Alors que prend fin l’examen par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 et que se profile le début de son examen par l’Assemblée Nationale en séance publique, qui doit débuter lundi 28 octobre, il paraît opportun de faire le point sur les perspectives politiques de ce texte législatif et, au-delà, du financement des dépenses de protection sociale de la nation.
N’apparaissant pas disposer d’une majorité à l’Assemblée afin de voter son PLFSS 2025, le gouvernement de Michel Barnier se trouve au pied du mur – et pourrait bien en venir à chercher à charger la barque des financeurs privés de la protection sociale.
Une majorité introuvable pour le PLFSS 2025
Au terme de l’examen du PLFSS 2025 par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale – dont nos lecteurs ont pu suivre le feuilleton – un enseignement général émerge de toutes les péripéties auxquelles le texte a dû faire face : le gouvernement et, derrière lui, le Président de la République, ne semblent pas disposer, en l’état, d’une majorité à l’Assemblée susceptible de leur permettre de faire adopter ce texte législatif pourtant fondamental pour le budget de la nation. Vivement critiqué de toutes parts et modifié en profondeur – y compris par la suppression de certains de ses articles les plus importants – le projet de loi ressort essoré de la commission des affaires sociales de la chambre basse. Le ton est donné de ce à quoi devrait ressembler son examen en séance publique.
S’agissant des dispositions du PLFSS 2025 en matière de recettes, on rappellera que les membres de la commission des affaires sociales ont supprimé son article 6, qui prévoyait une remise en cause partielle d’allègements de cotisations sociales sur les salaires allant jusqu’à 3,5 SMIC. Cette suppression a été obtenue par les partis de droite, le Rassemblement National (RN) et… les députés macronistes ! Plus globalement, les membres de la commission ont d’ailleurs rejeté les projets de recettes sociales pour 2025 présentés par le gouvernement. En matière de dépenses, cette fois-ci, on apprend ce matin que la commission vient de supprimer l’article 23 du projet de loi, qui organisait le report de janvier à juillet 2025 de la revalorisation des pensions de retraite. Elle a par ailleurs agi de manière tout aussi radicale vis-à-vis de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) pour 2025, prévu par l’article 27. Le PLFSS 2025 de l’exécutif est décidément politiquement mal en point.
Les options stratégiques limitées de l’exécutif
Dans une telle configuration, et étant entendu – sauf bouleversement politico-institutionnel majeur – qu’un PLFSS va devoir être voté dans les prochaines semaines par le Parlement, l’exécutif va devoir choisir entre trois options stratégiques. D’abord, il pourrait tenter de faire adopter son projet de loi en misant sur le dégagement, article par article, de majorités de circonstances. La suppression pure et simple, en commission, d’articles importants du texte, ne laisse, certes, pas vraiment augurer d’une réussite de cette stratégie. Une variante consisterait, pour le gouvernement, à amender ou laisser amender le texte, afin de rendre plus acceptable ses dispositions ayant suscité le plus de réprobation en commission. La conséquence de cette stratégie serait de rendre le PLFSS 2025 moins, voire nettement moins, efficace en termes d’économies budgétaires.
Ensuite, il pourrait envisager, comme ceci a d’ailleurs été évoqué concernant le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, de recourir au fameux article 49-3 de la Constitution. Ce recours apparaît néanmoins risqué, dans la mesure où l’examen du PLFSS 2025 en commission a clairement montré que plusieurs de ses articles ne passaient pas du tout du côté des députés. Le vote d’une motion de censure serait alors tout à fait possible. Comme dans le cas de la stratégie précédente, le gouvernement pourrait bien faire en sorte d’édulcorer son texte mais ceci se ferait au prix d’un moindre impact budgétaire.
Afin de tenter de contourner cet obstacle, le Premier ministre pourrait être tenté de faire le choix d’une troisième option prévue par la Constitution, dans son article 47. Se rapportant spécifiquement aux projets de lois de finances, cet article prévoit un temps limité – cinquante jours dans le cas du PLFSS – pour l’examen parlementaire du texte et, en l’absence de son vote, son adoption par ordonnance. Juridiquement, cette arme constitutionnelle paraît redoutable ; politiquement, et plus encore dans l’état actuel des rapports de force parlementaires, elle est pour le moins risquée. Elle pourrait donner lieu à l’enclenchement d’un processus de renversement du gouvernement et ouvrir une séquence politique plus incertaine encore que celle qui a résulté des dernières élections législatives anticipées.
La tentation d’une mobilisation accrue des financeurs privés de la protection sociale
A l’analyse, en somme, le Premier ministre Michel Barnier va devoir faire le choix entre une défense politiquement fort périlleuse de l’intégrité de son programme d’économies budgétaires et un assouplissement de ses positions en la matière, plus susceptible de fédérer autour de lui mais ne permettant pas d’assainir suffisamment la trajectoire budgétaire de la France. A en juger aux déclarations de début de semaine du ministre du Budget et des Comptes Publics, Laurent Saint-Martin, au sujet d’un éventuel aménagement du gel des pensions de retraite servies par le régime général, il est tentant de formuler l’hypothèse que le gouvernement va tenter de se sortir de sa situation délicate en modérant les ambitions budgétaires qui étaient celles dans le cadre du PLFSS 2025.
Dans la mesure, toutefois, où la situation financière du pays n’est vraiment pas florissante, on voit mal comment l’exécutif va pouvoir s’asseoir sur la quinzaine de milliards d’économies qu’il escomptait du PLFSS 2025. Il pourrait alors se trouver tenté de retenir ultérieurement, et de manière cette fois unilatéral, comme il le peut tout à fait, des mesures d’économies substantielles sur le budget de la Sécurité sociale. Elles pourraient notamment passer par des diminutions de prises en charge diverses et variées. Ces mesures constitueraient autant de mobilisations d’ampleur des financeurs privés de la protection sociale. Le gouvernement, et avec lui l’ensemble du pays, se trouvent au pied de la falaise.
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