les indemnités afférentes. Il peut aussi, lorsque la faute n’est pas démontrée, ou lorsqu’elle n’est pas suffisamment importante, considérer le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.