Portage salarial : les précisions sur le nouveau cadre juridique

Cet article a été rédigé par Frédéric Chhum, avocat, et publié initialement sur le site Village de la Justice.

 

L’ordonnance n°2015-380 du 2 avril 2015, publiée au Journal officiel du 3 avril 2015, organise et sécurise le cadre juridique du portage salarial, dont les principales mesures sont synthétisées dans le présent article. 

Après la décision du Conseil constitutionnel du 11 avril 2014 (DC n°2014-388 QPC) qui a déclaré les dispositions de la loi du 25 juin 2008 contraires à la Constitution car elle renvoyait aux partenaires sociaux de la branche de l’intérim le soin d’encadrer le portage salarial. 

Il était nécessaire de sécuriser le portage salarial. Ainsi, l’article 4 de la loi n°2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises prévoit que le gouvernement peut prendre par voie d’ordonnance « toute mesure visant à déterminer les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial défini à l’article L.1251-64 du Code du travail et les principes applicables à la personne portée, à l’entreprise portage et à l’entreprise cliente. » 

 

 

1) La définition du portage salarial 

L’article L.1254-1 du Code du travail vient définir le portage salarial comme étant : 

  • d’une part, la relation entre une entreprise dénommée « entreprise de portage salarial » effectuant une prestation au profit d’une entreprise cliente, qui donne lieu à la conclusion d’un contrat commercial de prestation de potage salarial ;
  • d’autre part, le contrat de travail conclu entre l’entreprise de portage salarial et un salarié désigné comme étant un « salarié porté », lequel est rémunéré par cette entreprise.

 

 

2) Le salarié porté : un expert et autonome 

Le salarié porté devra justifier d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie qui lui permet de rechercher lui-même ses clients et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix [1]. 

 

Selon le rapport au Président de la République, c’est au salarié porté et non à l’entreprise de portage de démarcher les entreprises clientes et d’apporter ainsi sa propre clientèle. En effet, l’entreprise de portage n’est pas tenue de fournir du travail au salarié porté [2]. 

 

Désormais, un salarié cadre et un salarié non cadre peuvent pratiquer une activité en portage salarial. 

 

 

3) Les recours et les interdictions de recours au portage salarial 

L’entreprise cliente ne peut avoir recours à un salarié porté que pour l’exécution d’une tâche occasionnelle ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une prestation ponctuelle nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas [3]. 

 

La durée de la prestation ne peut excéder la durée de 36 mois [4]. 

 

La salarié porté ne pourra pas être engagé par l’entreprise cliente pour : 

  • remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu à la suite d’un conflit collectif de travail ;
  • effectuer certains travaux considérés comme dangereux ;
  • toutes les activités de service à la personne (garde d’enfants, assistance aux personnes âgées ou handicapées) [5].

 

 

 

4) La conclusion d’un contrat commercial de prestation de portage salarial 

L’entreprise de portage salarial conclut avec l’entreprise cliente du salarié porté un contrat commercial de prestation de portage salarial au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant le début de la prestation [6]. 

 

Doit figurer dans ce contrat l’identité du salarié porté, le descriptif des compétences, des qualifications et des domaines d’expertise du salarié porté, le descriptif de la prestation, le prix de la prestation, la date du terme de la prestation et, le cas échéant la durée minimale de la prestation lorsque le terme est incertain [7]. 

 

Le rapport au président de la République précise que c’est au salarié de fournir à l’entreprise de portage l’ensemble des éléments lui permettant de contacter l’entreprise cliente afin d’établir le contrat de prestation. La rupture du contrat commercial n’entraîne pas celle du contrat de travail du salarié [8]. 

 

 

5) La conclusion d’un CDD ou d’un CDI 

Le contrat de portage peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée [9]. 

 

5.1) Le contrat de travail en portage salarial à durée déterminée 

Lorsque le contrat de travail en portage salarial est conclu à durée déterminée, celui-ci ne peut excéder une durée de 18 mois, renouvellement inclus [10]. 

 

Le terme pourra être reporté par accord entre l’entreprise de portage salarial et le salarié porté pour une durée maximale de trois mois et ce, pour permettre au salarié porté de prospecter de nouveaux clients [11]. 

 

Le CDD doit nécessairement être écrit et transmis au salarié porté dans les deux jours suivant sa conclusion. Le contrat devra comporter : 

  • d’une part, des clauses relatives à la relation entre l’entreprise de portage salarial et de salarié porté (date et terme, clause de renouvellement en cas de terme précis, modalités de calcul et de versement de la rémunération, la durée de la période d’essai) ;
  • d’autre part, des clauses relatives à la réalisation de la prestation de service de portage salarial (identité et adresse de l’entreprise cliente, durée de la prestation, descriptif de l’objet de la prestation, le prix de la prestation convenu entre le salarié porté et l’entreprise cliente).

 

5.2) Le contrat de travail en portage salarial à durée indéterminée 

Le CDI est conclu pour la réalisation de prestations dans une ou plusieurs entreprises clientes [12]. Tout comme le CDD, le CDI devra être obligatoirement être conclu par écrit. 

 

Le contrat de travail devra comporter les clauses et mentions relatives à la relation entre l’entreprise de portage salarial et le salarié porté à savoir les modalités de calcul et de versement de la rémunération due au salarié porté pour la réalisation de la prestation, le descriptif des compétences, des qualifications et des domaines d’expertise du salarié porté [13]. 

 

 

 

6) La rémunération du salarié porté 

Le salarié porté bénéficiera d’une rémunération minimale qui sera définie par accord de branche étendu. A défaut d’accord de branche étendu, le montant de la rémunération mensuelle minimale sera fixée à 75% de la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale (soit 2.377,50 €). 

 

De plus, sera également défini par accord de branche étendu, le montant de l’indemnité d’apport d’affaire. A défaut, l’indemnité sera fixée à 5% de la rémunération due au salarié porté [14]. 

 

 

 

7) Les obligations de l’entreprise de portage salarial 

L’entreprise de portage salarial ne peut exercer qu’après déclaration faite à l’administration. Ainsi, seule une entreprise de portage salarial agréée peut conclure des contrats de travail en portage salarial [15]. 

L’entreprise de portage salarial doit mettre en place pour chaque salarié porté un compte d’activité sur lequel figure les éléments suivants : les sommes qu’elle reçoit de l’entreprise cliente, le détail des frais de gestion, des frais professionnels, de la rémunération nette [16]. 

 

De plus, l’ordonnance assure une certaine garantie pour le salarié porté car l’entreprise de portage est tenue de justifier d’une garantie financière assurant, en cas de défaillance de sa part, le paiement des salaires et de leurs accessoires, cotisations obligatoires dues à des organismes de sécurité sociale [17]. 

 

 

8) Les obligations de l’entreprise cliente 

Durant la durée de la mise à disposition, l’entreprise cliente est responsable des conditions d’exécution du travail du salarié porté. 

 

De plus, l’entreprise cliente devra informer tous les ans son Comité d’entreprise des éléments qui l’a conduit à faire appel, au titre de l’année écoulée, et qui pourrait le conduire à faire appel pour l’année à venir à des contrats conclus avec une entreprise de portage salarial [18]. L’ordonnance prévoit également la possibilité pour le comité d’entreprise de l’entreprise ayant recours au portage salarial de saisir l’inspection du travail en cas de recours abusif du portage salarial [19]. 

 

 

9) L’éligibilité et électorat des salariés portés dans l’entreprise de portage salarial 

Dans les entreprises de portage salarial, les conditions d’ancienneté sont, pour les salariés en portage salarial, de 3 mois pour être électeur et de 6 mois pour être éligible. Ces conditions sont appréciées au regard des périodes pendant lesquelles ces salariés ont effectué des prestations de portage salarial dans le cadre de contrats de travail conclus avec ces entreprises au cours des 12 mois ou des 18 mois précédant l’élection, selon qu’il s’agit d’électorat ou d’éligibilité [20]. 

 

 

10) Des sanctions civiles et pénales 

Pour assurer l’effectivité et l’application de l’ordonnance, des sanctions civiles et pénales seront prévues prochainement par dispositions légales. Celles-ci seront sensiblement les mêmes que celles qui existent en matière de travail temporaire et de recours au contrat à durée déterminée. 

 

Notes :

[1] article L.1254-2 du Code du travail

[2] article L.1254-2 III du Code du travail 

[3] article L.1453-3 du Code du travail 

[4] article L.1254-4 du Code du travail 

[5] article L.1254-5 du Code du travail 

[6] article L.1254-22 du Code du travail 

[7] article L.1254-23 du Code du travail 

[8] article L.1254-8 du Code du travail 

[9] article L.1254-7 du Code de travail 

[10] article L.1254-12 du Code du travail 

[11] article L.1254-13 du Code du travail 

[12] article L.1254-19 du Code du travail 

[13] article L.1254-21 du Code du travail 

[14] article L.1254-9 du Code du travail 

[15] article L.1254-27 du Code du travail 

[16] article L.1254-26 du Code du travail 

[17] article L.1254-26 du Code du travail 

[18] article L.2323-47 alinéa 5 du Code du travail 

[19] article L.2323-17 du Code du travail 

[20] article L.2314-17-1 du Code du travail 

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