Cet article vient du site du syndicat de salariés CGT.
Dans le cadre du Projet de loi de financement (PLF 2020), dans lequel apparaît un déficit de 5,4 milliards d’euros pour 2019 et une prévision de 5,1 milliards d’euros pour 2020, le gouvernement prévoit d’expérimenter pendant trois ans la surveillance des réseaux sociaux et la collectes des données personnelles afin de lutter contre la fraude fiscale.
Glissée dans l’article 57 de la loi de Finances 2020, la disposition inquiète la Commission nationale informatique et libertés (Cnil). La Cnil a émis un avis réservé le 12 septembre, dans lequel elle considère que « la nature des traitements projetées sont susceptibles de porter atteintes aux droits et libertés des personnes concernées. La mise en œuvre de tels traitements interviendra de facto bien au-delà du périmètre des données susceptibles d’avoir une incidence en matière fiscale et douanière, dans le champ des libertés publiques des citoyens en étant susceptible de porter atteinte à leur liberté d’opinion et d’expression ».
Un logiciel « antifraude »
Ce dispositif se basera sur le logiciel antifraude de Bercy, le CFVR (ciblage de la fraude et valorisation des requêtes). Ce dernier fonctionne grâce à une intelligence artificielle qui mouline différentes bases de données de l’État afin de détecter automatiquement les fraudeurs. La surveillance des réseaux sociaux est déjà une réalité : il arrive déjà aux contrôleurs fiscaux de vérifier les réseaux sociaux pour des contrôles ponctuels. « Surveiller les réseaux sociaux permet de géolocaliser une personne, pour savoir si une personne vit ou non plus de six mois à l’étranger. Ils permettent aussi de vérifier que le train de vie soit conforme aux déclarations fiscales.
Ce genre de vérification n’est pas nouvelle, les outils informatiques et les réseaux sociaux (Instagram, Facebook, etc.) apparaissent comme de nouveaux outils de surveillance », explique Pierre-Yves Chanu, administrateur CGT de l’Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale). « La CGT a toujours dénoncé la fraude fiscale, mais la lutte contre la fraude fiscale ne doit pas se faire aux détriments des droits des citoyens. »
La Cnil s’en mêle
La CNIL a exigé que les résultats des l’expérimentation lui soient transmis par Bercy. Ce bilan devra comporter les conditions de mises en œuvre, la liste des sources internet, le détail des algorithmes, entre autres. Pour calmer les critiques, le ministère a précisé que l’expérimentation vise spécifiquement « les gros fraudeurs ». Une précision mentionnée nulle part dans le PLF et insuffisante pour calmer les inquiétudes. Dans une période où la surveillance généralisée devient la norme et cible toujours les plus fragiles, ce genre de dispositif inquiète.
Des dispositifs à l’étude
Inspirés par la série américaine « Lie to me », les dirigeants de la sScurité sociale ont récemment demandé à un organisme de formation, l’institut 4.10, de lancer un appel d’offres pour une formation à la détection des mensonges. Ce serait 749 999 € HT qui pourraient être débloqués pour former les salariés des CPAM, des CAF et des Carsat par groupe de 8 à 12 personnes sur des sessions de deux ou trois jours.
Pour rappel, en 2017, la fraude aux prestations sociales représentait 587 millions d’euros et concernait 0,3 % des bénéficiaires, tandis que la fraude aux cotisations sociales est estimée entre 5,2 et 6,5 milliards d’euros – soit 11 fois plus.