Politiques sociales : en cinq ans, Emmanuel Macron a liquidé la démocratie sociale

A quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, et alors que le futur Président de la République devra rapidement après sa prise de fonction démêler plusieurs dossiers sociaux complexes, il nous a paru opportun de revenir quelque peu sur la manière dont Emmanuel Macron a organisé, durant les cinq années de son mandat, la gestion des politiques sociales.

Dans l’ensemble, on peut dire que le chef de l’Etat a réussi à liquider la démocratie sociale à la française.

Une gestion étroitement étatique des politiques sociales

Ainsi que nous l’avons évoqué en début de semaine, la politique sociale d’ensemble menée par Emmanuel Macron a consisté en une étatisation de tout ce qui pouvait l’être dans ce domaine. Pour ce qui concerne l’aspect institutionnel de ce mouvement tendanciel, ceci signifie que cette politique sociale a conduit à une dépossession politique des partenaires sociaux. Alors qu’elles étaient importantes, leurs prérogatives en matière, par exemple, d’assurance chômage ou de formation professionnelle, ont été largement remises en cause par les réformes gouvernementales relatives à ces deux enjeux.

On relèvera par ailleurs que, si l’exécutif a échoué à mener à bien sa “réforme systémique des retraites” et s’il a dû modérer ses positions au sujet de la “Grande Sécu”, ses volontés d’étatisation de politiques sociales conventionnelles – que sont les régimes complémentaires de retraite ou les régimes conventionnels de protection sociale complémentaire – n’en étaient pas moins clairement exprimées.

Jouer sur la division des partenaires sociaux

Ces menées étatiques se sont, certes, souvent nourries du fait que les partenaires sociaux appréhendaient parfois de manière fort divergente notables l’avenir de ces différentes politiques sociales. De manière schématique, le patronat a pu percevoir qu’il avait davantage intérêt à laisser le gouvernement mener ses réformes sociales qu’à tenter de trouver des solutions négociées avec les syndicats. Ceci a notamment été vrai dans le cas de l’assurance chômage mais également, concernant l’enjeu des mesures d’âge, dans le cas de la réforme des retraites. Cette configuration a aussi pu être observée dans le cas de la réforme du marché du travail introduite par les “ordonnances Travail”.

Si les dirigeants du patronat français, ceux des organisations syndicales de salariés ensuite, et l’Etat enfin, ont toujours entretenu des rapports ambigus, car fréquemment opportunistes, encore faut-il toutefois préciser que l’équipe sortante se distingue quelque peu par le fait qu’elle a paru systématiquement chercher à jouer sur la division paritaire des partenaires sociaux afin d’arriver à ses fins.

Une démocratie sociale à la dérive

Dans une telle situation d’ensemble, il n’est guère étonnant de constater que la démocratie sociale à la française est à la dérive. Le cycle de négociations paritaires nationales et interprofessionnelles engagé il y a maintenant plus d’un an ne donne guère lieu à des avancées notables, comme en témoignent les difficultés actuellement rencontrées par les partenaires sociaux afin de finaliser leur négociation sur la modernisation du paritarisme. Plus encore, même les accords signés paraissent avoir une portée limitée du point de vue des acteurs paritaires – que l’on songe ici à la manière dont l’UIMM a pris ses distances vis-à-vis de l’ANI sur l’encadrement de novembre 2017.

La démocratie sociale n’apparaît plus être en mesure de produire du droit susceptible d’aider à la régulation des rapports sociaux. Alors qu’il s’agit pour l’économie et la société françaises de s’engager dans une transition écologique relativement rapide, cette situation est à la fois problématique et inquiétante.

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pourriez aussi aimer
avocats Kerialis
Lire plus

L’Autorité de la concurrence recommande la création d’un nouvel office d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation

L’Autorité de la concurrence a publié le 16 avril 2025 son cinquième avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour la période 2025-2027. Cet avis concerne directement les professions regroupées dans la convention collective nationale des avocats au Conseil d’État et à la...
organismes de formation
Lire plus

Soutien à l’emploi : la Dares note une baisse des dispositifs de solidarité

La Dares, direction statistique du ministère du Travail, a publié son dernier rapport sur les dépenses publiques en faveur de l’emploi et du marché du travail. Un chiffre domine : 190,1 milliards d’euros consacrés à ces politiques en 2023. Une enveloppe importante, équivalente à 6,7 % du PIB. Mais si le budget semble stable à première vue, l’analyse...

La Cipav nomme un administrateur provisoire jusqu’à fin 2025

Un arrêté publié au Journal officiel d'aujourd'hui, nomme Laurent Caussat administrateur provisoire de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (Cipav) jusqu’au 31 décembre 2025. Cette nomination fait suite à la décision du tribunal judiciaire de Paris, en date du 9 janvier 2025, qui a annulé les élections du conseil d’administration de la Cipav organisées entre le 9 et le 24 mai 2024. En l’absence de conseil...

Diot-Siaci enregistre une croissance de 14 % en 2024

Le Groupe Diot-Siaci atteint un chiffre d’affaires brut de 1,03 milliard d’euros en 2024, en hausse de 14 % par rapport à 2023. Hors acquisitions récentes, la progression repose sur une croissance organique soutenue. L’activité réalisée hors de France progresse de 24 % et représente désormais près de...

Abeille Assurances publie des résultats 2024 en nette progression

Abeille Assurances réalise en 2024 un chiffre d’affaires consolidé de 6,9 milliards d’euros, en progression de 4,2 % par rapport à 2023. Le résultat net atteint 79 millions d’euros, contre 53 millions un an plus tôt, soit une hausse de 49 %. Les fonds propres s’élèvent à 2,2 milliards d’euros, tandis que les ratios de solvabilité atteignent 137 % pour l’activité IARD & Santé et 216 % pour Abeille Vie​. ...