Alors que la France compte plus de six millions de chômeurs – auxquels il faudrait ajouter les inactifs divers et variés en âge de travailler… – le gouvernement semble prêt à se passer du soutien des missions locales. S’estimant déconsidérés, les salariés du secteur ont entamé un mouvement social auquel les pouvoirs publics n’estiment en effet pas nécessaire de répondre.
Un mouvement social pour les salaires et les conditions de travail
Notamment en charge de l’insertion sociale des jeunes, le réseau des missions locales incarne bien le sort peu reluisant reservé par la France à cette catégorie de sa population. Depuis de longs mois, les salariés de la branche et leurs représentants dénoncent la faiblesse des salaires qui y sont pratiqués. Figés depuis début 2013, ils seraient, d’après les syndicats, “600 euros” inférieurs au salaire brut moyen observé au niveau national – 2900 euros. Les primes seraient en outre réservées presque uniquement aux plus hauts salaires.
Cette stagnation salariale n’empêcherait pas une augmentation importante de la charge de travail qui pèse sur les salariés. Les dispositifs d’accompagnement des jeunes se multiplient rapidement ces dernières années : suivi des emplois d’avenir, “ANI jeunes décrocheurs”, “garantie jeunes”, etc. Pour faire face à ces nouveaux engagements, les salariés ne sont pas plus nombreux. Pire, ils sont handicapés par la complexification de leur encadrement – est-il nécessaire de détailler ici le “millefeuille administratif” et ses conséquences ?
Face à cette dégradation des conditions de travail, à la fin de l’année dernière, les organisations syndicales de la branche avaient prévenu qu’en cas de négociations salariales infructueuses, elles appelleraient les salariés à se mobiliser. Dans ce climat serein, les discussions en question ont échoué. L’intersyndicale CFDT, CGT, FO, CFTC et CFE-CGC a alors initié le mouvement “RLB”, pour “Ras-le-Bol”. Une journée d’action nationale a été organisée le 28 janvier, à laquelle ont participé plus de 2000 salariés – sur un total de 10000.
Un plan d’action aux petits oignons concocté par les pouvoirs publics
Dans la mesure où, comme c’est la coutume depuis plusieurs décennies, le gouvernement prétend “redonner la priorité à la jeunesse”, il pouvait difficilement ignorer la mobilisation des salariés des missions locales. Le 28 janvier, en même temps que celle-ci se déroulait partout en France, une réunion au sommet a ainsi eu lieu au ministère de l’Emploi. Des membres du cabinet, des responsables de la DG emploi et formation professionnelle et les représentants de l’intersyndicale se sont retrouvés pour évoquer les revendications des salariés.
Après que chaque camp eut poliment écouté les arguments du camp d’en face, il fallut bien prendre une décision. Oui mais voilà : les caisses de l’Etat sont vides. Les ressources des missions locales dépendant largement de financements publics, tout le monde était bien conscient que les revendications des syndicats ne pouvaient pas être satisfaites. L’ambiance cordiale allait-elle se dégrader ? C’était sans compter sur l’esprit d’initiative des bureaucrates à la tête du ministère de l’Emploi, qui ont sorti leur botte (plus très) secrète.
Pour seules et uniques réponses à ses demandes, l’intersyndicale a finalement obtenu la mise en place d’une mission de l’IGAS sur les salaires et les rémunérations dans la branche, ainsi que la tenue d’une seconde réunion sur les conditions et l’encadrement du travail. Un plan d’action qui, n’en doutons pas, suffira à convaincre les salariés et la jeunesse de l’engagement de l’Etat à leurs côtés. En grapillant ainsi quelques mois, le ministère espère en réalité temporiser, à peu de frais, jusqu’à 2017. L’insertion des jeunes attendra bien quelques mois.