Pour la Cour de cassation, l’iniquité salariale est possible

Les situations de reprise d’entreprise entrainent la multiplication des plaintes pour iniquités salariales. C’est dans ce contexte que la Cour de cassation a rendu un arrêt qui n’oblige pas une entreprise repreneuse à pratiquer l’équité salariale entre les employés repris et ceux déjà présents. 

oilà une information qui devrait particulièrement plaire aux salariés d’Ascometal. La Cour de cassation vient de casser un jugement du conseil de prud’hommes qui obligeait une entreprise repreneuse à payer un treizième mois à tous ses salariés, qu’ils soient déjà présents dans l’entreprise ou qu’ils aient été repris par la suite. 

 

La Cour de cassation télescope le conseil de prud’hommes

Le 1er janvier 2010, la société de nettoyage AAF La Providence II récupère le marché du site “banque de France” et par la même occasion, plusieurs salariés. Seulement, ces derniers s’estimaient lésés car une inégalité de traitement était présente entre eux et les salariés qui faisaient déjà parti du groupe AAF La Providence II. La question portait sur le versement d’un treizième mois que les nouveaux salariés ne recevraient pas à l’inverse de leur collègue. 

Ils saisissent alors le conseil de prud’hommes pour une période située entre 2010 et 2014, avant d’obtenir gain de cause. 

Seulement, la Cour de cassation est revenue sur ce jugement en arguant que les différents salariés demandeurs n’accomplissent ni le même travail, et ne travaillent pas sur le même chantier que leurs homologues. De plus, “l’employeur ne démontre pas l’existence d’une raison objective et pertinente justifiant la différence de rémunération liée à la nécessité de compenser un préjudice spécifique à une catégorie de travailleurs“.  

La Cour de cassation estime donc que certains salariés n’ont pas le droit à une prime de treizième mois, mais que d’autres si. Il est sûr que cette décision risque de faire beaucoup de bruit auprès des syndicats. 

 

Sur le moyen unique : 

Vu le principe d’égalité de traitement et l’accord du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 ; 

Attendu, d’abord, que l’évolution générale de la législation du travail en matière de négociation collective et de la jurisprudence en ce qui concerne le principe d’égalité de traitement à l’égard des accords collectifs conduit à apprécier différemment la portée de ce principe à propos du transfert des contrats de travail organisé par voie conventionnelle ; 

Attendu, ensuite, que la différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d’une garantie d’emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l’employeur entrant, qui résulte de l’obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n’est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d’égalité de traitement ; 

Attendu, selon les jugements attaqués, qu’en application de l’accord du 29 mars 1990 annexé à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, la société AAF La Providence II, attributaire depuis le 1er janvier 2010 du marché de nettoyage du site “banque de France”, a repris à son service différents salariés affectés sur ce site à la suite de la perte du marché par leur employeur ; que, s’estimant victimes d’une inégalité de traitement en ce que certains salariés de la société AAF La Providence II, issus d’un transfert antérieur, bénéficiaient d’un treizième mois en raison de la règle imposant le maintien de leur rémunération lors de la reprise du marché, M. X… et vingt-six autres salariés affectés sur ce site ont saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir le paiement d’une prime de treizième mois pour la période située entre 2010 et 2014 ; 

Attendu que pour condamner la société AAF La Providence II à payer à chaque salarié une somme à titre de prime de treizième mois, les jugements retiennent que les différents salariés demandeurs accomplissent le même travail pour le même employeur sur le même chantier, s’agissant tant des salariés dont le contrat de travail a été transféré lorsque le marché a fait l’objet d’un changement de prestataire au 1er janvier 2010 que des salariés faisant déjà partie des effectifs de la société AAF La Providence II à cette date, et que l’employeur ne démontre pas l’existence d’une raison objective et pertinente justifiant la différence de rémunération liée à la nécessité de compenser un préjudice spécifique à une catégorie de travailleurs ; 

Qu’en statuant ainsi, le conseil de prud’hommes a violé le principe et le texte susvisés ; 

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avis donné en application de l’article 1015 du même code ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les jugements rendus le 13 mai 2016, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Paris ; 

DIT n’y avoir lieu à renvoi ; 

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