Ordonnances : vers une prévoyance bidouillée entre branches et entreprises ?

La seconde journée de présentation partielle du contenu des ordonnances aux partenaires sociaux s’est tenue hier. La CFTC, la CFDT et la CGT étaient invitées par le gouvernement à découvrir certains éléments de la réforme du Code du Travail. Principal enseignement : le statut de la prévoyance n’est toujours pas tout à fait arrêté et ce champ de négociation pourrait en partie relever des entreprises. 

Pour la CFTC, les branches confortées

A l’issue de sa brève entrevue avec Antoine Foucher, le directeur de cabinet de la ministre du Travail, Philippe Louis, président de la CFTC, s’est montré plutôt optimiste quant au contenu des ordonnances gouvernementales. Cité par l’AFP, il a confirmé que les branches conserveraient leur mainmise sur les minima conventionnels, les classifications, la mutualisation des financements paritaires, la gestion et qualité de l’emploi et l’égalité professionnelle et qu’elles pourraient verrouiller trois autres grands thèmes de négociations : la pénibilité, le handicap et les conditions d’exercice d’un mandat syndical. 

Surtout, M. Louis a estimé qu’il était possible que le gouvernement accorde aux branches d’activité des prérogatives plus importantes que ce qu’il avait prévu de faire à l’origine. En particulier, certaines primes – comme le 13ème mois ? – ainsi que certains aspects liés à l’aménagement du temps de travail pourraient être négociés à ce niveau. A titre exclusif ou facultatif ? Le président de la la CFTC ne l’a pas clairement précisé. 

Pour la CFDT, la prévoyance mise en cause

Si Véronique Descacq, numéro deux de la CFDT, s’est elle aussi déclarée “plutôt rassurée” à la sortie du ministère, il n’en demeure pas moins qu’elle a exprimé ses craintes quant au statut futur des négociations relatives à la prévoyance. Elle a en effet assuré, toujours à l’AFP, qu’une “grosse difficulté” subsistait à ce sujet. Mme Descacq a précisé qu’a priori, seuls certains aspects liés à l’organisation de la prévoyance étaient concernés par cet éventuel transfert au niveau des entreprises, comme la définition des jours de carence ou les congés de maternité. 

Cette crainte émise par la CFDT au sujet de l’avenir des discussions sur la prévoyance a pu en surprendre plus d’un, dans la mesure où ce thème, tout comme, plus généralement, celui de la protection sociale, rentrent dans la catégorie dite de la “mutualisation des financements paritaires”, que le gouvernement a défini comme étant une compétence exclusive des branches. 

Contactée par nos soins afin d’expliquer plus en avant le projet de l’exécutif, Véronique Descacq insiste sur l’importance de cette évolution potentielle de l’environnement réglementaire de la prévoyance. “L’idée serait de permettre aux branches de définir les garanties des accords prévoyance mais de laisser ensuite les entreprises négocier le niveau et le financement de ces garanties”. Un changement radical par rapport à la situation actuelle, en somme. Mme Descacq estime que les indemnités journalières sont notamment dans le viseur de l’exécutif. La CFDT s’est évidemment opposée à ce projet de réforme des régimes prévoyance. 

Les licenciements dans le flou

A ces imprécisions sur les prérogatives précises des branches et des entreprises s’est ajouté un flou artistique sur les mesures relatives aux licenciements. La principale annonce à ce sujet a été faite par la représentante de la CFDT, qui a évoqué une augmentation des indemnités de licenciement, à 25 % de mois de mois de salaire par année d’ancienneté – contre un cinquième aujourd’hui. En contrepartie, le plafonnement des indemnités prud’homales a été confirmé, sans pour autant que des chiffres précis soient donnés aux représentants des salariés. Philippe Louis a d’ailleurs cru comprendre que dans les cas de jugement pour “atteinte aux libertés fondamentales” du salarié, le juge pourrait avec une plus grande liberté qu’initialement prévu en matière de détermination des indemnités. 

Des IRP chahutées

Enfin, les organisations reçues hier ont pu prendre quelque peu connaissance des projets du gouvernements quant à l’avenir des IRP. M. Louis, bien en phase avec l’esprit de compromis qui caractérise la CFTC, a souligné que les prérogatives des instances amenées à fusionner seraient bel et bien “préservées” et que l’exécutif prévoit la possibilité “de conserver par accord des délégués du personnel ou ce qui pourrait y ressembler”. La précision méritait d’être faite… Pour la CFDT, Véronique Descacq s’est voulue un peu plus critique sur le sujet des prérogatives des futures instances représentatives du personnel, craignant la disparition de leur capacité à recourir, si nécessaire, à des experts. 

Au sujet des IRP, l’information la plus importante est pourtant ailleurs. Le président de la CFTC a confirmé que dans les PME dépourvues de délégués syndicaux, l’employeur pourrait négocier directement avec un délégué du personnel non mandaté par un syndicat. Le ministère n’a néanmoins précisé aucun seuil d’effectif afin de définir les PME concernées. 

 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmark Close
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

C2S : les règles de non-activité et de ressources sont révisées

Un décret du 28 juin 2025, publié au Journal officiel du 29 juin, vient préciser les modalités d’application de l’article L. 861-2 du code de la sécurité sociale concernant l’accès à la complémentaire santé solidaire (C2S). Le texte modifie plusieurs articles du code de la sécurité sociale (CSS). Le décret introduit un nouvel article...

CNSA : les règles de composition et de fonctionnement du conseil sont modifiées

Un décret du 28 juin 2025, publié au Journal officiel du 29 juin, modifie plusieurs articles du code de la sécurité sociale (CSS) afin d’ajuster la composition et le fonctionnement du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Le texte vise à synchroniser les mandats, harmoniser les règles de délibération et prévenir les conflits d’intérêts, dans la perspective du renouvellement partiel du conseil prévu au 1er février 2026. Le décret...

Dotation 2025 des CESP : plus de 39  M€ alloués par l’assurance maladie

Deux arrêtés publiés au Journal officiel du 29 juin 2025 précisent les dotations des régimes obligatoires d’assurance maladie consacrées aux contrats d’engagement de service public (CESP) pour l’année 2025. Un premier arrêté daté du 26 juin 2025 fixe la dotation versée au Centre national de gestion (CNG). Ainsi, la part de dotation destinée spécifiquement au financement des CESP s’élève à 29 404 800 euros pour l’année 2025. ...

Un nouveau représentant des départements entre au conseil de la CNSA

Un arrêté publié au Journal officiel du 28 juin, modifie la composition du conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Maël de Calan est nommé membre titulaire du conseil au titre des représentants des conseils départementaux. Il a été désigné par l’Association des départements de France (ADF). Il remplace à ce poste Stéphane Haussoulier. ...

Le nouveau modèle papier de l’arrêt de travail est maintenant obligatoire

Pour lutter contre les arrêts de travail frauduleux un décret généralise l'obligation d'utiliser le nouveau formulaire papier lorsque l'arrêt n'est pas déclaré en ligne. Le décret paru au Journal officiel du 29 juin 2025 précise que l'assuré placé en arrêt de travail (ou dont l'arrêt est prolongé) qui veut envoyer son justificatif au format papier doit désormais transmettre la version originale signée d'un formulaire spécifique. Ce nouveau formulaire est...