Pratiques anticoncurrentielles : les actions en dommages et intérêts adaptées au droit de l’UE

L’ordonnance du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles vient d’être publiée au JO du 10 mars 2017. 

L’ordonnance est prise en application de l’article 148 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. 

Cet article habilite le gouvernement à prendre des mesures nécessaires à la transposition de la directive du 26 octobre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts pour les pratiques anticoncurrentielles. 

La jurisprudence de la Cour de justice de l’UE affirme le droit des victimes d’obtenir une juste et effective réparation du dommage causé par une entreprise en raison de la commission d’une pratique anticoncurrentielle. 

Toutefois, en Europe, les actions en dommages et intérêts demeurent peu fréquentes en raison notamment d’importantes difficultés probatoires. 

La directive du 26 novembre 2014 a alors introduit des règles relatives à la charge de la preuve et à la production des éléments de preuve. 

L’ordonnance du 9 mars 2017 permet d’introduire dans le droit national français et plus précisément dans le Code de commerce, les évolutions issues de la directive. 

 

Les actions en indemnisation des pratiques anticoncurrentielles sont favorisées

Les dispositions législatives de l’ordonnance favorisent les actions en indemnisation en complétant les règles du Code de commerce qui prohibent ces pratiques et les modalités des actions administratives engagées devant les autorités de régulation en droit de la concurrence. 

L’ensemble des règles relatives à ces actions sont désormais regroupées au sein d’un même livre (le livre IV du Code de commerce). Cela est de nature à favoriser la bonne articulation et la compréhension des dispositions applicables en droit de la concurrence qui poursuivent un objectif commun : assurer un meilleur fonctionnement concurrentiel des marchés. 

Les actions en dommages et intérêts visent des pratiques prohibées telles que les ententes et les abus de position dominante. 

La preuve du préjudice est désormais facilitée avec l’instauration des présomptions

L’ordonnance souligne que les victimes de pratiques anticoncurrentielles bénéficieront de dispositions qui faciliteront la preuve du fait générateur de responsabilité et du préjudice. 

S’agissant du fait générateur de responsabilité, il est prévu un allègement de la charge probatoire lorsqu’une pratique anticoncurrentielle est constatée dans une décision prononcée par l’Autorité de la concurrence ou une juridiction de recours. Dans ce cas, l’existence de la pratique anticoncurrentielle et son imputation à la personne concernée sont présumées établies sans preuve contraire possible. 

Désormais, la preuve du préjudice sera facilitée pour la victime grâce à l’instauration de présomptions. Ce préjudice peut notamment résulter de la différence entre le prix effectivement payé et celui qui l’aurait été en l’absence de commission de la pratique prohibée, à condition que ce surcoût n’ait pas été répercuté sur les contractants se situant en aval de la chaîne économique de distribution d’un produit ou d’un service. 

Désormais l’indemnisation de l’acheteur est facilitée, et ce qu’il ait contracté directement ou indirectement avec l’auteur de la pratique anticoncurrentielle pour l’achat d’un bien ou la réalisation d’une prestation de service : cet acheteur est réputé n’avoir pas répercuté le surcoût sur ses propres contractants. 

L’ordonnance souligne que compte tenu de la nature secrète des ententes entre concurrents qui rend plus difficile pour la victime la démonstration d’un préjudice, un nouvel article L. 481-7 du Code du commerce instaure enfin une présomption simple que de telles pratiques causent un préjudice. 

L’obligation à la dette de dommages et intérêts est désormais solidaire et non plus in solidum

En cas de pluralité de responsables, l’obligation à la dette de dommages et intérêts était in solidum. Cela signifie qu’en cas de pluralité de responsables, chacun est responsable pour toute la dette de dommages et intérêts mais dispose d’un recours ultérieur contre les co-responsables. 

L’obligation solidaire répond également au même principe : chacun est responsable pour la totalité de la dette. La grande différence entre les deux principes tient au fait que la responsabilité solidaire résulte de la loi ou du contrat alors que l’obligation in solidum résulte d’une décision de justice. 

En outre les deux principes n’ont pas les mêmes effets secondaires. Dans le cadre d’une obligation solidaire, les poursuites exercées contre l’un des débiteurs n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. 

Ainsi, en faisant évoluer, l’obligation à la dette de dommages et intérêts d’une obligation in solidum à une obligation solidaire, il s’agit de faciliter les actions en indemnisation des victimes. 

 

 

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