Dans une lettre ouverte au Président de la République publiée hier sur le site du Huffington Post, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, Philippe Louis, président de la CFDT et Luc Bérille, secrétaire général de l’Unsa, ont fait part de leur souhait de “discut[er] des sujets sociaux cruciaux”. Forcés de constater qu’ils sont peu écoutés par l’exécutif, les dirigeants des trois centrales modérées en sont réduits à l’incantation.
Un “pays dont la cohésion est fracturée”
Dans la première partie de leur propos, les trois responsables syndicaux brosse le portrait d’une France en plutôt mauvais état. “Une large part de nos concitoyens reste enlisée dans la pauvreté et le chômage de longue durée. Leurs difficultés ne sont pas solubles dans la croissance” s’inquiètent-ils en effet. Or, selon eux, les récents arbitrages budgétaires du gouvernement vont dans le mauvais sens car ce sont les “plus précaires” d’entre les Français, soit “les retraités, les chômeurs, les allocataires”, qui “risquent d’en faire les frais”. Au total, MM. Berger, Louis et Bérille estiment que cette situation est dangereuse car porteuse d’instabilité politique : “Dans ce monde où tout bouge à grande vitesse, beaucoup, saisis du vertige de l’identité, voient dans le populisme nationaliste un refuge”. On notera la valeur refuge, pour nos trois humanistes, que constitue la sempiternelle dénonciation du nationalisme…
“Chiche, Monsieur le Président !”
Dans cette configuration, les patrons du syndicalisme modéré français appellent le chef de l’Etat à leur faire une place dans le cadre de l’élaboration de la politique sociale du pays. “Emmanuel Macron avait ouvert une perspective cet été avec sa formule de “République contractuelle”. Alors, nous avons envie de dire : “Chiche, Monsieur le Président!” veulent-ils s’enthousiasmer. Plus précisément, ils estiment nécessaire que les réformes sur “les sujets cruciaux que sont, par exemple, la lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, la transition écologique, la santé et la qualité de vie au travail, l’adaptation de notre système de protection sociale, la construction d’une Europe autant porteuse d’efficacité sociale et environnementale qu’économique” fassent désormais l’objet d’une “construction collective”. “Si l’on veut aboutir, c’est-à-dire réformer, c’est pour le pays et avec lui que l’on doit le faire” concluent-ils.
Une posture incantatoire
S’il est difficile de nier le constat des trois syndicalistes d’un petit peuple de France actuellement soumis à rude épreuve par diverses forces structurelles – dont celles du mondialisme et de l’européisme, que les trois signataires de la lettre ne semblent pas très pressés de nommer comme telles – leur solution pour sortir de l’ornière laisse en revanche dubitatif. Après plus d’un an de présidence Macron, il apparaît désormais tout à fait évident que le chef de l’Etat n’est pas de ceux qui construisent les politiques sociales en collaboration avec les représentants des salariés. Ainsi, le “réformisme” affiché par la CFDT, la CFTC et l’Unsa est à peu près sans objet depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Peu disposés néanmoins à hausser vraiment le ton vis-à-vis de l’exécutif, ils se contentent de camper une posture incantatoire, aux effets bien incertains.